Patrick Nussbaum: libre circulation et rang d'oignons
Les douze poids lourds de l'économie suisse avaient fière allure sur la photo, dans la presse, cette semaine: alignés en rang d'oignons et en ordre de bataille, unis dans un austère portrait de groupe avec dame!
Et l'enjeu est de taille: convaincre les Suisses de s'opposer à l'initiative de l'UDC contre l'immigration de masse, sur laquelle nous allons voter le 9 février. Entendons-nous bien: la libre circulation est une valeur en soi et de surcroit un acquis de l'Europe. Que la Suisse y soit associée et qu'elle en retire une partie de sa richesse est également indéniable.
Mais on aurait pu s'attendre à mieux que la désormais sempiternelle menace: votez oui ou ce sera la chienlit. On aurait aimé voir les plus fins esprits politiques esquisser des visions pour rassurer ceux qui ne souhaitent pas forcément une Suisse à 10 millions d'habitants, on aurait aimé entendre le gouvernement proposer des mesures concrètes pour réguler les débordements, on aurait apprécié que nos patrons suisses nous disent plus clairement que la sous-enchère salariale n'est pas une option. Bref: on aurait aimé avoir droit à la prise en compte des nombreuses inquiétudes que l'initiative de l'UDC traduit, à sa manière.
A la place d'un débat sans dogme, prospectif et orienté solutions, on a presque dû se contenter d'une petite diabolisation de l'UDC.
Dommage: les Suisses sont certes ouverts et savent généralement où sont leurs intérêts. Mais la libre circulation est une source de tension, qui méritait probablement un peu plus de compréhension, de vision et d'action. Espérons tout de même que la stratégie des seuls patrons en rang d'oignons ne se transforme pas, dans les urnes, en grande désillusion.
Patrick Nussbaum