En 2006, la Suisse a importé plus de 1.9 millions de litres de whisky. Blend ou single-malt, le breuvage a donc la cote. ABE s'est rendu en Ecosse, grand dominateur sur le marché du whisky, pour enquêter sur un produit dont la gamme est très large et la qualité très variable.
L'île d'Islay est une terre d'iode et de tourbe, à l'image de ses whiskys. On y trouve 8 distilleries en activité pour 3000 habitants, répartis sur un coin de terre de 600 km2. Pourtant, fabriquer de l'alcool ici, ce n'est pas une mince affaire. Pour libérer le sucre qui se changera en alcool, il faut d'abord casser l'enveloppe d'une céréale, l'orge, en la faisant germer de manière lente et très maîtrisée. On appelle cela le maltage.
L'eau douce d'Ecosse
Laphroaig est une distillerie très renommée au Sud-Est de l'île, l'une des rares qui malte encore elle-même artisanalement 20% de l'orge qu'elle utilise. Après 2 à 3 jours de trempage, les céréales humides sont déposées dans des halles où l'orge, remué régulièrement, va germer pendant une semaine. Pour stopper la germination, le malt est ensuite séché dans un four spécial, le kiln, alimenté à la tourbe. La fumée de la tourbe, en passant à travers les grains, leur donnera ce petit goût de fumée si caractéristique des whiskys tourbés. La provenance de la matière première de base n'a pas du tout la même importance pour le whisky que pour le vin. Thomas Bravo-Maza, journaliste : « Le malt d'un whisky écossais ne vient pas forcément d'Ecosse, [...] Le lien au terroir le plus important dans le whisky, c'est l'eau d'Ecosse, une eau très douce qui coule sur le granit et qui est très peu minéralisée. C'est cette douceur de l'eau qui est à la base des grands whiskys. »
La recette
A Ardbeg, à 3 kilomètres de Laphroaig, Le groupe français de luxe LVMH a racheté une autre distillerie mythique. Comme la plupart des distilleries, Ardbeg ne malte pas d'orge elle-même, elle doit donc l'acheter à l'extérieur. Le choix du produit est essentiel. Michael Heads, directeur de la distillerie d'Ardbeg : « Dans le malt utilisé pour faire du whisky, le niveau de fumée se mesure en partie par millions (ppm). Et le niveau du malt d'Ardbeg est de 55 ppm ou plus, ce qui est très, très, fumé. » Après avoir broyé les grains de malt, on rajoute de l'eau, puis on chauffe le mélange pour transformer l'amidon des grains en sucre. Après refroidissement, on ajoute des levures qui vont transformer le sucre en alcool. Résultat, après 40 à 60 heures, une bière à 8° d'alcool environ que l'on appelle le wash. Ensuite commence la distillation, ou plutôt, dans le cas d'Ardbeg et de la presque totalité des distilleries écossaises, la double distillation. Après le passage du wash dans le premier alambic, on obtient un alcool à 22 degrés environ qui est envoyé dans le deuxième alambic. Il en sort alors le Spirit, l'Esprit, un alcool qui titre autour de 70 degrés.
Cinq spécialistes se sont prêtés au jeu de la dégustation aveugle de 10 single malts :
- Nathalie Borne, sommelière et restauratrice à l'auberge d'Aclens dans le canton de Vaud
- René Roger, professeur d'œnologie et de management des boissons à l'école hôtelière de Lausanne.
- Alex Delaloye, vigneron-encaveur et producteur du Swhisky, le whisky suisse.
- Thomas Bravo-Maza, journaliste et consultant en vins et spiritueux d'A Bon Entendeur.
- Janine Schaer, maître-caviste neuchâteloise à demi-écossaise et admiratrice du whisky.
Leur verdict, du pire au meilleur :
10ème : Loch Lomond sans indication d'âge. Le mythique whisky du capitaine Haddock obtient seulement 11.2 points sur 20.
René Roger : « Il a des arômes marqués de bois mouillé, d'humidité. C'est même un peu décevant de goûter quelque chose comme ça. »
9ème : Glen Grant sans indication d'âge, avec 12.1 points sur 20.
Nathalie Borne : « Pas ou peu de personnalité, il est très aqueux. »
8ème : Oban 14 ans d'âge, 12.3 points sur 20.
Thomas Bravo-Maza : « Il n'était pas très bon. C'est un whisky fait un peu à la va-vite. Il n'y a pas d'accroche, pas de relief et trop d'alcool. Il n'y a pas de plaisir. »
7ème : Glenlivet 12 ans d'âge, 13.4 points sur 20.
6ème : Glenmorangie 10 ans d'âge, 13.5 points sur 20.
