Les résidus de pesticides dans les légumes exotiques: le test
Les résidus de pesticides dans les légumes exotiques: le test 
Depuis quelques années, l’engouement pour la cuisine asiatique a provoqué une révolution de palais et d’armoires.  Pour répondre à la demande, les magasins spécialisés dans les fruits et légumes asiatiques ont poussé comme des champignons. Même les grandes surfaces s’y  sont mises avec des étals qui regorgent de primeurs  aux noms chatoyants. Mais l’exotisme alimentaire n’est pas la seule chose que nous apportent ces denrées. Pour certaines,  on frise largement le code en matière de résidus de pesticides. Une enquête de Régis Migy et de Claudio Personeni.
Okra, mini-piment, aubergine thaïe, gingembre, maïs doux, ce sont quelques-uns des nouveaux légumes qui ont envahi nos assiettes. Leur provenance exotique peut faire saliver, pas les résidus de pesticides que certains contiennent. 
Des contrôles effectués il y a 2 ans par le chimiste cantonal bâlois ont montré que 21 % des échantillons analysés n’étaient pas conformes. L’an dernier, cette proportion est passée à 50 %. 
L’Office fédéral de la Santé Publique a été informé. Et les importateurs suisses ont été invités à accroître leurs contrôles.
Ce sont eux qui doivent s’assurer que la teneur en résidus de pesticides ne dépasse pas les normes maximales admises en Suisse. C’est ce qu’on  appelle le principe de l’autocontrôle. Un principe allégrement violé comme le montrent les analyses qu’ABE a effectuées. De quoi nous inquiéter.
Avant de  dévoiler les résultats de notre test, voyons comment légumes et fruits exotiques sont contrôlés dans les halles du fret de l’aéroport de Genève.
Jacques Humbert-Droz, contrôleur phytosanitaire OFAG ne chôme pas :   « On attend un avion du Qatar. Cette semaine, nous allons recevoir 28 tonnes de fret. Il y aura des fruits et des légumes. »
Tous les légumes exotiques frais arrivent par avion. Avec 40 arrivages par semaine,  Genève voit ainsi atterrir 15 % des produits frais de ce type consommés en Suisse.
Mais ce qu’on cherche à l’aéroport, c’est d’abord la petite bête. Il faut éviter à tout prix que des parasites inconnus sous nos latitudes ne viennent s’y établir.
Jacques Humbert-Droz, contrôle les arrivages :  «Dans notre contrôle visuel, nous  cherchons des traces de piqûre et de parasite. Si on note quelque chose de suspect, on prend cela sous la loupe binoculaire. Si on trouve un parasite, on le prélève et on l’envoie dans les laboratoires de la Confédération. »
Pour les pesticides, ce n’est pas à l’entrée du pays que l’on traque le résidu. Pour cela, il faut se rendre à l’étal même des petits et grands distributeurs. C’est le travail quotidien de Paul Garnier, inspecteur des denrées alimentaires, Genève : «En principe tous les jours, tous les jours,  on sort faire des inspections ou des prélèvements.»
A Genève, 12 inspecteurs vérifient la conformité des produits alimentaires vendus dans les petites et grandes surfaces.Les inspecteurs n’annoncent jamais leur visite aux magasins concernés. Ils arrivent à l’improviste et se servent à même les rayons. Ils vérifient  l’hygiène, la dénomination du produit, sa date de péremption, la provenance, l’emballage, ainsi que la conformité de l’étiquetage. Une première étape.
Les prélèvements  effectués par  Paul Garnier poursuivent se poursuivent ainsi :  « Ces produits vont être transportés au laboratoire,  déposés en chambre froide, enregistrés sur la feuille et puis comme je vais sortir un rapport de prélèvement,  je vais transmettre cela au responsable du laboratoire. »
Lors de chaque prélèvement, une liste exhaustive des produits sélectionnés est établie. Chaque année, rien qu’à Genève, entre contrôles auprès des importateurs et prélèvements dans les étals, de 1000 à 1500 échantillons prennent le chemin du laboratoire cantonal. A chaque fois, un protocole est établi et signé.
Paul Garnier fait viser sa liste de prélèvements au responsable : « Ce sont les produits que nous avons prélevés. Comme vous le savez, si les échantillons sont conformes, vous pouvez en demander le remboursement. »
Dans le cas contraire, le laboratoire intervient. Il peut exiger la destruction de la marchandise, voire même sanctionner les détaillants par des amendes. Seuls deux autres cantons – le Tessin et Neuchâtel -  peuvent infliger directement des amendes. Ailleurs, les chimistes cantonaux doivent dénoncer les contrevenants aux autorités judiciaires.
