Entrée de la Cour pénale internationale dans la ville de La Haye, Pays-Bas. [Jerry Lampen - Reuters]

Cour pénale internationale: une justice pour qui?

L'émission du 2 mars 2014

La Cour pénale internationale (CPI) a été créée pour "mettre fin à l'impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale." Or à ce jour, seuls 122 États ont ratifié le statut de Rome qui fonde la CPI.

Parmi la soixantaine de pays qui n'admettent pas son autorité, on citera des puissances comme les États-Unis ou la Russie qui n'ont pas ratifié le statut de Rome ou d'autres comme la Chine, l'Inde ou l'Arabie saoudite qui ne l'ont tout simplement pas signé. Une situation que dénoncent les détracteurs de la CPI qui ajoutent que seuls les dossiers de criminels africains y sont jugés et qu'en douze ans d'existence, elle n'a rendu qu'un seul verdict de culpabilité.

A quoi sert réellement la Cour pénale internationale? Quelles sont ses forces et ses faiblesses? A l'occasion du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH), Geopolitis décrypte cette justice internationale censée être universelle.

L'invité: Me Philippe Currat, avocat à Genève, secrétaire général du barreau pénal international.

Liens utiles


Juridictions internationales

CPI 

La Cour pénale internationale est une cour permanente devant laquelle sont jugées les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale, à savoir les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Contrairement aux TPIY et TPIR, la mission de la CPI est permanente depuis son entrée en fonction en 2002. A ce jour, elle a prononcé de nombreuses inculpations mais par encore de sentence.

Cour internationale de justice 

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’ONU. Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé son activité en avril 1946. Sa mission est de régler, conformément au droit international, les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats et de donner des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes et les institutions spécialisées de l’Organisation des Nations Unies autorisés à le faire.

TPIR 

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a été établi par le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour "juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide et d’autres violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda […] entre le 1 er janvier et le 31 décembre 1994." Le mandat du TPIR doit s’achever avant la fin 2010.

TPIY 

Le Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie a vu le jour en 1993 et a permis, à ce jour, d’inculper 161 personnes dont 121 ont été jugées. Le mandat du TPIY s’achèvera en 2012, peut-être sans avoir jugé un dernier haut responsable serbe, le chef militaire Ratko Mladic.

TSSL 

Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a été créé par la résolution 1315 du Conseil de Sécurité du 14 août 2000. Elle donna mandat au Secrétaire Général des Nations Unies de négocier un accord avec le gouvernement du Sierra Leone pour la création d'une juridiction mixte devant juger les atrocités perpétrées dans ce pays. Le TSSL mène aujourd’hui le procès de l’ancien président libérien Charles Taylor, accusé d’avoir dirigé en sous-main les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) en Sierra Leone en leur fournissant armes et munitions en échange de diamants.


 

Adresses complémentaires

Portail judiciaire de La Haye 

Le Portail fournit des informations quotidiennes sur les principales institutions juridiques et sur les organisations internationales. Il promeut également le travail et les développements de nombreux instituts et centres de recherche à La Haye, qui s’intéressent aux sujets centrés sur la paix, la justice, et la sécurité internationales.

Coalition pour la cour pénale internationale
Cette coalition est un réseau constitué de plus de 2500 organisations non-gouvernementales oeuvrant pour une Cour pénale internationale juste, efficace et indépendante.

La FIDH
La Fédération internationale des droits de l'homme représente 164 organisations de défense des droits de l'homme à travers le monde.

AdH Genève 

L’académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève (AdH Genève) a pour mandat de dispenser des enseignements en français et en anglais de haut niveau académique, de mener et promouvoir des recherches scientifiques, d’organiser des formations continues et des colloques et de fournir des expertises juridiques dans les domaines du droit international touchant aux situations de conflits armés.


 

Organisations et associations oeuvrant pour une justice internationale

TRIAL (Track Impunity Always) 

TRIAL est une association de droit suisse fondée en 2002. Elle a pour vocation de lutter contre l'impunité des responsables, complices ou instigateurs de génocide, de crime de guerre, de crime contre l'humanité et de torture. Le site de TRIAL constitue un portail très documenté sur l'actualité de la justice international, les tribunaux internationaux ou hybrides et bien d'autres ressources sur le sujet.

Centre international pour la justice transitionnelle
Le Centre International pour la Justice est une organisation internationale de défense des droits humains qui aide les pays qui cherchent à identifier les responsables des violations massives des droits de l'homme dans le passé. Découvrez ici la page consacrée à la RDC.

