Sprays, encens, bougies parfumées, les parfums d'ambiance sont à la mode. A Bon Entendeur a testé pour vous toute une gamme odoriférante et les résultats sont sidérants. L'air embaumé est en fait gravement pollué. Et pour les personnes sensibles ou allergiques, les conséquences peuvent être cauchemardesques.
Le monde naturel des parfums et senteurs est un monde mystérieux auquel s'intéressent de plus en plus les grandes industries et les commerces. A Vuillerens (VD), rencontre avec Jean Spaeth, nez et inspirateur d'un jardin d'Eden où poussent des iris aux mille senteurs. Ce grand parfumeur qui a travaillé chez Firmenich pendant quarante ans sait reconnaître plus de mille odeurs :
« Le parfum est historiquement construit avec des fleurs, c'est même essentiel. Il y a des fleurs plus rares, plus chères qui sont symboles de qualité. Par exemple, l'iris est plus chère et de meilleure qualité qu'une fleur comme la lavande », explique-t-il.
Avec Danielle Malmberg-Buchman, Jean Spaeth se dévoue désormais à mieux faire connaître les odeurs et à éveiller chez tout un chacun le sens de l'odorat, un sens mystérieux et souvent mal connu.
« De nos jours, on est plus intéressé par les sens de proximité, on s'éloigne du visuel, de l'auditif qui trônaient il y a 25 ans. On se rapproche du gustatif, du tactile et de l'odorat. On a plus d'intérêt pour ce qui sent, on a moins de tabous », explique Danielle Malmberg-Buchmann, directrice de l'école du parfum Odoris et complice « olfactive » de Jean Spaeth.
Dans leur petite école du parfum, ils réveillent nos narines à l'aide de matières premières – végétales, comme le patchouli ou animales, comme une glande de castor – des matières que l'industrie reproduit aujourd'hui par synthèse.
Selon Jean Spaeth, « Le parfumeur par idéal aime bien utiliser les matières premières naturelles. Malheureusement, aujourd'hui, elles tendent à disparaître à cause de leur prix et de leur rareté. Ce qu'on a appelé le castoreum, la poche de castor, apporte le mystère, la séduction ; le côté animal d'un parfum est toujours très recherché ».
Dans une société qui fait du bien-être et de la détente un business florissant, les bonnes odeurs sont de plus en plus exploitées.
En fait, travailler sur l'odorat est d'autant plus intéressant pour l'industrie que c'est le seul de nos cinq sens qui est directement relié au centre des émotions de notre cerveau..
Ainsi Firmenich, l'un des leaders mondiaux des arômes et parfums, s'y intéresse de très près. La société genevoise finance une étude du pôle national de la recherche sur les liens entre odeurs et émotions.
Des tests ont été organisés avec des volontaires comme ici, au tout récent Salon de l'étudiant à Genève. Un démonstrateur a fait sentir à des volontaires des odeurs de la vie quotidienne, à l'aide de petits stylos.
L'un de ces stylos reproduisait par exemple une odeur corporelle, celle de la sueur, et provoquait une réaction de rejet. D'autres échantillons en revanche jouent à la madeleine de Proust, en réveillant de doux souvenirs d'enfance, comme l'odeur du feu de bois au chalet par exemple.
Ces émotions sont en fait très complexes à déchiffrer, car elles résultent de plusieurs composantes, qui en plus varient d'une personne à l'autre.
Comprendre comment les employés ou les consommateurs réagissent à une odeur peut être très intéressant pour une entreprise.
« Diffuser des odeurs dans des lieux de travail, une salle de conférences ou un lieu d'achat va mettre la personne dans de bonnes dispositions et cela va peut-être influencer le temps que la personne passe dans le magasin ou dans un lieu de travail, et cela va améliorer ses performances », affirme Christelle Chréa, chercheuse au Centre suisse en sciences affectives.
Un terrain donc à renifler et que certains exploitent déjà.
Améliorer les performances, augmenter la consommation grâce aux odeurs, c'est possible : un casino à Las Vegas a fait augmenter la mise des joueurs de 45% en diffusant une bonne odeur près des machines à sous ! Des hôtels, des commerces et même des banques se sont mises au logo olfactif : une ambiance parfumée permet d'identifier une marque. Le marketing olfactif, c'est un des must publicitaires actuellement aux Etats-Unis ; en Suisse, on s'y met gentiment. Comment influencer le comportement du client, la réponse pratique se trouve, en partie, dans le canton de Soleure.
