Les propositions de rachat d’or s’affichent dans tous les journaux et à chaque coin de rue. Le métal jaune ne connaît pas la crise. Comment vendre ses vieux bijoux ? Comment évaluer leur prix ? Après cette première enquête, découvrez un Reportage exceptionnel au Ghana, où des mineurs souvent très jeunes risquent leur vie pour quelques pépites.
Vente d'or: le test 
Les boutiques et les lieux improvisés où l’on vous rachète vos objets en or prolifèrent. Nous avons voulu voir qui est correct et qui ne l’est pas. Nos enquêtrices ont testé une cinquantaine d’acheteurs ! Les cas remis en scène sont les plus symptomatiques.
Des annonces qui ventent les meilleurs prix de rachat de l’or dans les journaux, des panneaux accrocheurs sur les trottoirs : lorsque l’on veut vendre des objets en or, on a l’embarras du choix. Nos deux enquêtrices, qui ont gardé l’anonymat durant toute l’enquête, sont donc parties avec deux objets en poche.
Le premier est un lingot d’or de 24 carats de 10 g, certifié à la banque, dont la valeur durant l’enquête varie de 408 à 439 fr. à cause du cours de l’or.
Le deuxième est une chaînette de 18 carats de 9,19 g exactement, pesée officielle au bureau des métaux précieux à Genève, dont la valeur varie de 282 à 304 fr.
Elles ont proposé leur trésor à une cinquantaine de magasins en Suisse romande, pour voir combien il vaut.
Premier cas, un exemple idéal dans un monde presque parfait: après avoir répondu à une annonce dans le journal, nos enquêtrices se sont rendues chez Yves Rochat, un bijoutier indépendant à Clarens. Au moment de l'entretien, le prix du lingot était de 420 fr. et celui de la chaînette 289 fr. 55. Voici une reconstitution de la discussion.
- Vous venez de loin ?
- De Genève, mais on était à Montreux aujourd’hui alors voilà...
- De Genève ? Moi j’y vais souvent, j’ai des clients là-bas. Qu’est-ce que vous avez ?
- Moi j’ai ce petit lingot.
- Ça c’est 10 g. Nous on se base sur le taux bancaire de la banque cantonale. Ca fait 420 fr. à l’achat.
- Ok
- Pourquoi, vous voulez le vendre ?
- Je vais réfléchir un peu mais je peux repasser?
- Oui, quand vous voulez. Je suis là ! On regarde la chaîne. (Il la pèse). Ici, on a 9.21g... 240 fr.
Ici, on n’est pas bousculés, on prend même le temps de discuter un brin. Et la proposition est honnête.
Pour chaque proposition faite à nos enquêtrices, nous avons calculé la marge que se fait l’acheteur en fonction du prix offert et du cours de l’or à l’heure de la visite.
Exemple: à telle date et à telle heure, le prix du gramme d’or 24 carats vaut tant.
Pour le lingot 24 carats, il suffit de multiplier son poids (10g) par le prix du gramme, et on obtient exactement son prix à ce moment précis.
Pour la chaînette, il faut tenir compte du fait que la valeur d’un alliage 18 carats est le ¾ du 24 carats. Donc il faut multiplier le poids de la chaîne (9,19g) par 0,75 pour obtenir le poids en or pur. Il faut enfin multiplier ce poids par le prix du gramme d’or afin d’obtenir le prix de la chaînette à ce moment précis.
Ensuite, dans les deux cas, nous calculons la valeur du prix offert de l’objet proportionnellement à sa valeur exacte. Et la différence représente la marge de l’acheteur. Simple, non ?
Après chaque visite, nos enquêtrices ont soigneusement noté les prix articulés. D’abord individuellement, ensuite elles ont comparé les résultats, afin d’être sûres des chiffres.
Jusqu’à 20% de marge, on trouve le acheteurs suivants :
Yves Rochat à Clarens avec 17% de marge sur la chaînette et 0% sur le lingot
Gold swiss service à Yverdon, avec 21% sur la chaînette et 17% sur le lingot
La bijouterie Abyssint à Genève avec 17 % pour la chaînette et 17% pour le lingot
Un numismate à l’avenue du Mail 15 à Genève avec 20 % sur la chaînette et 7 % sur le lingot
La fonderie Cendr’or à La Chaux-de-Fonds, avec 12 % sur la chaînette et 4 % seulement sur le lingot.
La fonderie est le seul acheteur de notre test qui ne démarche pas. Les particuliers peuvent se présenter directement à l’usine, ce qui est tout de même intéressant.