CICR – Base de données juridiques 

En août dernier, le CICR a mis en ligne une base de données juridique pour renforcer la protection des victimes de guerre. Elle est issue d’une étude menée par le CICR et la Croix-Rouge britannique et conçue pour servir de référence juridique aux tribunaux et organisations internationales.

Avocats sans frontières (ASF) 

ASF est une ONG composée essentiellement d’avocats, de juristes et de magistrats. Forte du principe selon lequel la justice est un préalable à une paix durable, elle intervient, dans la mesure du possible, là où les droits humains sont bafoués et où les conflits armés n’appliquent pas les règles de droit. Elle mène ainsi des projets dans plusieurs pays comme le Burundi, la RDC ou en Israël. Voir ici la liste des projets.


 

Articles d'Infosud / Tribune des droits humains

"La justice internationale reste insuffisante"

Un avocat genevois dans le chaudron des tribunaux internationaux

RDC: Comment juger les massacres de masse? 

Livres

Livres Hazan1

La paix contre la justice ? Comment reconstruire un état avec des criminels de guerre – Pierre Hazan

Pierre Hazan explore l’articulation subtile entre les notions de paix et de justice. Il montre à quel point cette dernière a considérablement évolué depuis la fin de la guerre froide pour s’immiscer de plus en plus dans les relations internationales au travers des affaires les plus marquantes des dernières décennies.

Livres Hazan2 

Juger la guerre, juger l’Histoire – Pierre hazan

"Comment une société se reconstruit-elle après une dictature ou des crimes de masse ? Pierre Hazan examine ici le renversement de stratégie qui s’est produit avec les tribunaux de Nuremberg et qui s’est accéléré depuis la fin de la guerre froide."

Infographie

En plus...

Vu sur le web

“The Court” – la bande -annonce

Sorti en 2012, le film "The Court" dresse le portrait de la Cour pénale internationale du point de vue du bureau du procureur. On y découvre le quotidien de Luis Moreno Ocampo qui fut le premier procureur de la CPI, tout en suivant les affaires qui ont jalonné les premières années de l'institution. On prend alors la mesure du défi que constitue la justice internationale notamment pour des cas comme le conflit israélo-palestinien, point de départ des réalisateurs Michele Gentile et Marcus Vetter. (en anglais) (2 min 26 sec)

Le premier verdict de la CPI

La CPI publie sur sa chaîne Youtube de nombreux programmes dont les vidéos des  audiences. Visionnez ici ce verdict historique, le premier rendu par une chambre de première instance de la CPI. C’était le 14 mars 2012 dans le procès qui a mis en accusation Thomas Lubanga Dyilo. Ce dernier a été reconnu coupable de crime de guerre "consistant à avoir procédé à la conscription et à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans et à les avoir fait participer activement à des hostilités du 1er septembre 2002 au 13 août 2003" en République démocratique du Congo. (34 min 40 sec)

 

L’Union africaine dénonce la "chasse raciale" de la CPI

Après dix ans d’existence, la CPI a mené des affaires qui ne concernent que le continent africain. Une situation que l’Union africaine a violemment critiqué notamment suite à l’inculpation du président kenyan Uhuru Kenyatta. Les explication dans ce reportage d’Euronews daté de mai 2013. (1 min 14 sec)

 

L’exemple d’Invisible Children

Vous n’avez peut-être pas manqué la campagne menée dès 2012 par l’ONG Invisible Children. Elle a pour but de faire connaître au plus grand nombre Joseph Kony, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en Ouganda. Cette campagne a fait un buzz sur le web avec un film (ci-dessous à gauche) qui compte quelques 100 millions de vues et des centaines de vidéos disponibles sur la chaîne Youtube d’Invisible Children. Joseph Kony n’a pas été arrêté à ce jour mais le succès de la campagne d’Invisible Children montre comment une ONG se sert des outils numériques modernes pour créer un mouvement autour d’une cause, en l'occurrence, empêcher l'Armée de Résistance du Seigneur et son chef, Joseph Kony de poursuivre leur rébellion. La vidéo de droite explique comment Invisible Children procède pour continuer de faire pression sur les politiques, en particulier, le président des États-Unis. (en anglais)

  #zeroLRA Advocacy

Me Philippe Currat, secrétaire général du Barreau pénal international

Me Philippe Currat est Avocat et Dr en droit. Il a consacré toutes ses recherches académiques au droit international public et en particulier aux domainesdu droit international humanitaire et des droits de l'homme. Il a participé à la réflexion sur la création de la justice pénale internationale depuis la mise en place des deux Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda en 1994. Il a également pris part, en juillet 2004, au Summer Course on the International Criminal Court.

