Christian Favre: les prisonniers ne sont pas des marchandises!
Exporter les détenus dans les cachots à moitié vides du sud de l'Allemagne pour désengorger nos prisons : l'idée esquissée la semaine passée par les cantons peut séduire. Mais elle ne résiste pas bien longtemps à la critique.
Tout d'abord, parce qu'elle est symptomatique d'une vision utilitariste de la justice, oubliant un peu vite que les prisonniers - même s'ils ont enfreints la loi et méritent sans doute leur peine - restent des êtres humains. En aucun cas, ils ne sauraient être considérés comme des marchandises qu'on délocalise, parce que cela coûte moins cher qu'agrandir une prison.
Une question éthique, à laquelle s'ajoute une dimension institutionnelle.
Dans un Etat de droit qui se respecte, la détention fait partie des tâches régaliennes, en l'occurrence des cantons. Faire régner l'ordre et condamner ne suffit pas, les autorités ont également pour devoir d'assurer des conditions d'incarcération décentes aux délinquants.
Si nos prisons débordent, l'offre doit être adaptée en conséquence. Mais se défausser de cette responsabilité en exilant ses prisonniers n'est pas acceptable.
Une proposition qui a au moins un avantage : elle permet aux Suisse de s'interroger, précisément, sur les raisons expliquant pourquoi les prisons du sud de l'Allemagne sont à moitié vides. Est-ce parce que ce pays produit moins de délinquants ? A l'évidence non. Mais parce qu'en Allemagne, la justice préfère recourir à des alternatives comme le bracelet électronique, plutôt que de pratiquer l'incarcération systématique. La Suisse pourrait s'en inspirer. Voilà qui serait bien plus adéquat que des solutions faisant penser aux bagnes d'un autre temps.
Christian Favre.