Venons-en maintenant aux résultats de notre test. ABE a prélevé 21 échantillons de légumes asiatiques dans des petits et grands magasins de Suisse romande.
Premier constat, 8 échantillons seulement ne contenaient pas de résidus de pesticides.
Aubergines blanches et mini-piments
Origine: Thaïlande
achetés chez Hong-Kong, à Neuchâtel
Okras et aubergines blanches
Origine: Inde
Achetées chez Asian Shop à Lausanne.
Okras et mini-piments
Origine: Thaïlande
achetés chez Ho, à Lausanne
Aubergines blanches
Origine: Thaïlande
achetées chez Asia Kim Dung,  à Lausanne
Gingembre
Origine: Chine
acheté chez Coop, à Genève
Huit autres échantillons comportaient des résidus de pesticides, mais dans des doses inférieures aux limites maximales admises.
Okras (Origine Thaïlande) et gingembre (Origine:Chine)
achetés chez Migros, à Genève
Okras et du gingembre
Origine: Thaïlande
achetés au Dragon d’Or, à Fribourg
Mini-piments
Origine: Sri Lanka
achetés chez Asian Shop, à Lausanne
Gingembre
Origine: Chine
acheté chez Indian Bazar, à Neuchâtel
Mini-piments
Origine: Thaïlande
achetés chez Saveur d’Asie, à Sion
Mini-maïs doux
Origine:Thaïlande
achetés chez Coop, à Genève
Si ces échantillons-là ne posent à priori pas de problème, le reste est nettement plus inquiétant. Cinq échantillons, soit près du quart de ceux  de notre test,  contiennent trop de résidus de pesticides.
Mini-piments
Origine: Thaïlande
achetés chez Manor à Genève
Ils contiennent près du double de la limite admise de résidu de profenofos, un pesticide non-autorisé dans l’agriculture suisse. Plus alarmant encore, ces légumes contenaient  des résidus de six pesticides différents !
Patrick Edder, chimiste cantonal Genève
« C’est quelque chose que l’on constate de plus en plus dans notre agriculture moderne. On limite l’utilisation massive d’un  seul pesticide, mais par contre,  on utilise beaucoup de matières actives différentes. Et on peut retrouver dans un seul produit 5, 6 ou 10 pesticides différents. C’est ce qu’on appelle des cocktails et  c’est quelque chose qui peut être inquiétant, parce qu’on connaît mal ces effets mélangés de substances, on n’a pas d’approche toxicologique pour ça. »
Et l’escalade continue
Okras
Origine: Inde
achetés chez Indian  Bazar, à Neuchâtel
contenaient plus de trois fois la norme de résidus d’acetamiprid, un insecticide.
Aubergines blanches
Origine: Thaïlande
acquises au Viet Thaï Shop, à Genève
Dépassaient de 12 fois la limite maximale autorisée d’ométhoate, un insecticide lui aussi interdit dans l’agriculture suisse.
Aubergines blanches et mini-piments
Origine: Thaïlande
achetés au Dragon d’Or, à Fribourg
Dépassements respectifs de 15 et plus de 23 fois les limites maximales de résidus admises de dicrotophos et d’ométhoate .
Patrick Edder, chimiste cantonal Genève
«Je n’aime pas trop voir que sur les 5 produits qui ont des dépassements de norme, on en a 4 qui concernent des pesticides organophosphorés. Ce sont des insecticides attaquant le système nerveux central. Ce sont des dépassements de norme importants, plus de dix fois, ce n’est pas innocent. On n’irait pas jusqu’à  un retrait immédiat de la marchandise, mais en tout cas, on ne laisserait pas se reproduire ce genre de chose. »
A l’exception d’un seul, tous les dépassements des limites de résidus de pesticide de notre test concernaient des légumes en provenance de Thaïlande.
Invité à commenter ces résultats pour le moins inquiétants, l’Office Fédéral de la Santé Publique n’a pas accepté de répondre à nos questions devant une caméra. Par écrit, l’Office fédéral nous a cependant précisé ceci :«L’OFSP a prescrit des contrôles renforcés à l’importation de certaines denrées alimentaires ».
Discours nettement plus musclé du côté de l’Union Européenne. Confrontée aux mêmes problèmes, elle a tapé du poing sur la table. 