5ème: Glenfiddish 12 ans d'âge, 13.6 points sur 20.
4ème: Highland Park 12 ans d'âge, 13.8 points sur 20.
René Roger : « Il est racé, il a quelque chose de marqué, qui plaît ou qui ne plaît pas. Il y a du caractère en bouche, assez tourbé et iodé avec des notes de réglisse. »
3ème : Benromach sans indication d'âge, 14.4 points sur 20.
Janine Schaer : « Il est très clair et m'a surpris au nez par son côté très tourbé, un peu dans le musc, il a une grande intensité. »
2ème : Laphroaig 15 ans d'âge, 15.9 points sur 20. A 85.50 Fr. la bouteille, c'est le whisky le plus cher de la dégustation.
Alex Delaloye: « Il y a une excellente approche de la fumée. Ca veut dire que l'apport de la tourbe, la distillation et la maturation du produit sont maîtrisés. L'équilibre parfait. »
L'année dernière, le Royaume-Uni a exporté pour plus de 6 milliards de francs suisses de whisky écossais et plus d'un milliard de bouteilles. Un véritable océan de whisky qui nécessite les grands moyens. Si les whiskys pur malt sont très appréciés des amateurs, le marché est tenu à 90% par les whisky blend, ces mélanges de whisky de malt et de grain provenant en général de plusieurs distilleries. Thomas Bravo-Maza, journaliste et consultant en vins et spiritueux d'A Bon Entendeur: « Dans un blend, vous avez un assemblage de plusieurs malts, mais aussi de l'alcool de grain. La plupart du temps, il y en a plus de 50% . Le whisky de grain, c'est une distillation plus simple, qui prend moins de temps et qui nécessite un savoir-faire moindre. »
La grosse industrie
Chivas Regal est la marque numéro 1 en Suisse pour les whiskys haut de gamme. Elle appartient aujourd'hui au groupe français Pernod Ricard, numéro deux du whisky écossais (derrière le groupe Diageo, qui produit notamment les célèbres Johnny Walker et J&B). Chivas, c'est plus de 4 millions de caisses vendues dans le monde par année. « Le site de "Malcolm Burn Bond" est le plus grand site d'entreposage de Pernod-Ricard au monde » explique Ian Logan, International Brand Ambassador Chivas Brothers, « plus d'un million de fûts de whisky vieillissent ensemble sur ce site. Ces fûts viennent principalement de nos distilleries[...] mais il y a aussi des fûts provenant de bien d'autres distilleries [...] De nombreux blend contiennent plus de 30 single malts différents et aucun groupe ne possède plus de 25 distilleries, donc il nous faut aussi être en bons termes avec certains de nos concurrents. »
Cinq spécialistes se sont prêtés au jeu de la dégustation aveugle de 10 blend :
- Nathalie Borne, sommelière et restauratrice à l'auberge d'Aclens dans le canton de Vaud
- René Roger, professeur d'œnologie et de management des boissons à l'école hôtelière de Lausanne.
- Alex Delaloye, vigneron-encaveur et producteur du Swhisky, le whisky suisse.
- Thomas Bravo-Maza, journaliste et consultant en vins et spiritueux d'A Bon Entendeur.
- Janine Schaer, maître-caviste neuchâteloise à demi-écossaise et admiratrice du whisky.
Leur verdict, au pire au meilleur:
10ème : Johnny Walker Red label, 10.2 points sur 20.
René Roger: « L'alcool est trop marqué, cela donne une continuité de brûlures. Il est anesthésiant. »
8ème ex-aequo : Ballantine's, 11 points sur 20.
Janine Schaer : « C'est une eau-de-vie sans arôme. Elle brûle vraiment en bouche. »
8ème ex-aequo : William Lawson, 11 points sur 20.
Thomas Bravo-Maza: « Il n'a pas de personnalité. Rien n'affleure, rien ne vient vraiment titiller le palais et donner du plaisir. »
7ème : Famous Grouse, 11.3 points sur 20.
6ème : William Grant, 11.4 points sur 20.
5ème : J&B 11.6 points sur 20.
Thomas Bravo-Maza: « Il s'agit classiquement du whisky sans vice ni vertu. Il n'a strictement aucune personnalité, c'est le whisky qu'on boit en boîte de nuit avec beaucoup de glaçons. »
4ème : Scotch de la COOP, une étiquette blanche, rien d'autre, 11.7 points sur 20. Il s'agit du whisky le moins cher de notre dégustation.
Janine Schaer: « Il a une jolie complexité, un bel équilibre, avec une douceur. C'est un whisky assez agréable, qui serait très bien en apéritif. »
3ème : Gold Label, 12.1 points sur 20.