A Wangen an der Aare, on cultive une plante plutôt distinguée, la mélisse citronnée, connue pour ses vertus relaxantes. Son essence est très cotée : selon la demande, un litre peut coûter jusqu'à 9000 euros.
Beat Grossenbacher, ingénieur et directeur d' Air Creative, une petite entreprise spécialisée en marketing olfactif, s'approvisionne ici pour certains des parfums d'ambiance qu'il fabrique.
Chez Air Creative, une petite dizaine d'employés prépare toute une palette de parfums – du thym ou du basilic par exemple, pour des magasins d'alimentation, ou du santal pour être diffusé les magasins de vêtements : « Dans le domaine de l'alimentation, il est important de stimuler l'appétit des clients, ils achèteront plus au supermarché s'ils ont faim. Au contraire, dans un magasin d'habillement, on voudra éveiller d'autres émotions. On cherchera ainsi à apaiser et même à érotiser les clients », explique Beat Grossenbacher.
Avec de simples diffuseurs d'odeurs, on arriverait donc à influencer le comportement du consommateur. Beat Grossenbacher cite une étude réalisée avec l'université de Berne autour des bancomats : « Dans cette étude, on a comparé les réactions des gens devant un bancomat où était diffusée une bonne odeur, puis aucune odeur, puis une mauvaise odeur. On a découvert qu'effectivement, devant un bancomat légèrement parfumé, les gens se sentaient mieux, surtout plus en sécurité et qu'ils retiraient un peu plus d'argent ».
D'autres expériences ont montré l'influence des parfums sur le comportement des acheteurs. Une effluve agréable peut faire rester un client plus longtemps, le faire se sentir à l'aise, mais elle n'entraîne pas toujours une augmentation des dépenses.
A Matran, une chaîne d'habits inclus dans son concept de décoration une série de bornes olfactives préparées par l'entreprise de Beat Grossenbacher. Cela fait partie de son identité, mais ces diffuseurs d'odeurs ne font pas forcément augmenter son chiffre d'affaires : « C'est un concept qu'on a dans toutes nos filiales en Suisse. On en a en général entre quatre et sept par magasin, pour que le client se sente à l'aise, pour qu'il y ait une petite odeur, mais en fait c'est très très doux. Je ne pense pas que ça joue un grand rôle sur le chiffre d'affaire, mais le client remarque peut-être ce petit plus que l'on a et que les autres n'ont pas », explique Mélanie Binder, gérante du magasin Black-Out à Matran.
L'homme est décidément un animal compliqué... Au grand dam des commerçants, il ne se laisse pas si facilement que ça mener par le bout du nez !
Et la législation, en Suisse, permet ce marketing olfactif, à une restriction près : pas de tentative de tromperie. Une odeur de fraises partant d'un rayon de fruits doit être dégagée par des fraises et pas par un diffuseur, de même que pour le pain.
Les bonnes odeurs, nous avons l'embarras du choix pour en créer, entre les encens, les bougies parfumées, les sprays qui nous promettent un air pur. Vraiment pur ? ABE a fait tester un échantillon de sept sprays désodorisants, sept bougies parfumées et six encens, en les comparant à l'air pur des cimes.
Cet air pur des montagnes, nous sommes allés le chercher au sommet de l'Aiguille du Midi, à 3842 mètres d'altitude ; nous avons pu tester sa qualité grâce à des tubes de mesures prêtés par le service genevois de toxicologie industrielle.
ABE a ensuite confié au laboratoire de toxicologie industrielle de Genève les vingt échantillons sélectionnés pour le test.
Les experts du laboratoire ont effectué des tests d'usage, menés en parallèle dans trois pièces de même taille pendant une heure, avec mobilier. Ils ont d'abord mesuré l'air ambiant, puis l'air après utilisation de chaque produit.
Ils ont ensuite recherché la présence de composés organiques volatils (COV) et de particules ultrafines. Il s'agit de substances qui peuvent être allergènes et pour certaines même cancérigènes.
Premier groupe de produits analysés : les sprays.