Frédéric Vincent, porte-parole de la Commission européenne santé et politique consommateur rappelle que l'UE a des moyens de pression: «C’est vrai que dans un pays comme la Thaïlande, l’Union Européenne a des inspecteurs qu’elle envoie sur place notamment pour vérifier comment sont appliquées nos normes en matière de taux de présence de pesticide. Et il est vrai que pour certains produits, plantes et  légumes, nous avons rencontré des problèmes. On a donc indiqué aux autorités thaïlandaises qu’il y avait un problème que nous avions repéré sur les produits. Que ce problème devait être résolu et que, s’il ne l’était pas, l’UE pourrait prendre des mesures qui sont très simples, c’est-à-dire dire de limiter ou de restreindre l’importation de certains produits. »
L’Union Européenne n’a pas eu à aller jusque-là. Confrontée à la menace, la Thaïlande a décidé elle-même d’interdire momentanément les exportations de 16 herbes et légumes vers l’Union Européenne et la Suisse. Du coup, les mini-piments, les aubergines thaïes,  le basilic ou encore les poivrons produits au Royaume de Siam ne franchissent plus la frontière.
Veera Likanasudh, directeur opérationnel de Koerner-Agro Export Center est en charge de contrôler les moyens de production des paysans:«Nous allons à l’ouest de Bangkok, dans la province de Nakhon Patom, qui est une des plus importantes régions de production maraîchère.»
Dorénavant, les 200 exportateurs thaïlandais actifs sur le marché européen devront faire la preuve que leurs légumes répondent aux normes avant toute nouvelle exportation.
Veera Likanasudh, directeur opérationnel de Koerner-Agro Export Center admet que la Thaïlande a débuté ces contrôles trop tard: «Ce que le gouvernement thaïlandais est en train de mettre en place, c’est une liste des exportateurs agréés. Je suis tout à fait  d’accord avec cela, mais c’est 2 à 3 ans trop tard. C’est à nos politiciens de contrôler l’utilisation des pesticides dans ce pays, mais nous ne pouvons contrôler les politiciens. Nous, nous ne pouvons que contrôler nos paysans. C’est pourquoi je suis fâché. Aujourd’hui, je souffre parce que des exportateurs irresponsables ont envoyé en Europe de la marchandise hors norme. »
En dix ans, la Thaïlande a multiplié par trois sa consommation de pesticides, passant de  42.000 à plus de 137.000 tonnes.  Avec des concentrations importantes dans les zones de production maraîchère, en rouge sur cette carte (voir encadré).
Pour sortir de la spirale des pesticides et répondre aux exigences européennes, M. Likanasudh s’est déjà mis à la production labellisée depuis plusieurs années:
«Voilà la liste des pesticides que les paysans qui travaillent pour nous sont autorisés à utiliser. Ils ne peuvent pas en utiliser d’autres. Nous contrôlons régulièrement sur Internet que ces pesticides sont bien  en accord avec les normes européennes. Et mes employés contrôlent régulièrement que le fermier n’utilise bien que ces pesticides-là. »
Il faudra encore de nombreux mois avant que les produits thaïlandais ne retrouvent le chemin des étals européens. Le temps pour les exportateurs de se mettre, eux aussi,  à une production labellisée garante d’une utilisation raisonnée des pesticides.
Résultats pour les fruits et légumes testés – Emission ABE (pdf) 
Les résidus de pesticides et leur conséquence sur la santé
A ce jour, la Thaïlande maintient son interdiction d’exporter 16 herbes et légumes. Une mesure qui explique que les produits thaïlandais se font  rares sur les étals de nos petites et grandes surfaces. Mais les légumes du Royaume de Siam ne sont pas les seuls à comporter des résidus de pesticides. Aujourd’hui, on en trouve partout. Dans notre environnement comme dans notre alimentation, ABE  l’a déjà démontré à de nombreuses reprises.
Or, ces molécules chimiques sont soupçonnées d’êtres cancérigènes ou de perturber notre système hormonal. De plus en plus de spécialistes l’affirment : l’absorption de résidus de pesticides, même à très faible dose, participe à l’augmentation du nombre de cancers, de maladies neuro-dégénératives, d’infertilité, voire même d’autisme.  Et pour la première fois, une étude montre clairement la toxicité des résidus de pesticides,  même à très faible dose, sur des cellules humaines quand ils sont utilisés ensemble. De quoi remettre fondamentalement en cause le système actuel des limites maximales autorisées.
Combien nos enfants avalent-ils de substances chimiques dans une journée de leur vie ? Pour répondre à cette question, l’association française « Génération future » vient de mener une enquête en reconstituant la journée alimentaire d’un enfant de dix ans.
Du déjeuner au souper en passant par les goûters, les repas types pris par nos chères têtes blondes et brunes tout au long de la journée, ont été analysés. Tous les résidus chimiques ont été inventoriés. Et la surprise est de taille. Près de la moitié des résidus absorbés sont des pesticides.