Alex Delaloye : « Il a des notes de vin rouge et de chêne, des notes de fruits rouges aussi. [...] Il manque un peu de puissance mais c'est un produit pour ceux qui découvrent le whisky. »
2ème : Chivas Regal 12 ans d'âge, 13.2 points sur 20.
Nathalie Borne: « Je lui trouvé beaucoup de personnalité, on retrouve ce côté terreux, fumé, boisé. [...] L'élevage est bien travaillé, ce qui lui donne de la personnalité. »
1er : Johnny Walker Black Label 12 ans d'âge, 14 points sur 20.
René Roger : « Il rappelle les pur malt. Il est très marqué au niveau de la tourbe, son expression aromatique est très complexe. [...] Le produit est très travaillé il a une identité très forte et très marquée. »
La distillerie Bruichladdich, au bord du Loch Indaal sur Islay, est restée fermée pendant une bonne partie des années 90. Un groupe d'investisseurs l'a rachetée en l'an 2000. Son projet : produire des pur malt haut de gamme le plus naturellement possible.
Du caramel dans le whisky
Jim McEwan, maître distillateur et ancien tonnelier, est l'âme de la distillerie : « J'ai sans aucun doute le meilleur métier du monde, je suis le type le plus chanceux du monde. En plus, je suis payé pour cela. Je le ferais pour rien, c'est tellement génial. » Un sujet qui fâche Jim ? Le caramel que certains fabricants rajoutent discrètement dans leur whisky. « On traite le consommateur comme s'il était vraiment stupide. Vous demandez à certains fabricants : "utilisez-vous des colorants artificiels ?" Et ils répondent non. Mais dites-moi, comment expliquez-vous qu'en prenant un baril américain dont le chêne a 200 ans d'âge et en y mettant du whisky pendant 15 ans, on arrive à ce que chaque bouteille sorte avec exactement la même couleur ? Dieu aime-t-il à ce point l'Ecosse qu'il produit un chêne spécial permettant de répéter chaque jour la même couleur ? C'est un non-sens. »
Cinq spécialistes se sont prêtés au jeu de la dégustation
aveugle de 10 single malts :
- Nathalie Borne, sommelière et restauratrice à
l'auberge d'Aclens dans le canton de Vaud
- René Roger, professeur d'œnologie et de
management des boissons à l'école hôtelière de Lausanne.
- Alex Delaloye, vigneron-encaveur et producteur
du Swhisky, le whisky suisse.
- Thomas Bravo-Maza, journaliste et consultant en
vins et spiritueux d'A Bon Entendeur.
- Janine Schaer, maître-caviste neuchâteloise à
demi-écossaise et admiratrice du whisky.
Leur verdict, du pire au meilleur :
10ème : Loch Lomond sans indication
d'âge. Le mythique whisky du capitaine Haddock obtient seulement
11.2 points sur 20.
René Roger : « Il a des arômes marqués de bois mouillé,
d'humidité. C'est même un peu décevant de goûter quelque chose
comme ça. »
9ème : Glen Grant sans indication
d'âge, avec 12.1 points sur 20.
Nathalie Borne : « Pas ou peu de personnalité, il est très
aqueux. »
8ème : Oban 14 ans d'âge, 12.3
points sur 20.
Thomas Bravo-Maza : « Il n'était pas très bon. C'est un whisky
fait un peu à la va-vite. Il n'y a pas d'accroche, pas de relief et
trop d'alcool. Il n'y a pas de plaisir. »
7ème : Glenlivet 12 ans d'âge, 13.4
points sur 20.
6ème : Glenmorangie 10 ans d'âge,
13.5 points sur 20.
5ème: Glenfiddish 12 ans d'âge,
13.6 points sur 20.
4ème: Highland Park 12 ans d'âge,
13.8 points sur 20.
René Roger : « Il est racé, il a quelque chose de marqué, qui
plaît ou qui ne plaît pas. Il y a du caractère en bouche, assez
tourbé et iodé avec des notes de réglisse. »
3ème : Benromach sans indication
d'âge, 14.4 points sur 20.
Janine Schaer : « Il est très clair et m'a surpris au nez par
son côté très tourbé, un peu dans le musc, il a une grande
intensité. »
2ème : Laphroaig 15 ans d'âge, 15.9
points sur 20. A 85.50 Fr. la bouteille, c'est le whisky le plus
cher de la dégustation.
Alex Delaloye: « Il y a une excellente approche de la fumée.
Ca veut dire que l'apport de la tourbe, la distillation et la
maturation du produit sont maîtrisés. L'équilibre parfait.
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