Autre catégorie : celle des points d’achat qui prennent une marge entre 20 et 37%, une marge jugée encore acceptable! Nous nous rendons à Neuchâtel.
Les enquêtrices racontent : « Quand on est arrivées au funiculaire, on ne pouvait pas rentrer tellement il y avait de monde, il faut dire que c’est un tout petit endroit, une toute petite boutique, et ça ne désemplissait pas.». Au moment de l'entretien, le prix du  lingot était de 422 fr.90 et celui de la chaînette était de 291 fr.50. Voici une reconstitution de la discussion.
- (Elle regarde) Pour la chaîne, ça fait 190.
- C’est du 18 carats ?
- Oui, c’est du 18. Je n’ai pas contrôlé sur la pierre, mais c’est un poinçon de 18 carats.
- (En montrant le lingot, elle regarde) et 300 fr. pour le lingot, mais mon patron m’autorise à arrondir un peu, je peux vous donner 200 pour la chaîne.
Ici, on a affaire à des commerçants qui connaissent le sujet et qui surfent sur l’opportunité de la hausse du prix de l’or. Et ils n’hésitent pas à diminuer un poil leur confortable marge pour séduire le vendeur potentiel.
Dans les points d’achat qui se font une marge entre 20 et 37%, nous trouvons :
Achats vente à la rue de l’Ecluse à Neuchâtel avec 31% de marge sur la chaînette et 29 % sur le lingot
Le Speedy-Cash à la rue des Moulins à Neuchâtel avec 30 % sur la chaînette et 29 % sur le lingot
L’atelier Goldschmiede à la rue de Nidau à Bienne avec 37 % sur la chaînette et 24 sur le lingot
Le Gold Swiss Service de Bienne avec 34% pour la chaînette et 31% pour le lingot
Catégorie suivante, celle des acheteurs qui s’offrent une marge entre 37 et 50%. Autant dire que le client, sans doute bien malgré lui, leur fait un cadeau en vendant ses bijoux.
Nos enquêtrices ont été accueillies par une dame enceinte, charmante et très gentille, qui les a tout de suite mises à l’aise. Mais ce qu’elle racontait n’était pas exact. Voici une reconstitution de la discussion. Au moment de l'entretien, le prix du lingot était de 422 fr. 90 et celui de la chaînette de 291 fr.50.
- Bon, la chaîne je peux vous en donner 180. Là il faut que je le retire.
- Ici je peux vous en donner 220 fr., et je pense que c’est du 22 carats. Il faut que je contrôle encore.
- Et si le lingot pèse 10g, combien pèse la chaîne ?
- Heeuu… ça c’est 9 g
Nos enquêtrices ont été abusées sur le titrage du lingot, ce qui est très étonnant pour une bijoutière qui connaît normalement très bien son métier. L’acheteur se fait ainsi une marge de 37% sur la chaînette, qui ne pèse plus que 9g et une marge de 47% sur le lingot, qui est soudainement du 22 carats et non du 24 comme certifié.
Xenia Heinz est psychologue, spécialiste FSP en psychothérapie :
« Je pense que ça doit être très difficile de se dire que j’amène un objet, j’ai de la peine à me résoudre à m’en séparer. Et que quelqu’un vient me dire que c’est de la gnognotte, que ça ne vaut pas grand chose. Je pense que ça peut faire très mal. Ca peut affaiblir sa détermination et l’ébranler. »
Dans cette catégorie où la marge varie entre 37 et 50%,  on trouve :
La bijouterie Jud à Lausanne, avec une marge de 37% sur la chaînette et 47% sur le lingot
Lausanne Galerie à la Rue Cheneau-de-Bourg à Lausanne,  avec une marge de 47% et le lingot offre 39% de marge.
On nous apprend que la chaînette pèse « presque 7 g »…
Un acheteur itinérant dans la salle arrière du Café de la Rotonde à St-Imier, avec une marge de 42% sur la chaînette et 46% sur le lingot.
La chaînette est évaluée à 9 g.
Yvenri à la Place centrale à Martigny, avec une marge de 50% sur la chaînette et 43% sur le lingot.
Nous avons mis dans la dernière catégorie les points d’achat d’or qui font plus de 50% de marge. Pour de telles marges, tous les trucs sont permis pour conclure la meilleure affaire dans les meilleurs délais. Mais c’est évidemment l’acheteur qui fait une affaire!
