Alain Franco: Tsipras, le funambule
Alexis Tsipras est un équilibriste… Depuis son arrivée au pouvoir à la fin janvier, le Premier ministre grec marche sur un fil. Un coup de balancier à droite, un coup de balancier à gauche, il tente de se maintenir en équilibre entre des créanciers excédés par ses atermoiements sur la dette, et la recherche légitime de soutiens extérieurs, pour sortir son pays de l’asphyxie.
Mais n’est pas funambule qui veut. A plusieurs reprises, le chef de la gauche radicale a bien failli trébucher sur le fil qui relie Athènes à Bruxelles. Par inexpérience, par mauvaise appréhension des risques, mais aussi, il faut le dire, poussé à la faute par les conservateurs allemands ou espagnols. A Berlin et à Madrid, on n’a de cesse de diaboliser l’apprenti-funambule pour mieux le faire chuter. Ce serait tout bénéfice: avec lui disparaitrait pour longtemps le spectre de l’extrême gauche en Europe.
Poussé pour ceux qui caressent le rêve d’un axe orthodoxe, Tsipras a tendu un deuxième fil vers Moscou. Stupeur des spectateurs européens ! Sous le chapiteau ils ont scruté chaque souffle, mesuré au calibre à coulisse chacun de ses pas. Le suspense était à son comble: au bout de sa traversée, l’artiste allait-il se jeter dans les bras du grand-frère russe? Allait-il rompre l’unanimité qui prévaut en Europe vis-à-vis du maintien des sanctions contre Moscou, au risque de se mettre à dos ses partenaires baltes et polonais effrayés par le retour de l’impérialisme russe? Malin comme un apparatchik rompu aux manœuvres de partis, Tsipras s’est bien gardé de franchir cette ligne rouge, se contentant d’appeler ses partenaires à "abandonner le cercle vicieux des sanctions."
On aurait pu crier "casse-cou!" Mais il reste encore trop de flous pour lancer: "Bravo l’artiste !"
Alain Franco