Après test, le laboratoire a retrouvé dans l'air des COV en quantité faible à moyenne, avec une exception.
Avec moins de 20 microgrammes de COV par m3, le spray Brise-Provence crée le moins de pollution.
Avec 1655 micro grammes par m3, les mesures après vaporisation du N1 Floral distribué par Carrefour dépassent très largement le maximum de 1000 microgrammes, recommandé par l'OMS et la Suisse.
« Nous avons retrouvé de fortes concentrations qui dépassent les recommandations admises pour ce type de produits. A l'analyse, nous avons trouvé un solvant industriel, une forme de white spirit utilisé dans certains sprays pour faciliter la nébulisation », explique Vincent Perret, expert au Service genevois de toxicologie industrielle et de protection contre les pollutions intérieures.
Des sprays à éviter donc, car on rajoute de la pollution dans nos intérieurs. Une règle qui vaut en général pour tous ces produits : « Dès qu'on utilise ce type de produits, on rajoute dans la pièce des produits qu'il n'y avait pas avant. On va trouver un air agréable, car il y aura une odeur agréable. Par contre, du point de vue de la toxicité et de la pollution, c'est un non sens d'ajouter ce type de produits pour améliorer la qualité de l'air », précise Vincent Perret.
Deuxième groupe de produits analysés : les bougies.
Premier constat : on y trouve moins de COV, car la charge de parfum y est moindre.
Le gros problème ici est la combustion. Elle permet l'émission de particules ultra fines qui peuvent aller se loger dans les poumons.
L'air testé après combustion des trois bougies suivantes dépasse la norme indicative de 50'000 particules par cm3.
Scented Candle, distribuée par Manor
Coop vanille et Candela de Migros, cette dernière présentant le pire résultat.
« Ici, il y a émission de résidus de combustion. Il s'agit en fait de particules ultrafines. Sont associés à ces particules les HAP- ces produits aromatiques policycliques - qui sont cancérigènes, et que l'on trouve aussi dans les cigarettes, dans les viandes, en fait chaque fois qu'on brûle de la matière organique. Si on laisse des bougies longtemps allumées, on accumule de fortes concentrations de particules ultra fines et ces concentrations là sont comparables à ce qu'on pourrait mesurer à un carrefour en ville », explique Vincent Perret.
Les experts ont aussi recherché la présence d'aldéhydes, en se basant sur une liste de 14 de ces polluants. Quatre bougies se distinguent.
Scented Candle
Bougie Ambiance by Balthasar
Bougie Brise Vanille
Bougie Air Wick
« Les aldéhydes sont une famille de produits chimiques tous irritants. On en connaît certains assez bien, comme le Formaldéhyde qui est irritant et cancérigène, qu'on a trouvé, mais en faibles concentration ».
Dernier groupe de produits testés : les encens.
Pour tous les encens testés, la concentration de particules ulttrafines dans l'air testé après combustion dépasse la norme indicative de 50'000 particules par cm3.
« Nous ressentons tout d'abord une impression de suffocation, corroborée par les analyses de la qualité de l'air. Avec les encens, on émet énormément de particules ultrafines car c'est un processus de combustion », explique Vincent Perret.
L'encens qui cause le moins de pollution est le Candela, de Migros
L'encens tibétain TRHSS et le cône Sandesh sont ceux qui dégagent le plus de microparticules
« Par ailleurs, nous avons trouvé du benzène, un composé cancérigène qui provoque des leucémies. On en trouve dans l'essence, ce qui fait qu'on en trouve partout dans l'air dans les villes, mais après avoir brûlé un bâton d'encens on peut en trouver de grosses concentrations. A titre de comparaison, on a terminé une étude qualité de l'air dans les parkings souterrains et on a trouvé des concentrations de benzène tout à fait comparable à celles qu'on a trouvées en brûlant des bâtons d'encens dans les pièces pendant le test ».
Lors de la combustion, tous nos encens ont dégagé du benzène, et en quantité largement au dessus de la norme recommandée par l'OMS, qui est de 5 micro grammes par m3 en moyenne sur une année.
Le cône (19) Sandesh dépasse même soixante fois cette norme !
Et comme si cela ne suffisait pas, les tests ont aussi révélé la présence d'aldhéhydes. Le laboratoire a également identifié des phtalates dans l'air, une autre famille de substances chimiques soupçonnées d'être des perturbateurs endocriniens.
