La place à part des femmes dans l'Église
Des protestants et des catholiques déplorent la féminisation de leurs Églises. Or si celles-ci sont largement habitées et portées par les femmes, la femme n'est pas l'égale de l'homme devant l'autel.
"Hautes fréquences" se penche sur une polémique récente du côté réformé, pour développer la question plus largement dans les traditions chrétiennes.
Parmi les différentes confessions chrétiennes, certaines Églises reconnaissent aux femmes le rôle de pasteur ou de prêtre, d'autres non. Toutes par contre sont traversées plus ou moins intensément par cette question: quelle place pour les femmes dans l'Église, elles qui sont majoritaires? Être une croyante est-ce si différent du fait d'être un croyant? Laisser de la place aux femmes dans l'Eglise, est-ce que cela la transformerait négativement?
Les protestants réformés de Suisse se sont récemment disputés en ce sens suite à des propos tenus par Gottfried Locher, le président de la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS), propos qui prêtaient le flanc à la polémique. Dans un article de la "Weltwoche", on pouvait lire que Gottfried Locher établissait un lien entre la présence des femmes pasteurs et la baisse de fréquentation des églises. A
u micro de "Hautes fréquences", Gottfried Locher explique que son propos a été mal rendu par l'article en question, et mal interprété par la suite. Il souligne le bénéfice et l'égalité de leurs qualités de pasteurs avec leurs confrères masculins.
Rencontre ensuite avec Isabelle Ott-Baechler, pasteure à Boudry (NE), lauréate du prix de la prédication de la FEPS en 2014. Elle rend compte de son expérience de femme pasteure, elle qui fut la première femme élue présidente du Conseil synodal de l'Église réformée évangélique du canton de Necuhâtel (EREN). Elle relève le fait que son Église pratique une égalité de traitement entre hommes et femmes plus aboutie que la société dans son ensemble.
Si les réalités de l'Église catholique romaine sont différentes quant au rôle donné aux femmes, là aussi, des voix estiment que l'Église s'est trop féminisée, ne serait-ce qu'en laissant la possibilité en 1983 à des femmes d'être servantes d'autel.
Professeur d'Ancien Testament à l'Université de Fribourg, le père dominicain Philippe Lefebvre revient aux sources bibliques pour rappeler la place centrale des femmes dans la révélation chrétienne, et le besoin de repenser ces questions.
Et pour conclure ce dossier, dialogue avec Eglantine Jamet-Moreau, Maître de conférences à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense (Paris X), spécialiste de civilisation britannique. Intéressée aux questions du genre et leur lien avec l'univers religieux, elle a publié "Le curé est une femme. L'ordination des femmes à la prêtrise dans l'Église d'Angleterre" (L'Harmattan).
Elle relève que si l'Église anglicane d'Angleterre a fait le pas de l'ordination des femmes, cela ne se fait pas sans difficulté. Rappelant les traces d'un archaïsme symbolique très fort, sa réflexion interroge les fondements anthropologiques, théologiques et spirituels qui légitimeraient une place différente aux femmes dans l'Église.
Un dossier proposé par Pierre-Yves Moret.
Bibliographie
"Le curé est une femme. L'ordination des femmes à la prêtrise dans l'Église d'Angleterre", Eglantine Jamet-Moreau,  Paris : L'Harmattan, 2012
"Un homme, une femme et Dieu. Pour une théologie biblique de l'identité sexuée", P. Lefebvre et V. De Montalembert, Paris : Le Cerf, 2007