Dans ces locaux, à l’Avenue Louis-Casaï à Genève, une femme loue un petit bureau quelques jours par mois, met des annonces dans la presse et attend qu’on vienne lui présenter des objets en or à recycler. Nos enquêtrices ont été accueillies dans son petit bureau complètement vide, avec juste une balance et son kit de pierre de touche. Voici une reconstitution de la discussion. Au moment de l'entretien, le prix du lingot était de 427 fr. 60, et celui de la chaînette de 294 fr.70.
- On voit toute sorte de chose, on vous amène de l’or, mais ce n’est pas de l’or… ou ils ont quelque chose au fond d’un tiroir, ils disent que c’est du 18 carats et moi je teste et c’est du 9 carats. Alors évidemment ça n’a pas la même valeur !
- Elle frotte longuement à la pierre de touche.
- J’abîme rien. (Petit rire) Il ne faut pas vous inquiéter. (Après examen) Il y a de l’or. Par contre, il n’y a pas beaucoup de poids, ça c’est sûr.
- Elle pèse combien ?
- Je vais vous dire... ça fait 8. Là je peux vous donner 60 fr.
Le poids réel est 9,19g, et le prix réel est 294 fr. 70. Nos enquêtrices témoignent :
«Elle nous a menti sur absolument tout, que ça soit sur le poids de la chaîne ou le titrage du lingot.»
« Elle nous a donné des prix qui ne sont même pas envisageables, c’était juste pas possible !»
- Ho ho... Mais là, c’est pas 24 carats, non c’est 18 aussi… Je peux vous donner 150 pour les deux.
- Donc la chaîne c’est 60, et le lingot c’est combien ?
- 80.
Nos enquêtrices l’affirment : « C’était du vol ». L’acheteuse se fait une marge de 80% sur la chaînette qui ne pèse plus que 8 g et le lingot, testé, qui est soudain du 18 carats, offre une marge de 81 %. C’est le pire résultat.
Xenia Heinz:« La personne qui vient et qui ressent ce fameux besoin d’argent, et qui peut ressentir encore un peu d’embarras et de gêne, elle n’est pas dans une très bonne posture. Elle peut être traitée comme une proie par l’autre personne qui fait ça tous les jours. »
On a également eu le cas de l’embrouille totale lors des calculs, chez un numismate à la rue Rousseau 36, à Genève. Voici une reconstitution de la discussion :
- Votre lingot, il vaut 350 fr. Et la chaîne... 100 fr. C’est plus léger
- 100 fr. d’or ?
- (Il tape sur sa machine à calculer) Bon, 120 parce que je viens de refaire mon calcul, ouais… 250… Je peux vous faire les deux pour 380, ça vous va ?
Nos enquêtrices expliquent le procédé : « Tout va tellement vite, il utilise des termes qu’on n’a pas l’habitude d’entendre non plus. On a tendance à se dire: ha, c’est moi qui ai du mal comprendre... Et même quand on a l’habitude, on n’arrive pas à maîtriser le calcul mental. Mais c’est en sortant de là qu’on constate l’emprise que l’acheteur d’or a eu sur nous.»
Xenia Heinz: « On a l’impression qu’on doit aller jusqu’au bout, qu’on doit finir par trouver un accord, qu’on est pris dans l’interaction et qu’on ne peut pas couper.
Un conseil à donner : j’y vais, je suis aussi dans une relation de transaction, j’ai mon rôle, je suis libre, je peux partir, je peux revenir, je peux dire que je vais voir ailleurs, je peux prendre le temps de la réflexion, je peux comparer. Mais il faut se le dire à soi-même avant d’y aller. Sinon, on ne va pas trouver le courage de le faire. »
C’est d’autant plus difficile de partir quand on nous demande notre carte d’identité et que l’acheteur la garde devant lui durant tout l’entretien comme au Cash n’go de la rue de Pré Fleuri à Sion.
- (Il s’impatiente...) Combien vous attendez de mon offre?
- Je ne sais pas, on me l’a offerte...150 fr., je ne sais pas...
- (Il pèse la chaîne) on est à 9,2... pour 147 fr. Et le lingot à 159.  Tout va à la fonte. Ça vous va ?
Dans cette catégorie où la marge dépasse les 50%,  on trouve les acheteurs suivants :
Le Cash n’go à Sion, avec 51% sur la chaînette et 63% sur le lingot
La galerie numismatique, rue du Petit-Chêne 32 à Lausanne avec 53% sur la chaînette et 57% sur le lingot
Un acheteur itinérant à l’hôtel Beaulac à Neuchâtel, avec une marge de 66%  sur la chaînette et 53% sur le lingot.