Tous ces produits sont donc jugés malsains, très irritants pour des personnes sensibles. Si on en fait un usage fréquent et intense, ils peuvent même nuire à des personnes en bonne santé.
C'est le processus de combustion qui explique pour beaucoup ce tableau très noir.
« L'encens est une résine d'arbre, faite donc de composés organiques. Dès qu'on brûle des composés organiques, il y a réorganisation des atomes dans la flamme et l'on crée plein de molécules différentes, des substances qui n'étaient pas à l'origine dans le produit que l'on brûle », explique encore l'expert.
Sans surprise, notre échantillon d'air des Alpes est très pur. Il ne contient aucune substance allergisante et très peu de COV, bien moins en tout cas que le spray à l'air des montagnes...
Ce n'est donc pas en parfumant son intérieur que l'on se fait forcément du bien. Certains de ces désodorisants sont même trompeurs puisqu'ils prétendent purifier l'air en éliminant les mauvaises odeurs alors qu'ils ne font que les masquer en diffusant un autre parfum.
En réalité, ils chargent notre intérieur en substances chimiques qui peuvent être allergènes et pour certaines, cancérigènes.
Ces substances viennent s'ajouter à une série d'autres composés organiques volatils, les fameux COV, des substances chimiques polluantes que l'on retrouve à l'intérieur des logements. Or, sachez qu'aujourd'hui, il est possible de faire mesurer ces pollutions intérieures. Sur demande, le service genevois de toxicologie industrielle peut venir analyser l'air ambiant.
A Bon Entendeur et Vincent Perret, expert au Service genevois de toxicologie industrielle et de protection contre les pollutions intérieures, se sont rendu dans un appartement genevois. Nous avons tout d'abord testé l'un des encens de notre test :
« Avant d'allumer l'encens, on avait dans le salon des concentrations de particules qui correspondent à peu près à la moitié de ce qu'on trouve dehors, ce qui est un résultat attendu. dès que l'on a allumé l'encens, on a multiplié par dix la concentration par rapport à l'extérieur ».
Mais il n'y a pas que les encens ou bougies qui dégagent des polluants intérieurs. Grâce à une pompe qui capte l'air ambiant dans des tubes, les experts peuvent aussi détecter la présence d'autres composés organiques volatils qui peuvent être émis par de nombreuses sources.
« Les COV peuvent être émis par les meubles, par les matériaux de construction, par le sol, par le plastique, par toutes sortes de choses, et comme ils sont confinés dans appartements, ils sont souvent nettement plus élevés à l'intérieur qu'à l'extérieur », explique Félix Dalang, expert en toxicologie au STIPI de Genève.
Ces substances chimiques peuvent être allergènes. Si par exemple, vous avez les yeux qui piquent, si vous avez de la peine à respirer chez vous, vous pouvez faire appel à votre service de toxicologie pour mener un test dans votre logement.
A Genève, la prise de mesure sera simplifiée dès septembre : vous pourrez recevoir un tube par la poste, à placer sur un meuble pendant une semaine. Il faudra ensuite le renvoyer au laboratoire pour analyses.
Pour en savoir plusService de la toxicologie industrielle et de protection contre les pollutions intérieures
(Stipi), Genève : 022 327 47 11.
Composés organiques volatils, formaldéhydes, solvants, phtalates, etc. : autant de produits chimiques qui envahissent notre quotidien. Mais ils empoisonnent aussi la vie de milliers de personnes en Suisse. Ils sont à l'origine de graves troubles de la santé dont les symptômes sont aussi divers que fatigues chroniques, maux de tête, douleurs dans tout le corps, vertiges, problèmes respiratoires ou de peau. Ces maladies, appelées MCS (Sensibilité chimique multiple - Multiple Chemical Sensitivity), ne sont pas formellement reconnues en Suisse par le corps médical et leur diagnostic peut poser problème.
Rencontre près de Fribourg avec Matthias, 5 ans, qui souffre de MCS depuis l'âge de 10 mois.