Ces résultats inquiètent François Veillerette, porte-parole de l’Association Génération Future : « Nous avons trouvé plus de 80 substances chimiques toxiques ou minéraux toxiques dans l’alimentation de cette journée. Il y avait 36 résidus de pesticides différents, soit près la moitié des substances trouvées. Nous avons  trouvé 47 produits suspectés d’être cancérigènes. Et plus de 30 perturbateurs endocriniens, c'est-à-dire des substances qui vont modifier le système hormonal. C’est un cocktail énorme avec des propriétés qui, sur le long terme, sont vraiment inquiétantes. »
La majorité des doses de résidus relevées dans l’enquête étaient certes en-dessous des valeurs limites maximales admises. Mais le problème n’est pas seulement là, comme nous le rappelle François Veillerette : « Ce qui nous interroge, ce sont les effets de ces cocktails-là à long terme, dans 5, 15 ou 20 ans.»
Jusqu’à présent, aucune autorité de surveillance n’a jamais analysé cet effet multiple chez l’homme. C’est sur la base d’études menées sur des rats de laboratoire, pour chaque pesticide séparément,  que les limites maximales de résidus admises ont été fixées.
Aujourd’hui, enfin, une première étude  a testé sur des cellules humaines l’effet cocktail des résidus de pesticides. Cette étude, en passe d’être publiée,  dresse un constat alarmant.
Selon Claude Reiss, ex-directeur de recherche au CNRS et à l’Institut Jacques Monod l'effet cocktail démultiplie les effets toxiques de ces produits chimiques: «Vous avez une synergie entre ces pesticides qui fait qu’ils sont jusqu’à 100 x plus toxiques en mélange que pris de manière isolée.»
Un exemple, le pyrimethanil. Quand on utilise ce fongicide seul, il faut près de 1000 microgrammes de substance  pour  tuer  la moitié des cellules humaines du test. Utilisé avec d’autres pesticides, il suffit de 100 microgrammes de substance, soit dix fois moins, pour causer les mêmes dégâts.
Pour Claude Reiss, ex-directeur de recherche au CNRS et à l’Institut Jacques Monod, l'information n'est pas assez claire: « On ne dit pas aux gens que dans les produits qu’ils mangent,  il y a  des pesticides. C’est quelque chose qui est caché. Il faut leur dire qu’Ils sont en train de s’exposer à des produits qui sont, en fait, des moyens de destruction massive qui sont dans leur assiette, dans leur verre. »
«Est-ce qu’on peut clairement dire aujourd’hui que la maladie de Parkinson ou le cancer sont liés à l’absorption de pesticides? »
Claude Reiss, ex-directeur de recherche au CNRS et à l’Institut Jacques Monod: « C’est tout à fait évident. Nous avons fait des études sur les pesticides, beaucoup d’entre eux interfèrent avec la communication neuronale, une des caractéristiques d’Alzheimer et de Parkinson ». 
Aujourd’hui, en Suisse, quatre personnes sur dix développent un cancer. C’est la deuxième cause de mortalité dans notre pays. En France, c’est même devenu la première, un constat fait par Christine Bouchardy, épidémiologiste, médecin responsable du Registre genevois des tumeurs :  « Il y a une augmentation des cas de cancers ces dernières années qui a été importante, non seulement en Suisse mais dans beaucoup de pays industrialisés. Et l’inquiétude, c’est que les facteurs de risque reconnus comme le tabac ou l’alcool, ou d’autres facteurs de risque liés au comportement, n’expliquent pas cette augmentation. Obligatoirement, en tant qu’épidémiologiste, on est inquiet, on s’interroge sur les causes potentielles de cette augmentation et une des pistes prioritaires c’est, au sens large, l’environnement et notamment l’exposition aux herbicides et aux pesticides. »
Ce soupçon a conduit les autorités européennes à enfin prendre des mesures, imitées par la Suisse. En l’espace de deux ans, l’Union Européenne a réduit drastiquement le nombre de pesticides autorisés sur son sol. 700 des 1000 pesticides autorisés jusqu’en 2008  ont été bannis. Et d’autres mesures entreront en vigueur cet été.
Mais cela ne rassure pas entièrement François Veillerette, porte-parole de l’Association Génération Future « On doit aussi interdire tous les pesticides perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire ceux qui perturbent le système hormonal. C’est plus ou moins prévu par la législation européenne qui arrive, mais la longueur de la liste des pesticides interdits pourra être plus ou moins grande selon l’intérêt du législateur. Les intérêts industriels sont en train d’essayer de faire raccourcir cette liste.»