Il met en garde le vendeur : aujourd’hui, le cours est haut, mais demain, on ne sait jamais...
L’acheteuse itinérante dans des locaux loués à Genève avec une marge de 79% sur la chaînette et 81% sur le lingot
 Xenia Heinz donne un dernier conseil: « Une fois qu’on y va, il faut laisser ses émotions à la maison et puis se blinder un peu pour faire face au côté négociation. »
Dans la grande majorité de cas, ces objets en or vont finir à la fonderie. La nouveauté, c’est qu’il n’y a plus besoin de patente du tout, tout le monde peut s’improviser acheteur d’or et revendre des bijoux en vue de les faire fondre. Mais on n’entre pas dans une fonderie comme dans un moulin. Malgré cela, notre équipe de tournage a pu filmer, ce qui est assez exceptionnel dans une fonderie. Celle-ci ne situera pas située pour des questions de sécurité.
Depuis mars de cette année, poussés par flambée du prix de l’or et la multiplication des points d’achats, les responsables d’une fonderie, située quelque part à Genève, reprennent des lots de bijoux en vrac en vue de la fonte, patente à l’appui. Dans les lots qu’ils reçoivent, il y a de l’or de différents titres, 18, 14 ou 9 carats, mais aussi des métaux d’alliage comme l’argent ou le bronze, ainsi que des pierres, et des impuretés.
Pour éviter le recel, les bijoux sont photographiés avec la carte d’identité du vendeur. Si la police recherche un bijou volé, elle peut retrouver la personne qui a vendu l’objet.
Par la fonte, on détermine très précisément la teneur en or pur du lot, donc sa valeur. La transformation des bijoux en lingot se fait devant le client, afin d’éviter tout malentendu.
Les objets sont mis dans le creuset, où la température minimum est de 1100°. La fonte dure une dizaine de minutes. Ensuite le métal est coulé dans un moule. Quelques instants plus tard, c’est le démoulage. Voilà notre lingot un peu brut de décoffrage. On y retrouve les métaux d’alliage et l’or. La saleté et le sel sont en revanche enlevés.
Pour déterminer la quantité d’or pur dans notre lingot artisanal, on peut utiliser le principe d’Archimède. Cette loi de la physique permet de mesurer la masse volumique d’un corps en fonction du volume d’eau qu’il déplace.
Cela fait 109 g d’or, qui, à cette heure-ci, valent exactement 4496 fr. 39, marge de la fonderie déduite.
Le lingot sera ensuite envoyé à des affineurs agréés, qui vont séparer l’or fin des autres métaux. Pour des raisons de sécurité, nous n’aurons en revanche aucune information concernant le transport.
En Suisse, cinq fonderies raffinent ensuite ces lingots : elles séparent l’or pur des métaux d’alliage et remettent dans le circuit des lingots dont la teneur en or est certifiée par des essayeurs jurés. C’est cet or que les bijoutiers, joailliers et créateurs de montres utilisent pour la création d’objets de valeur.
Fabrice Schafer, chef de bureau Administration fédérale des douanes AFD, explique:
«Le but, c’est la protection du consommateur. S’il veut un bijou 18 carats c’est vraiment de l’or 18 carats.»
Genève est historiquement la place où l’on trouve le plus de manufactures de bijoux en métaux précieux et autres montres prestigieuses. Ce bureau est donc le plus important en Suisse. Quelque 17 essayeurs jurés assermentés auscultent sous tous les angles des pièces de joaillerie ou des boîtiers de montre. Sur un lot de 1000 pièces, ils en pointent au hasard entre 30 et 40. Et jouent les détectives !
Pour commencer, un essai préliminaire aux rayons X permet de voir tous les composants d’un bijou.
Fabrice Schafer:« Nous avons souvent des grosses surprises. Parfois on nous présente une pièce qui est en or, et tout d’un coup on se retrouve avec une pièce en laiton. »
Si la pièce répond aux exigences, elle est poinçonnée. Le poinçon étatique est apposé de manière obligatoire sur toutes les boîtes de montre en métaux précieux : or, argent, platine, palladium, et facultatif sur la bijouterie. Mais il est fortement requis, marketing oblige.
Jusqu’en 2001, le poinçon était mis de manière mécanique. Pas toujours simple sur les pièces délicates ou les pierres précieuses. Depuis, c’est le laser qui tatoue les métaux.
