En Suisse, la fraude fiscale se chiffre probablement en milliards de francs. La loi va devenir plus sévère. Il est même question de lever le secret bancaire devant les gendarmes du fisc. La tolérance face aux fraudeurs est en diminution. 4000 à 6000 procédures pour soustraction d’impôts sont lancées chaque année. « Temps présent » a voulu savoir comment se passe la chasse à la fraude.
Ce sont les cantons qui sont en première ligne. En Suisse romande, 77 inspecteurs fiscaux secondés par quelque 500 taxateurs traquent la fraude et la soustraction fiscales auprès de 1,4 million de contribuables. Soit un fonctionnaire pour 2500 contribuables… Un travail de fourmi, qui pour les cas graves est pris en charge par les super flics de la Confédération. Mais un travail qui en vaut la peine, puisque, à Genève par exemple, un inspecteur fiscal rapporte à l’Etat en moyenne deux millions de francs par an.
Pour le contribuable lambda, le fisc est aussi une administration difficile à comprendre, avec laquelle les rapports ne sont pas toujours simples. Car on peut devenir fraudeur et s’exposer à de très lourdes peines sans même s’en rendre compte, par ignorance ou par négligence.
COMMENT ON ESTIME LA FRAUDE FISCALE ?
Par définition l’ampleur de la fraude fiscale est difficile à mesurer. La Suisse, contrairement à d’autres pays européens, ne connaît aucune estimation officielle en la matière. On en est réduit à se baser sur la demi-douzaine d’évaluations faites par des économistes, des fiscalistes ou des associations économiques, dont Economiesuisse. Les résultats varient beaucoup  de l’une à l’autre et tout le monde ne calcule pas la même chose. Il faut donc les prendre avec une certaine prudence. En gros, ces études font état d’une fourchette allant de 5 milliards à 20 milliards de francs de revenus non déclarés et d’une fortune cachée de 150 milliards à 300 milliards. D’autres ont calculé des proportions qui donnent un taux moyen de soustraction fiscale sur le revenu s’échelonnant de 20% à 23%, un ordre de grandeur qu’on retrouve dans plusieurs pays européens.
Il faut remonter au début des années 1960 pour découvrir l’unique tentative du Conseil fédéral de calculer la fraude fiscale en Suisse. Suite à une motion parlementaire acceptée par les deux Chambres, le Conseil fédéral publie en juin 1962 son «Rapport à l’Assemblée fédérale concernant une lutte plus efficace contre la fraude fiscale (26 mai 1962)». Ce rapport évalue la fortune soustraite à l’impôt à un montant de 15 milliards à 19 milliards de francs (de l’époque) et à quelque 2 milliards de francs les revenus non déclarés. Des montants considérables si on les compare au total des impôts d’alors (5,7 milliards de francs). Dans ce rapport, le Conseil fédéral remarque : « Il est indubitable que le secret des banques (le secret bancaire d’aujourd’hui) favorise grandement la fraude fiscale et que sa suppression permettrait de s’attaquer à la racine du mal. ». Cela va provoquer une onde de choc, en particulier auprès de l’Association suisse des banquiers, qui télégraphie illico au Conseil fédéral pour lui demander une entrevue. Elle aura lieu, le Conseil fédéral rassurera les banques… et le rapport sera oublié.
Rediffusion le vendredi 28 février 2014 à 1h40 et le lundi 3 mars 2014 à 15h50 sur RTS Deux.