Le line-up ayant conduit à l’arrestation de Salah. [RTS]

Justice et hypnose

L'émission du 21 janvier 2015

Le 31 mars 1995 vers 1h du matin, près de La Perle-du-Lac à Genève, France R. est sauvagement violée par deux hommes. Traumatisée, elle ne porte pas plainte immédiatement. Ce n’est que trois ans plus tard qu’elle se rend à la police. Des séances d’hypnose lui ont permis de « retrouver » dans sa mémoire les visages de ses agresseurs. Deux hommes, qui clament leur innocence, sont arrêtés puis condamnés à 4 ans de prison en 1999. Zone d’Ombre revient ce mercredi 21 janvier sur la seule affaire de l’histoire judiciaire suisse dans laquelle l’hypnose a été utilisée comme élément de preuve.

France R. était au volant de sa voiture quand le cauchemar a commencé. Arrêtée au feu rouge à la hauteur de La Perle-du-Lac à Genève, elle est extraite de force de sa voiture par deux agresseurs. Ces derniers la fouillent, lui volent 100 francs avant de la violer, de la frapper violemment puis de quitter les lieux. Dans un premier temps, France R. n’en parle à personne. Elle essaie d’oublier, mais sans y parvenir.

Trois ans plus tard, elle s’adresse au centre LAVI (Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions) de Genève, qui l’encourage à déposer plainte. Parallèlement, France consulte une psychologue qui pratique l’hypnose. C’est ainsi que lui reviennent des images de l’agression… et le visage de ses auteurs. Le portrait-robot qu’elle établit avec la police conduit à l’arrestation de deux hommes, Salah et Sidi. Ces derniers clament leur innocence, mais ils sont condamnés.

Zone d’Ombre a retrouvé les deux hommes condamnés. Aujourd’hui encore, ils clament leur innocence. Quant à la victime, France R, elle aussi témoigne. Et elle est sûre de son fait.

Elle ne parle pas de son viol

31 mars 1995. France rentre chez elle en pleine nuit lorsque deux hommes la tirent de sa voiture et la violent brutalement à l’entrée de Genève. Dans un premier temps, elle n’en parle à personne, et essaie d’oublier mais n’y parvient pas et dépérit. Trois ans après le viol, elle s’adresse au centre LAVI de Genève.

Elle ne parle pas de son viol [RTS]

Elle retrouve la mémoire sous hypnose

Mars 1998. Au centre LAVI, des bénévoles accompagnent France et l’encouragent à déposer plainte à la police. Elle décrit précisément les faits mais ne se souvient pas de ses agresseurs. Elle entreprend une thérapie chez une hypnothérapeute qui lui fait revivre son agression. Peu à peu des images lui viennent : des visages, une bague, trois boucles à une oreille. Avec l’aide de la police, elle dresse le portrait-robot de ses agresseurs.

Elle retrouve la mémoire sous hypnose [RTS]

Deux individus arrêtés sur la base de souvenirs obtenus sous hypnose

A la police, les enquêteurs font le lien avec Salah, un jeune homme connu pour divers délits, puis avec Sidi, un de ses compagnons de boite de nuit. La victime identifie les deux jeunes gens qui, trois ans après les faits, n’ont pas d’alibi valables. Elle identifie également la voiture de ses agresseurs, un modèle identique à celle du père de l’un d’eux, ainsi qu’un couteau. L’instruction est bouclée.

Deux individus arrêtés sur la base de souvenirs obtenus sous hypnose [RTS]

Condamnés suite à un témoignage obtenu sous hypnose

Salah et Sidi sont deux jeunes étrangers qui ont grandi dans les milieux internationaux de Genève. A la cour d’assise, ils sont défendus par quatre avocats, dont deux ténors du barreau. Face à eux, la victime n’est assistée que d’une avocate. D’emblée la défense cherche à mettre en évidence des incohérences dans le travail d’enquête et met en doute la fiabilité des souvenirs nés sous hypnose. Mais sans convaincre le jury qui condamne les deux accusés à quatre ans de prison ferme.

Condamnés suite à un témoignage obtenu sous hypnose [RTS]

Deux accusés, l'un condamné l'autre acquitté

Les avocats font appel de la décision. Le 29 septembre 2000, la cour de droit public du Tribunal Fédéral casse la condamnation de Sidi, arguant des doutes liés au rôle de l’hypnose dans l’identification de l’accusé. Quelques mois plus tard, la même cour confirme la condamnation de Salah, qui persiste, des années plus tard, à clamer son innocence.

Deux accusés, l'un condamné l'autre acquitté [RTS]