C'est le coup d'assommoir !» dit l'un. « Cela ne sera plus jamais la même ambiance à Vuisternens… » renchérit l'autre. Qui aurait pu croire que les 700 âmes de Vuisternens en Ogoz voient leur paisible existence ébranlée par une affaire de détournement d'argent. C'était au cœur de l'été 2001. Le Conseil communal de Vuisternens découvrait que le boursier qui gérait ses finances depuis plus de 20 ans, avait détourné 4,6 millions de francs sur le dos des habitants de la commune. La trahison fut ressentie d'autant plus cruellement que cet enfant du pays, fils de paysan, était le frère de l'ancien syndic et qu'il était de presque toutes les sociétés de Vuisternens. Celui que tout le monde appelait Cocolet a fait l'objet d'une enquête pénale mais …toujours pas de procès en vue ! Les habitants fustigent les « autorités statiques » et « la justice qui ne fait pas son boulot ». Comment le boursier communal a-t-il pu puiser un tel montant dans la caisse ? Quelles étaient les lacunes dans le contrôle des comptes ? Pourquoi le boursier n'a-t-il pas fait de détention préventive ? L'équipe de Temps présent a incité les langues à se délier.
Les témoignages foisonnent également pour évoquer les problèmes qui agitent le Conseil communal de Vuisternens. De fait, une brève immersion dans une de ses séances permet au téléspectateur de mesurer l'intensité du conflit qui agite ses membres. L'origine des tensions se nomme René Macheret. Au printemps 2002, cinq conseillers communaux sur sept avait demandé au Conseil d'Etat fribourgeois d'enquêter sur le comportement de ce dernier, élu tacitement quelques mois auparavant. On lui reprochait notamment de ne pas respecter le secret de fonction. Sans oublier ses nombreux démêlés avec la justice…Six conseillers communaux avaient alors été mis sur la touche tandis que la gestion des affaires courantes était confiée au seul syndic, épaulé par deux lieutenants de préfet. En janvier 2002, le Conseil d'Etat décidait de reconduire le Conseil communal dans ses fonctions, tout en le plaçant sous la surveillance du préfet. Cette décision de compromis a été mal perçue par plus de la moitié des citoyens de Vuisternens qui ont signé une pétition demandant, sans succès, la révocation de René Macheret. Agriculteur prospère, ce dernier est fier de montrer sa propriété de 60 hectares et de confier à Alec Feuz : « La pétition, j'en ai strictement rien à foutre ! ».
Il faudra beaucoup de temps aux habitants de Vuisternens pour retrouver la sérénité. « Le temps d'une génération » affirme une villageoise. Pour le couple de personnes âgées dont le journaliste a recueilli les sages paroles tout au long du reportage, le calme est de mise : « De toute façon, tout passe et tout lasse… ».