C'est aux "Crimes contre l'humanité dans le Statut de la Cour pénale internationale" qu'il a consacré sa thèse de doctorat (publiée en mars 2006 par Schulthess, Zurich, Bruylant, Bruxelles et LGDJ, Paris, 848 pages). Cet ouvrage de renommée internationale est considéré comme la référence en la matière.

Diplômé en droit international humanitaire du CICR, Me Philippe Currat a également représenté l'Université de Genève au Concours Jean-Pictet en 1999. En

(Extrait présentation de l'étude de Me Philippe Currat sur : philippecurrat.ch)

Le site du Barreau pénal international

Vu du passé

C’est à Nuremberg, où sont jugés les principaux membres du régime nazi, que la justice internationale élabore la notion de crime contre l’humanité et prend une dimension universelle. Mais il faudra attendre la fin de la Guerre froide pour qu'elle trouve une nouvelle raison d’être. Les responsables de guerre en ex-Yougoslavie, puis du génocide du Rwanda seront jugés par des Tribunaux pénaux internationaux. L’idée d’opposer la justice à la guerre fait son chemin.

L’ouverture du procès de Nuremberg

L'ouverture du procès de Nuremberg. [INA] Le procès de Nuremberg, intenté par les puissances alliées contre 24 des principaux responsables du Troisième Reich, a lieu du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946. Au-delà des sentences prononcées et des conséquences pour l'Allemagne, ce procès, malgré son caractère exceptionnel et les circonstances dans lesquelles il a été institué, a jeté les bases d'une justice dépassant celles des nations. Sur cet extrait tourné à l’ouverture du procès, les accusés doivent se déterminer: coupable ou non coupable ?

Le 30 novembre 1945, les principaux responsables de la guerre sont devant leurs juges à Nuremberg. (INA 2 min 48 sec) 

Le tribunal Russel

Le tribunal Russel - Point, 9 février 1967. [RTS] En février 1967, Jean-Paul Sartre répond à une interview de la TSR sur la valeur du tribunal que plusieurs personnalités d'envergure ont lancé pour dénoncer les crimes américains aux Vietnam. Reprenant une initiative du philosophe et mathématicien Bertrand Russel, Jean-Paul Sartre anticipe, en quelque sorte avec ce tribunal informel, les bases intellectuelles de ce qui sera plus tard le Tribunal pénal international. Dans sa biographie de Jean-Paul Sartre, Denis Bertholet évoque cet épisode de l'engagement du philosophe et son refus, dans un premier temps, de rejoindre Russel pour une opération qui lui paraît vaine. Mais après un voyage à Londres en compagnie de Simone de Beauvoir, il accepte de s'engager et d'occuper le poste de président du comité exécutif, rôle "qu'il prend très au sérieux". A noter qu'il engage Claude Lanzmann en qualité de suppléant.

 

Coupable de génocide

Coupable de génocide - Le Téléjournal, 2 septembre 1998. [RTS] Le 2 septembre 1998, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) déclare Jean-Paul Akayesu, ancien maire de la petite ville de Taba, coupable de génocide, d'incitation directe et publique au génocide, de crimes contre l'humanité pour extermination, assassinat, torture et viol. Des délits commis sur plus de 2'000 Tutsis dans sa commune d'avril à juin 1994. Il s'agit de la première condamnation pour génocide depuis la définition de ce crime par la Convention de 1948.

Les crimes au Rwanda sont sanctionnés par le Tribunal pénal international. (RTS 1 min 42 sec) 

Faut-il juger Milosevic ?

Chef d'État inculpé - Forum, 29 juin 2001. [RTS] Le 28 juin 2001, Slobodan Milosevic, inculpé de crimes contre l'humanité et crimes de guerre au Kosovo, est transféré à La Haye pour être jugé par le Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie (TPIY). Sa mise en accusation en 1999 constitue un vrai précédent. C'est la première fois qu'un chef d'État alors en exercice est inculpé par une instance judiciaire internationale. Son transfert à La Haye a soulevé en revanche de nombreuses critiques à l'égard du TPIY. Parmi les griefs, celui de se substituer à la justice serbe et de se montrer partial en accomplissant les desseins des grandes puissances.

La justice internationale peut-elle supplanter la justice nationale ? Le cas de Milosevic. (RTS 25 min 50 sec)