La nouvelle liste d’exclusion de l’Union Européenne sera divulguée en juin. Mais les organisations non-gouvernementales veulent aller plus loin. Elles exigent la prise en compte de l’effet cocktail dans la fixation des normes maximales.
Frédéric Vincent, porte-parole Commission européenne santé et politique consommateur :
 « C’est effectivement, un sujet qui monte comme on dit, il y a effectivement cette inquiétude de l’effet cocktail. Alors c’est un sujet sur lequel l’Europe se penchera dans les années qui viennent. Mais c’est vrai qu’il y a cette question.»
Pour les organisations de défense des consommateurs, se poser la question c’est bien. Y répondre, ça serait nettement mieux.
Pour Paolo Martinello, président du Bureau européen des Unions de Consommateurs (BEUC), les études doivent aussi prendre en compte les catégories de personnes les plus faibles : «Notre demande au niveau européen c’est de réviser les limites maximales en tenant compte de l’effet cocktail ce qui n’est pas fait aujourd’hui et deuxième chose, de réviser les limites en tenant compte pas seulement d’un individu adulte, mais aussi d’individu plus faible comme les enfants et les femmes enceinte ».
Protéger les plus faibles, une nécessité. Chez les jeunes, l’évolution de l’incidence du cancer, c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas déclarés chaque année, est à la hausse.
En Suisse par exemple, dans les années 80, 18 enfants sur 100.000 développaient un cancer chaque année. Au début de ce millénaire, cette proportion est passée à 30 enfants sur 100.000, soit une augmentation de 60 % en 20 ans.
Selon Christine Bouchardy, épidémiologiste, médecin responsable du Registre genevois des tumeurs, l'âge auquel l'exposition débute est un facteur aggravant :  « Tout le monde est exposé aux pesticides, quel que soit l’âge. Mais la situation épidémiologique est différente parce que plus on est exposé jeune ou en bas âge, plus le risque peut  augmenter. Par exemple dans la catastrophe de Seveso, l’augmentation des cancers du sein a été constatée chez des femmes qui ont été exposées à un âge relativement jeune.»
Plus de cancer chez les jeunes, plus de cancer aussi chez les plus âgés. Dans le monde, 12 millions de nouveaux cas sont répertoriés chaque année. Deux fois plus qu’il y a 20 ans. Et, annuellement, près de 8 millions de personnes en décèdent. Cela alors même que l’espérance de vie paradoxalement augmente.
Selon François Veillerette, porte-parole de l’Association Génération Future, ces chiffres s’expliquent facilement :  « Aujourd’hui, une personne qui décède à 80 ans est née dans les années 30. Donc, dans sa vie fœtale et dans les premières années de sa vie, là où on est le plus sensible à la pollution chimique, cette personne n’a pas été exposée à la pollution chimique généralisée qu’on  a eue après la 2 guerre mondiale. On peut se donner rendez-vous dans quelques années quand on pourra faire des statistiques avec des gens quI sont nés, comme moi, dans les années soixante pour voir qu’elle espérance de vie auront ces personnes-là. Mais le problème est qu’il sera trop tard pour le faire. L’épidémiologie c’est ça, ça consiste à compter les cercueils pour savoir s’il y a plus de décès après ou avant pour les personnes qui sont exposées ou pas.»
Claude Reiss, ex-directeur de recherche au CNRS et à l’Institut Jacques Monod accuse également les pesticides: «On a aujourd’hui près de  160.000 produits chimiques différents faits de main d’homme,  y compris les pesticides qu’on estime entre 800 et 1000, et les pathologies ont augmenté depuis l’introduction de ces produits dans nos environnements. C’est la  preuve que ces produits sont responsables de ces dérives très graves de santé publique que nous observons aujourd’hui et si non ne met pas en œuvre des méthodes scientifiques pour faire le tri des produits chimiques qui sont autour de nous, on court à la catastrophe. L’espèce va simplement disparaître. »
On le comprend, c’est plus qu’un véritable signal d’alarme qui est lancé aujourd’hui. Un signal que les autorités sanitaires officielles semblent  commencer à entendre.
En France, l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, vient de lancer une étude sur ce fameux effet cocktail des pesticides. Elle va étudier l’effet de 7 mélanges de pesticides les plus couramment utilisés en recourant cette fois à des cellules humaines. Les résultats sont attendus pour l’an prochain.
Pour quelles raisons les effets des cocktails de pesticides que nous consommons ont-ils  si peu  été étudiés ? Comment diminuer sa consommation de pesticides ? Entretien avec le Dr Bertrand Kiefer, rédacteur en chef Revue Médicale Suisse
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