« Pendant deux ans, quatre à cinq nuits par semaine, Matthias ne dormait pas, il était toujours réveillé, quatre à cinq heures par nuit. Il vomissait quatre à cinq fois par nuit, je devais changer son lit et pour moi, pour mon mari, pour le couple, pour sa grande sœur, c'était une chose très difficile à vivre », raconte Irène Jenny, la maman de Mathias.
Les médecins consultés ne trouvent pas la cause du mal et, pour finir, envoient la famille chez un psychiatre.
« Matthias était suivi par plusieurs médecins. Ils ont d'abord pensé que c'était un problème d'estomac, ensuite ils nous ont envoyé à l'hôpital mais ils ont rien trouvé. Pour finir, ils ont pensé à un problème psychique de notre part et de sa part », continue Irène Jenny.
Mais un soir, Irène lit un article sur les MCS, l'acronyme anglais pour Sensibilité chimique multiple. On y parle d'hyper réaction à certaines substances chimiques présentes dans l'air : « On pense qu'il réagit au formaldéhyde, qui peut se trouver dans le bois collé, dans les produits de nettoyage, dans les parfums, dans les cigarettes ».
Les parents de Matthias sortent immédiatement les meubles en aggloméré de la chambre du petit et, deux nuits plus tard, il n'a plus de problèmes de sommeil. C'est tout le mobilier de la maison qu'il faut alors revoir. Après la chambre, c'est la cuisine : uniquement du bois massif et pas de peintures allergènes.
Faute de recherches scientifiques sur l'effet de ces nouveaux polluants ambiants, il est difficile de savoir quelles sont exactement les substances qui affectent Matthias. Au quotidien, c'est donc la prudence qui prévaut. Prochaine étape dans la vie du garçonnet, sa première année d'école. Un nouvel environnement dans lequel, espère sa famille, il pourra évoluer sans souffrir.
Ces maladies, appelées MCS pour Multiple Chemical Sensitivity, comme celle que subit Mathias, ne sont pas reconnues en Suisse ni par les assurances, ni par le corps médical. Pour en parler, Manuelle Pernoud reçoit sur le plateau d'ABE le docteur Jean-Silvain Lacroix, du Service ORL et de chirurgie cervico-faciale des Hôpitaux Universitaires de Genève.
Sujet disponible en vidéo.
Pour en savoir plus
Sites :
- Ligue MCS en Suisse
- MCS-SOS
(en construction)
Les bonnes odeurs, nous avons l'embarras du choix pour en créer, entre les encens, les bougies parfumées, les sprays qui nous promettent un air pur. Vraiment pur ? ABE a fait tester un échantillon de sept sprays désodorisants, sept bougies parfumées et six encens, en les comparant à l'air pur des cimes.
Cet air pur des montagnes, nous sommes allés le chercher au sommet de l'Aiguille du Midi, à 3842 mètres d'altitude ; nous avons pu tester sa qualité grâce à des tubes de mesures prêtés par le service genevois de toxicologie industrielle.
ABE a ensuite confié au laboratoire de toxicologie industrielle de Genève les vingt échantillons sélectionnés pour le test.
Les experts du laboratoire ont effectué des tests d'usage, menés en parallèle dans trois pièces de même taille pendant une heure, avec mobilier. Ils ont d'abord mesuré l'air ambiant, puis l'air après utilisation de chaque produit.
Ils ont ensuite recherché la présence de composés organiques volatils (COV) et de particules ultrafines. Il s'agit de substances qui peuvent être allergènes et pour certaines même cancérigènes.
Premier groupe de produits analysés : les sprays.
Après test, le laboratoire a retrouvé dans l'air des COV en quantité faible à moyenne, avec une exception.
Avec moins de 20 microgrammes de COV par m3, le spray Brise-Provence crée le moins de pollution.
Avec 1655 micro grammes par m3, les mesures après vaporisation du N1 Floral distribué par Carrefour dépassent très largement le maximum de 1000 microgrammes, recommandé par l'OMS et la Suisse.
« Nous avons retrouvé de fortes concentrations qui dépassent les recommandations admises pour ce type de produits. A l'analyse, nous avons trouvé un solvant industriel, une forme de white spirit utilisé dans certains sprays pour faciliter la nébulisation », explique Vincent Perret, expert au Service genevois de toxicologie industrielle et de protection contre les pollutions intérieures.
