L'arrivée du téléphone mobile a été une révolution, incontestablement. C'est un évènement qui servira sans doute à dater une époque. Aujourd'hui les rares citoyens qui ne possèdent pas de téléphone mobile sont vus comme des martiens par tous ceux qui se demandent comment on a pu vivre si longtemps sans.
Niché dans une zone industrielle
allemande, voici le laboratoire où les organisations de
consommateurs européennes testent sans relâchent les téléphones
portables du marché.
En tout, ce sont entre 150 et 200 nouveaux modèles par année qui
passent par les mains expertes de ces ingénieurs.
Frank Vanmaele
Resp. tests téléphonie
Association belge des consommateurs
« C'est un consortium de 19 pays qui fait cela ensemble, parce
que ce sont des tests extrêmement cher. On fait cela en permanence,
on achète les téléphones dès qu'ils sortent sur le marché et on les
envoie au labo pour les tester. »
Rudolf Heinz
Laboratoire de tests
« Pour tester le côté pratique des téléphones, on regarde par
exemple le nombre d'étapes nécessaires pour rédiger un SMS. Pour
certains, il faut appuyer cinq fois sur un bouton, pour d'autres
deux fois seulement. »
Au cours du temps, au fil de
l'accumulation de multiples fonctions dans les téléphones
portables, les tests sont devenus de plus en plus complexes, des
appareils photos aux lecteurs mp3, en passant par les diverses
fonctions de bureau mobiles.
Frank Vanmaele
« C'est très facile d'ajouter une fonction en plus. Les
fabricants utilisent cela pour faire beaucoup de publicité et pour
essayer de convaincre les gens qu'il y a quelque chose de nouveau
et qu'il faut changer d'appareil. Cela donne toujours l'impression
aux gens que c'est un meilleur appareil. Ce n'est pas vrai, mais
c'est aussi notre faute comme consommateur : si on ne réagissait
pas comme cela et que l'on disait que les fonctions de base nous
suffisent, les fabricants n'auraient pas intérêt à le faire.
»
Alors pour notre test, nous avons décidé de faire fi des gadgets
et de nous centrer sur l'essentiel: déterminer quels étaient les
meilleurs téléphones pour simplement téléphoner et envoyer des SMS.
Des appareils solides, performants et pratiques.
Frank Vanmaele
« On a regardé la qualité du téléphone en général: l'ergonomie
de l'appareil, si la structure des menus est bien faite, si elle
est intuitive, la facilité d'emploi pour téléphoner et pour rédiger
et stocker des SMS. On a regardé aussi si les appareils étaient
bien construits : on a fait un test de chute, on les a mis quelques
minutes sous la pluie. Ensuite, on a mesuré la sensibilité au
réseau et la qualité sonore Et, pour finir, la durée de la batterie
est très importante. »
Alors, voici les 5 meilleurs
téléphones GSM disponibles en Suisse Romande selon nos critères,
catégorie téléphones sans appareil-photo.
Le cinquième, selon nos critères, c'est le Samsung SGH-X450.
Le quatrième, c'est un Nokia, le
9300.
Plus haut, le Samsung SGH-X480.
Ensuite, le Nokia 6030.
Et pour finir, le premier, celui
qui rassemble le mieux les qualités que nous recherchions, c'est le
Nokia 3100.
Frank Vanmaele
« Ce qu'on voit, c'est que la plupart des téléphones qui sont
en tête du classement sont des Nokia et des Samsung : la raison
pour cela, c'est qu'ils n'ont pas de points faibles et qu'ils ont
une structure de menus très intuitive. Les Samsung très souvent
sont plus petits et plus portables et les Nokia extrêmement
intuitifs. »
Pour les amateurs, nous avons aussi réalisé le même classement
selon les mêmes critères mais sur des téléphones avec
appareil-photo. Voici les 6 gagnants.
Cinquièmes ex aequo, le Nokia 6020,
et le Samsung SGH-D500.
Quatrième, un Samsung encore, le
SGH-E730.
Troisième, le Nokia 6170.
Deuxième, le Nokia 6101.
Et premier, un téléphone lié à un
opérateur, le Orange SPV C550.
Et Sony Ericsson, elle est absente
du haut du classement, pourquoi ?
Frank Vanmaele
« Sony Ericsson n'est pas vraiment optimale pour ces fonctions
de base, mais d'un autre côté, ses téléphones sont vraiment très
bien pour les autres fonctions, comme les appareils photos ou les
lecteurs mp3, par exemple. Alors, si on prend en compte toutes les
possibilités des téléphones, Sony Ericsson va sortir beaucoup
mieux. Si on regarde seulement les fonctions de base, Sony Ericsson
n'est pas au top. »
Dernière chose, en tant qu'utilisateur, on a le sentiment qu'en
général les téléphones portables sont de moins en moins solides.
