Le "secret", une pratique de nos campagnes qui se perd dans la nuit des temps. Certaines personnes ont semble-t-il le don de guérir ou de soulager à distance des malades sans recourir à la médecine. Longtemps, médecins et hôpitaux ont traité les guérisseurs avec mépris ou indifférence. Aujourd'hui, non seulement ils s'y intéressent, mais ils font même parfois appel à leurs services.
Brûlures, hémorragies, verrues, psoriasis. Certaines personnes ont reçu le don d'apaiser ou de guérir à distance ceux qui souffrent de ces maux. Simple comme un coup de fil, le guérisseur, le coupe-feu, le détenteur du « secret » murmure quelques paroles, une prière par téléphone, esquisse quelques gestes à distance en se concentrant sur la personne malade ou blessée. Les résultats sont souvent miraculeux. Plusieurs affirment que la douleur s'est effacée, que les cicatrices ont disparu.
Il fut un temps où dans le Jura, berceau du Secret, le nombre de guérisseurs était supérieur au nombre de médecins. Bien que la tendance se soit à présent inversée, les réflexes demeurent. Outre les particuliers, restaurateurs et pharmacies notamment possèdent une liste des guérisseurs et de leur spécialité. Pourtant, rien ne permet d'expliquer rationnellement le fonctionnement du Secret. Un médecin peut-il donc admettre que l'irrationnel entre dans un processus de guérison ? Est-ce du conditionnement psychologique ? Y a-t-il un effet placebo ? Quelles sont les forces sollicitées ? Dans les hôpitaux à la pointe de la technologie, comme le CHUV, une liste des guérisseurs est à la disposition des patients. Dans une clinique vaudoise, certains médecins recommandent même aux patients subissant des rayons de faire appel aux coupe-feu. A la ville tout comme à la campagne, cette habitude s'étend.
Les témoignages se succèdent. Dans le Jura, à Genève, Fribourg ou encore dans le canton de Vaud. De guérisseurs, de blessés, de médecins. Personne n'a d'explication. Pourtant, l'humilité des premiers qui se consacrent chaque jour à soulager gratuitement les souffrances des autres, la reconnaissance des seconds et l'i ncompréhension des troisièmes provoquent un questionnement sur les mystères de la médecine, sur notre rapport à la spiritualité et sur le schisme revendiqué par certains médecins entre la science et la pratique du Secret, héritage ancestral empirique.
Correctif : merci de prendre note qu'une erreur s'est glissée dans la précédente version de ce texte : le service des urgences de l'h ôpital de Porrentruy, ne possède pas de liste de guérisseurs.
Un reportage de Myriam Gazut-Goudal et Bettina Hofmann
Image : Walter Hug Son : Christophe Giovannoni Montage : Bronwen Cowley