Vous vous souvenez du bisphenol A, ce composé chimique utilisé dans la fabrication de plastiques comme le polycarbonate. Après le Canada, la France ou le Danemark, l' UE vient de l'interdire dans les biberons. La Suisse n'a pas réagi. On trouve du bisphenol A dans de nombreux objets de la vie quotidienne. Qu'en est-il des bouilloires électriques ? ABE les a testées pour vous. Résultats bouillonnants !
Le Bisphenol A est partout
Même chez vous
Test bouilloires
Les bouilloires: le test
La bouilloire électrique, cet humble compagne de nos tisanes nocturnes et de nos thés matutinaux est-elle aussi susceptible de contenir du Bisphénol A qui, sous l’action de la chaleur, pourrait migrer de manière indésirable dans nos décoctions?
Nous avons voulu le savoir, en soumettant à l’analyse du laboratoire du chimiste cantonal de Neuchâtel 22 bouilloires achetées en Suisse Romande, 15 en plastique et 7 apparemment en métal.
Avant l’analyse, chaque objet a été préparé selon les spécifications du fabricant, c’est-à-dire jusqu’à 4 rinçages en jetant l’eau, avant de prendre en considération le contenu pour analyse.
Commençons par les bouilloires en plastique.
Pierre Bonhôte: « Nous avons découvert du bisphénol A dans plusieurs de ces bouilloires. Cela dépend de leur constitution, des plastiques qui sont utilisés. Certaines en contiennent passablement, dira-t-on, d’autres presque pas. Et on constate que respecter les consignes du fabriquant, à savoir rincer la bouilloire avant de l’utiliser un certain nombre de fois est important. Parce que le plastique, quand il est neuf, a une certaine quantité de bisphénol A à sa surface et au cours des rinçages, cette quantité diminue ce qui fait que pour certaines bouilloires, on arrive ensuite à des quantités qui ne sont plus détectables. Pour d’autres bouilloires, par contre, on constate que l’on persiste à avoir dans l’eau bouillie une quantité de bisphénol A qui n’est pas négligeable.»
Voici nos résultats :
La bouilloire dont l’eau contenait le plus de Bisphenol A après rincage:
MioStar SilverBelt
160 ng/l.
Atom de Kenwood
120 ng/l.
Melitta Look Aqua Vario
75 ng/l
Rotel rapid 280
15 ng/l.
Trisa Vitessa
10 ng/l.
8 bouilloires contenaient du BPA avant rincage, mais ne contenaient plus de quantité décelable ensuite, il s’agit de :
Turmix CX 170
Satrap Thermoboil
Tefal Vitesse
Durabase Aqua
Füst Primotecq WK 9010
Bosch Private collection TWK6004N
Philips HD4676
Miostar XS
Enfin, deux bouilloires seulement n’ont jamais livré de quantité décelable de BPA, avant et après rincage :
Intertronic
Braun AquaExpress WK 210
On aurait pu croire qu’en choisissant des bouilloires en métal, on allait être épargné par la contamination au BPA, hélas, trois fois hélas, c’est faux !
Pierre Bonhôte: « C’était un peu la surprise de voir que des bouilloires métalliques pouvaient produire une eau plus ou moins riche en bisphénol A. Il faut savoir que ces bouilloires métalliques ont quelques fois un couvercle en plastique, et que dès le moment que l’eau boue dans la bouilloire, elle va se condenser sur le couvercle, que cette eau condensée retombe dans l’eau que l’on va boire. Et cela peut apporter du bisphénol A bien que toute l’enveloppe de la bouilloire soit en métal. »
Voici les résultats des bouilloires métalliques :
Trisa Expressboil
La plus contaminée après rincage
140 ng/l.
Tefal Expressboil
60 ng/l,
Füst Primotecq WK1340
55 ng/l,
Solis AQUAMAT 554
25 ng/l
Et à égalité, la Satrap Quickboil et la Bosch Private collection TWK 6801, elles renfermaient 20 ng/l après rincage.
Miostar Chà
La seule qui n’avait plus de Bisphenol A détectable après rincage
A tire indicatif, le Chimiste Cantonal a également procédé à l’analyse de l’eau des trois bouilloires utilisées par les employés du laboratoire, des ustensiles âgés de quelques années. Les trois renfermaient du BPA, et ce jusqu’à 410 ng/l.
Pierre Bonhôte voit plusieurs explications: « Alors, cela semble un peu contradictoire avec ce que l’on a dit au début. A savoir que si l’on rince la bouilloire neuve, la quantité de bisphénol A dans l’eau diminue. Par contre, ce que l’on observe, effectivement, c’est que les vieilles bouilloires ont tendance à en produire plus. Cela peut venir du fait qu’avec le temps, le plastique commence à se fissurer, que dès lors, la surface exposée devient plus grande, que l’on peut extraire du bisphénol A qui est à l’intérieur du plastique. Ou alors que le polymère lui-même commence un peu à se dégrader et que comme le bisphénol A est un constituant de ce plastique, ce constituant commence à être libéré dans l’eau et qu’avec le vieillissement, ce phénomène s’accélère. »
Mais alors, Monsieur Bonhôte, tout ce bisphenol, c’est dangereux ?
Pierre Bonhôte : « On est très loin en-dessous des valeurs que recommande l’Agence européenne pour la sécurité alimentaire ainsi que l’Office fédéral de la santé publique, qui ont encore réaffirmé récemment que l’on pouvait, si l’on pèse à peu près 80 kilos, ingérer jusqu’à 3 milligrammes par jour de bisphénol A sans danger pour la santé. La question est de savoir maintenant si la science a dit son dernier mot en matière de toxicologie. De toute manière, avec des produits comme le bisphénol A, dont on sait qu’ils sont des perturbateurs endocriniens, le mieux, dans la mesure où cela ne demande pas des efforts invraisemblables, c’est de choisir les produits ou les aliments qui en apportent le moins à l’organisme. Et d’essayer d’éviter les bouilloires qui en libèrent beaucoup dans l’eau. »