Est-ce que c'est vraiment vrai?
Frank Vanmaele
« En général, la plupart des téléphones sont assez solide,
mais il y a quand même de plus en plus de problèmes. »
Rudolf Heinz
« Je pense que les fabricants ont remarqué que les gens
n'utilisaient pas le même téléphone si longtemps que cela et qu'ils
ont baissé quelque peu leurs estimations de durée de vie des
appareils. La première génération des téléphones était bâtie
pour... 10 ans ! »
Il ne faut donc surtout pas s'y attacher, car il finira rapidement
par présenter des signes de faiblesse, même si certains d'entre
nous sont suspendus à leur téléphone comme un fœtus à son cordon
ombilical. C'est devenu un objet transitionnel, une sorte de doudou
des temps modernes, affublé de petits noms: les Italiens
l'appellent le telefonino, les Belges de son vrai nom: GSM, pour
Global system for mobile communication, les Allemands et
Suisses-allemands le handy et nous le natel, pour « National
Téléphone » !
Si cet objet rencontre tant de
succès c'est que communiquer, c'est quand même quelque chose de
totalement vital et fondamental pour les grands singes mystiques
que nous sommes. Reste à séparer les véritables innovations
technologiques du marketing et ça, c'est une autre affaire.
Dominique Boullier, anthropologue
au laboratoire des usages en technologies d'information numérique
:
« Il y a toujours un effet d'attraction. Vous vous dites : je
vais acheter le maximum de fonctions au cas où... En plus, on vous
a fait comprendre que c'était la meilleure façon de vous distinguer
ou du moins de participer à l'innovation. Et puis, vous essayez les
fonctions pour voir et vous sélectionnez. Finalement, vous
recomposez l'utilisation de l'appareil en fonction de votre propre
méthode de travail et de vos besoins.
En réalité, on vous demande surtout de changer le plus souvent
possible d'appareil sous prétexte qu'il n'a pas toutes les options.
Ce renouvellement constant qui suscite un appel à la consommation
est lié en réalité au fait qu'il n'y a pas d'innovation véritable
et qu'il faut tout de même essayer régulièrement de susciter de la
demande. On est dans une économie qui est gouvernée par la finance
et qui ne veut plus prendre le risque d'essayer de mettre sur le
marché des innovations réellement intéressantes pour l'usager, mais
qui demandent de longs temps de développement et qui mettent du
temps à se stabiliser. Il faut au contraire renouveler en
permanence la consommation même s'il n'y a absolument aucune
justification. Et au bout de 18 mois, il faut jeter son téléphone
portable, en acheter un nouveau, et son ordinateur, qui a une
nouvelle version avec de plus en plus d'options que l'on utilisera
toujours aussi peu.
En plus au bout d'un moment, l'accumulation des fonctions risque
non plus de vous faciliter la vie, mais de vous empêcher de faire
correctement la fonction de base, qui est dans notre cas, de
téléphoner. On a vu très bien cela avec les magnétoscopes où l'on
empilait tellement les fonctions que la base qui était
d'enregistrer une simple cassette le soir devenait compliquée.
»
Fin novembre 2004, le nombre de
cartes Sim distribuées en Suisse représentait 87,4% de la
population, y compris les bébés, aujourd'hui on estime ce chiffre à
au moins 90%. Evidemment certains ont plusieurs cartes, car les
nourrissons ne téléphonent pas encore! Pour l'instant il est
possible de survivre dans la société sans téléphone, mais les
Gaulois qui résistent à l'envahisseur vous diront que ce n'est pas
simple. Ils essuient souvent du mépris ou de la pitié quand ils
avouent n'être atteignable que via une ligne fixe. Le corollaire de
ce succès c'est que le téléphone deviendra rapidement un moyen de
paiement, ce qui achèvera de marginaliser ceux qui n'en possèdent
pas. Après la bonne à tout faire, voici le téléphone à tout faire.
C'est tout juste s'il ne nous coule pas un bain. En Suisse, ce
genre d'applications apparaissent timidement. Pour vous montrer ce
qui nous attend demain ou après-demain, nous sommes allés voir au
Japon, où notre collègue Georges Baumgartner est aux premières
loges des innovations technologiques.
