Un reportage de Bertrand Duboux et Michel Heiniger Image Jean-Pierre Jordan : Son Aldo Rossi : Montage : Patrick Guignet

L'abus de sport nuit gravement à la santé

L'émission du 18 avril 2002

Le sport de compétition provoque des dégâts irréversibles. On ne compte plus les athlètes de haut niveau qui terminent leur carrière avec des hanches en plastique, des dérèglements hormonaux et de violentes attaques d'arthrose. Les stars du sport payent cher leur gloire éphémère. La pression des sponsors, des médias et du public les incite à dépasser des limites qu'ils ne devraient jamais franchir.

Le sport c'est la santé. Mais les athlètes de haut niveau, jetés en pâture comme modèles pour le sportif du dimanche, font mentir cet adage. Fauchés en pleine gloire par des blessures irréversibles, atteints d'arthrose et souffrant le martyre parfois dès 30 ans, ils paient un lourd tribu à la course aux médailles et au sport spectacle.

Le sport professionnel a évolué sans tenir compte de la santé des sportifs. Les champions d'hier ont aujourd'hui l'impression d'avoir été traités comme des cobayes, ainsi que le soulignent les témoignages réunis par Bertrand Duboux et Michel Heiniger. Des entraînements intensifs, des retours trop rapides à la compétition après une blessure, autant de facteurs qui ne tiennent pas compte des besoins et des limites de l'organisme. A travers trois angles principaux, le sport et l'enfant, les fragilités spécifiquement féminines dans le sport à haut niveau et enfin les conséquences de l'évolution du matériel, Temps présent éclaire le revers de la médaille et donne la parole à d'anciens sportifs qui ne cachent pas leur amertume. L'entraînement intensif des futurs champions commence de plus en plus tôt et peut conduire à d'innombrables problèmes de croissance. Trente heures d'entraînement par semaine pour arriver au plus haut niveau à 15 ans, c'est le lot des gymnastes féminines. Chez les jeunes filles, mais aussi chez les femmes ayant terminé leur croissance, la préparation physique poussée entraîne des dérèglement hormonaux, avec aménorrhée, anorexie et ostéoporose. Les conséquences sont dramatiques, comme en témoigne notamment Jeanne-Marie Pipoz, spécialiste de demi-fond, qui porte depuis l'âge de 26 ans une hanche artificielle, suite à une fracture du col du fémur. Par ailleurs, chaque mois au cours du cycle naturel féminin, la résistance de certains tissus diminue, et s'ils sont alors excessivement sollicités, l'accident menace. Anita Proti en a fait la triste expérience avec trois ruptures successives du tendon d'Achille qui l'ont obligée à interrompre sa carrière avant 30 ans.

Le matériel des sportifs a lui aussi évolué. De la chaussure aux skis, en passant par les surfaces des courts de tennis ou des pistes d'athlétisme, tout est conçu pour améliorer les performances, mais sans tenir compte de la santé des athlètes. Depuis l'introduction du ski taillé, le « carving », par exemple, c'est une véritable hécatombe. On ne compte plus les blessures au genou. Les deux tiers de l'équipe féminine de ski suisse ont été opérées au niveau du ligament croisé antérieur, une blessure rarissime en ski il y a encore 20 ans.
Hockeyeurs, footballeurs, skieurs, coureurs, gymnastes, tous sont touchés et paient dans leur corps les effets désastreux de la course aux records et aux médailles. Médecins et sportifs - on entendra notamment les footballeurs Umberto Barberis et Eric Burgener, qui portent aujourd'hui une hanche en plastique, les hockeyeurs Jean-Charles Rotzeter et Slava Bykov - tirent aujourd'hui un bien triste bilan. Ce qui fait dire à Jacques Personne, ancien entraîneur sportif, enseignant et chercheur à l'INSEP, qu'un cheval de course valant des millions est aujourd'hui bien mieux entouré et surveillé qu'un jeune athlète.... Il est par ailleurs l'auteur d'un livre paru en 1987, intitulé « Aucune médaille ne vaut la santé d'un enfant ».