Des sprays à éviter donc, car on rajoute de la pollution dans nos intérieurs. Une règle qui vaut en général pour tous ces produits : « Dès qu'on utilise ce type de produits, on rajoute dans la pièce des produits qu'il n'y avait pas avant. On va trouver un air agréable, car il y aura une odeur agréable. Par contre, du point de vue de la toxicité et de la pollution, c'est un non sens d'ajouter ce type de produits pour améliorer la qualité de l'air », précise Vincent Perret.
Deuxième groupe de produits analysés : les bougies.
Premier constat : on y trouve moins de COV, car la charge de parfum y est moindre.
Le gros problème ici est la combustion. Elle permet l'émission de particules ultra fines qui peuvent aller se loger dans les poumons.
L'air testé après combustion des trois bougies suivantes dépasse la norme indicative de 50'000 particules par cm3.
Scented Candle, distribuée par Manor
Coop vanille et Candela de Migros, cette dernière présentant le pire résultat.
« Ici, il y a émission de résidus de combustion. Il s'agit en fait de particules ultrafines. Sont associés à ces particules les HAP- ces produits aromatiques policycliques - qui sont cancérigènes, et que l'on trouve aussi dans les cigarettes, dans les viandes, en fait chaque fois qu'on brûle de la matière organique. Si on laisse des bougies longtemps allumées, on accumule de fortes concentrations de particules ultra fines et ces concentrations là sont comparables à ce qu'on pourrait mesurer à un carrefour en ville », explique Vincent Perret.
Les experts ont aussi recherché la présence d'aldéhydes, en se basant sur une liste de 14 de ces polluants. Quatre bougies se distinguent.
Scented Candle
Bougie Ambiance by Balthasar
Bougie Brise Vanille
Bougie Air Wick
« Les aldéhydes sont une famille de produits chimiques tous irritants. On en connaît certains assez bien, comme le Formaldéhyde qui est irritant et cancérigène, qu'on a trouvé, mais en faibles concentration ».
Dernier groupe de produits testés : les encens.
Pour tous les encens testés, la concentration de particules ulttrafines dans l'air testé après combustion dépasse la norme indicative de 50'000 particules par cm3.
« Nous ressentons tout d'abord une impression de suffocation, corroborée par les analyses de la qualité de l'air. Avec les encens, on émet énormément de particules ultrafines car c'est un processus de combustion », explique Vincent Perret.
L'encens qui cause le moins de pollution est le Candela, de Migros
L'encens tibétain TRHSS et le cône Sandesh sont ceux qui dégagent le plus de microparticules
« Par ailleurs, nous avons trouvé du benzène, un composé cancérigène qui provoque des leucémies. On en trouve dans l'essence, ce qui fait qu'on en trouve partout dans l'air dans les villes, mais après avoir brûlé un bâton d'encens on peut en trouver de grosses concentrations. A titre de comparaison, on a terminé une étude qualité de l'air dans les parkings souterrains et on a trouvé des concentrations de benzène tout à fait comparable à celles qu'on a trouvées en brûlant des bâtons d'encens dans les pièces pendant le test ».
Lors de la combustion, tous nos encens ont dégagé du benzène, et en quantité largement au dessus de la norme recommandée par l'OMS, qui est de 5 micro grammes par m3 en moyenne sur une année.
Le cône (19) Sandesh dépasse même soixante fois cette norme !
Et comme si cela ne suffisait pas, les tests ont aussi révélé la présence d'aldhéhydes. Le laboratoire a également identifié des phtalates dans l'air, une autre famille de substances chimiques soupçonnées d'être des perturbateurs endocriniens.
Tous ces produits sont donc jugés malsains, très irritants pour des personnes sensibles. Si on en fait un usage fréquent et intense, ils peuvent même nuire à des personnes en bonne santé.
C'est le processus de combustion qui explique pour beaucoup ce tableau très noir.
« L'encens est une résine d'arbre, faite donc de composés organiques. Dès qu'on brûle des composés organiques, il y a réorganisation des atomes dans la flamme et l'on crée plein de molécules différentes, des substances qui n'étaient pas à l'origine dans le produit que l'on brûle », explique encore l'expert.
Sans surprise, notre échantillon d'air des Alpes est très pur. Il ne contient aucune substance allergisante et très peu de COV, bien moins en tout cas que le spray à l'air des montagnes...