Dans des publicités à la
télévision, Japan Airlines propose déjà à ses passagers d'embarquer
dans ses avions aussi simplement qu'ils prennent le train, sans
enregistrement, en franchissant un portique avec leur téléphone
portable doté d'une carte a puce sans contact.
C'est que le mobile au Japon n'est plus un simple portable. C'est
un porte-monnaie électronique qui permet de s'offrir une boisson
sans petite monnaie. C'est une carte de crédit pour acheter des
meubles ou d'autres services plus coquins par la lecture de
codes-barres. C'est aussi une clé d'appartement grâce à une carte à
puce sans contact intégrée dans le portable et qui contient toutes
les données réparties sur les diverses cartes qui envahissent
aujourd'hui votre portefeuille.
Ted Osamura, un directeur de Sony, a contribué à l'invention de
cette puce sans contact baptisée Felica.100 millions d'unités sont,
aujourd'hui, en circulation, en Asie surtout. « Cette puce
insérée dans un portable peut servir de carte d'accès aux Alpes
pour les touristes. Elle est hautement sécurisée. Elle est appelée
à remplacer le porte-monnaie et les cartes de crédit. En Suisse,
les touristes s'en serviront pour leurs paiements. »
JR East, la compagnie de chemin de
fer a déjà persuadé 30 millions de Tokyoites d'adopter cette carte
à puce de Sony qui permet plusieurs types d'usages simultanés.
Aujourd'hui, NTT DoCoMo rejoint JR East pour assurer le mariage
entre cette carte et le téléphone mobile. Afin d'accélérer, jusque
sur ce quai de gare, l'essor du porte-monnaie électronique. Le
temps d'acheter une boisson sans utiliser de petite monnaie.
Chaque téléphone portable perdu ou volé peut être bloqué à
distance et l'abonné peut retélécharger l'essentiel des données
stockées dans son ancienne puce vers une nouvelle.
Plus de 30.000 magasins acceptent déjà ces mobiles
porte-monnaie-électronique pour régler des achats. Ils peuvent être
rechargés sur l'Internet ou des bornes dédiées. Les gains de temps,
la disparition de la petite monnaie, l'élimination des erreurs de
caisse sont d'autres avantages perçus par les commerçants.
Chez NTT DoComo, le géant japonais de la téléphonie mobile,
Takeshi Natsuno, à qui l'on doit déjà le succès de l'imode, l'accès
à l'Internet avec un portable est l'homme qui est en train de faire
basculer le Japon dans l'ère du mobile à tout faire : « L'une
de nos missions est de changer le mode de vie des gens. Nous avons
déjà réussi avec l'imode, un système multimedia utilisé par plus de
40 millions de Japonais. Et nous procédons à une nouvelle
transformation du mode de vie des gens avec le
portable-porte-monnaie électronique. »
Dans ce Japon technophile, le
marché potentiel du portable porte-monnaie électronique est
gigantesque. Les transactions de moins de 40 francs pèsent chaque
année plus de 600 milliards de francs. Les portables pourraient à
terme capter 50% de ces transactions et empocher une marge de 1,5%,
un vrai pactole pour NTT DoComo, Sony et les sociétés de
transport.
Evidemment si on perd son téléphone, on est mal! En augmentant
notre dépendance au téléphone mobile, on augmente aussi notre
vulnérabilité. La question est de savoir si pour les individus les
avantages de ces avancées technologiques sont plus importants que
les inconvénients. Quoi qu'il en soit, plus votre portable contient
de fonctions différentes, plus il sera gourmand en énergie. Radio,
lampe de poche, appareil-photos etc. tout cela fonctionne grâce à
une seule batterie rechargeable: l'accumulateur du téléphone. Nos
collègues de l'émission Kassensturz ont voulu déterminer lequel
parmi les plus vendus actuellement, était équipé de l'accumulateur
le plus efficace. En d'autres termes lequel reste le plus longtemps
tout à fait mobile, sans nécessiter une prise de courant:
Au laboratoire, une sorte de doigt
pneumatique maintient en permanence les portables allumés. L'écran
consomme de l'électricité pendant des heures jusqu'à l'épuisement
de la batterie. Cela permet aux ingénieurs de mesurer la capacité
des accumulateurs. Dans leur publicité, les fabricants promettent
certains temps de fonctionnement. Par exemple Sony Ericsson promet
400 heures d'autonomie en veille pour son modèle K750i. Le
laboratoire n'a mesuré en fait que 330 heures d'autonomie. Ericsson
explique cela par une différence dans les conditions de test.
Rudolf Heinz, laboratoire de test: « Ils retiennent uniquement
les conditions de test les plus favorables, celles qui assurent le
meilleur résultat. »
Chaque conversation consomme de l'électricité, mais pas toujours
la même quantité. L'énergie dépensée dépend de la distance qui
sépare le portable de l'antenne la plus proche. Plus la réception
est mauvaise, plus le téléphone doit consommer de courant pour
assurer la communication. Et ça peut se mesurer.
On place le portable dans une boîte
isolée, dans lequel on va établir un réseau GSM. On simule ensuite
différentes qualités de réception plus ou moins bonnes, comme dans
la réalité. Le téléphone va donc modifier à chaque fois sa
puissance d'émission et consommer plus ou moins
d'électricité.
Rudolf Heinz: « Il y a de très grandes différences entre les
accumulateurs. Cela va de mauvais à très bon. En gros, suivant le
téléphone testé que l'on utilise, on peut téléphoner de 4 heures et
demi pour les plus faibles, jusqu'à 7 heures de temps pour les
meilleurs. »
On trouve aussi de grosses différences dans les temps de veille
des téléphones testés, ils varient de 6 à 15 jours. Et puis, le
laboratoire a aussi mesuré la consommation d'énergie électrique
générée par l'écriture de SMS. Le tableau des résultats tient
compte de ces 3 trois facteurs: la performance des accumulateurs
pour le temps de veille, le temps de conversation et l'écriture de
SMS.
C'est le SonyEricsson K750i qui
arrive en tête, on peut téléphoner avec lui pendant 7 heures. C'est
aussi le plus cher du test.
Ensuite, jugé bon, le Nokia 5140i. C'est lui qui a le temps de
veille le plus long.
Plus bas et jugé suffisant, le
Nokia 2600, sans trop de gadgets et avantageux.
Puis le très plat Motorola V3 - son accumulateur se vide après
seulement 4 heures d'écriture de SMS.
Suffisant aussi, le Nokia 6230i.
Suffisant encore, le Samsung D 500 et le SonyEricsson K700i.
Les téléphones suivants n'atteignent pas les performances que
l'on est en droit d'attendre dans une utilisation quotidienne.
Insuffisant : le Samsung E 720 -
faible surtout en temps de veille et pour les SMS.
Insuffisant aussi: le Sharp Gx25. Le temps de veille le plus court
de ce test.
Insuffisant encore, le Siemens A 65. C'est le moins cher de ce
test, mais après 4 heures 30 de conversation, il s'éteint.
Nous sommes à Winterthur, à la
clinique du portable. Ici, on répare tous les jours 400 téléphones.
Les causes principales de réparation sont l'humidité, les chutes,
les affichages enfoncés, les touches défectueuses et les problèmes
d'accumulateurs. Il faut dire que la performance des accus dépend
aussi de l'utilisateur.
Damiano Randazzo, Handyclinic: « L'erreur habituelle que
commettent les gens est très compréhensible: ils achètent un nouvel
appareil et sont tellement contents qu'ils chargent la batterie
pendant 10 ou 20 minutes et se mettent immédiatement à utiliser
l'appareil. En fait, un accumulateur neuf devrait toujours être
chargé pendant 5 à 8 heures avant toute chose. »
En plus, les accumulateurs neufs devraient être chargés et
déchargés complètement trois fois de suite. Ce n'est que comme cela
qu'ils pourront plus tard déployer leur pleine puissance.
A Bon Entendeur a invité Jean-Marie Mortier, ingénieur et
responsable des tests pour l'Association belge des consommateurs «
Test-Achats », pour nous parler des risques sur la santé liés à
l'utilisation des téléphones mobiles. Il fait le point des études
scientifiques sur le sujet.
L'interview de Jean-Marie Mortier est disponible uniquement en
vidéo.
Et puisqu'on en est au chapitre de
la téléphonie, il y a une nuisance pour laquelle il n'y a aucun
doute: c'est celle qui concerne notre porte-monnaie. Nous payons
les communications trop cher! La semaine dernière le conseil de la
concurrence en France a infligé 534 millions d'euros d'amende à
Orange , SFR et Bouygues pour entente cartellaire sur les tarifs.
Il serait curieux que ces petits arrangements entre opérateurs
s'arrêtent à la frontière et on se demande ce que la commission de
la concurrence en Suisse, la COMCO, va sortir de son chapeau chez
nous. Evidemment, il faut du courage pour condamner des entreprises
qui ont un tel poids économique, on attend de la COMCO qu'elle nous
prouve qu'elle en a, et si possible très vite!