Jérôme Courtais, Chef de service, Administration fédérale des douanes:
« C’est un marquage d’une dizaine de microns, donc c’est quelque chose d’extrêmement précis, comme un billet de banque. Notre poinçon a des sécurités, mais il faut pouvoir les voir sur quelque-chose d’aussi petit, donc on a une tête de gravure très très précise. »
S’il y a un doute sur la véritable nature d’un objet, il subit la coupellation, un procédé destiné à isoler par oxydation les divers métaux d'un alliage en fusion. Il se fonde sur une caractéristique de l'or, celle de ne pas s'oxyder aux températures élevées. Et là, il  y a des belles histoires qui se terminent mal...
Jérôme Courtais: « Il y a des anecdotes malheureuses : par exemple une personne qui avait senti la bonne affaire en important des lingots du continent africain. Il a payé 500'000 fr. pour des lingots en laiton doré, qui ne valaient en fait que quelques centaines de francs. »
Mais le plus grand danger actuellement, c’est d’acheter une falsification si bien faite qu’on la prend pour une vraie montre, poinçon et garantie à l’appui, et de la payer presque le prix d’une vraie. Et là, ça fait mal !
« Le danger de cette falsification ? C’est l’enrobage qu’on a autour. C’est vraiment le degré de persuasion qui est faussé. On vous met un manuel, une petite garantie, un boîtier, un beau coffret boisé. A ce moment là, on se dit qu’on a une vraie montre en face de soi. Puis un jour, la personne envoie sa montre à l’usine, qui remarque que c’est une falsification, et la confisque. »
Fabrice Schafer: « Quand on achète de l’or à moitié prix, soit la matière est louche, soit la personne s’est faite avoir complètement. »
Jérôme Grand, bijoutier, nous explique comment distinguer une chaînette en or 18 carats d’un bijou de pacotille :
« Il y a des bijoux qui ne sentent pas l’or. Au niveau de l’éclat, on le voit très vite. Ça par exemple pour moi, c’est pas de l’or. »
 « Là on a une chaîne en or 24 ct, avec un poinçon énorme. Le gros doute qu’on peut avoir, c’est qu’on ne fait pas quelque chose d’aussi fin avec une matière aussi molle. »
Alors, dans le doute, on peut tester les bijoux à la pierre de touche, un procédé à l’acide utilisé par les professionnels. Mais si vous, vous avez des trésors dans vos tiroirs et que vous désirez vous en séparer, montrez-les d’abord au bureau des métaux précieux, avant de les vendre à n’importe qui, à n’importe quel prix.
Il faut garder à l’esprit que tout cet or a été extrait, souvent au prix  de la santé, même de la vie, de milliers de mineurs, et pire mineurs en âge aussi. Marianne Kägi, notre collègue de Kassensturz a enquêté au Ghana. Dans ce pays, 500' 000 mineurs travaillent dans de petites mines d'or, à leurs risques et périls.
Depuis l’âge de quinze ans, John Ayomah travaille ici, comme mineur. Tous les matins, très tôt, il se prépare à rentrer dans les entrailles de la terre. Son équipement se résume à un foulard en guise de casque et une lampe de poche vissée sur la tête. Ils sont des dizaines d'hommes à travailler ici, dans une atmosphère humide et chaude.
Pour éclater le rocher, ils utilisent d’abord de la dynamite. Puis avec un marteau et un ciseau, ils cassent la roche en morceaux de plus en plus petits. Plus ils remontent de gravas à la surface, plus grande est leur chance de trouver de l’or.
John Ayoma, mineur : « Mon travail est dangereux. Ici, dans le tunnel, nous faisons sauter à la dynamite. Ceux qui ne fuient pas assez vite risquent de se prendre la roche sur la tête et d’y rester. C’est arrivé à mon meilleur ami. Personne ne pouvait le sauver. Si j'avais un autre emploi, je quitterais immédiatement les mines d'or. »
Jour après jour, John Ayomah extrait ainsi des tonnes de roche, sans savoir s’il y a, dans ces sacs, la moindre trace du précieux métal. « C’est seulement quand la roche est concassée et lavée que nous savons si nous avons quelque chose d’intéressant. Souvent, ça suffit juste à couvrir nos coûts d’extraction. Pendant deux mois, nous n’avons presque rien trouvé... »
Après avoir extrait la roche du tunnel, John Ayomah et son frère Kwame broient les pierres et lavent le sable fin. Avec des chiffons, ils filtrent les grains de sable qui peuvent contenir de la poussière d'or.
Pour extraire l’or de ces poussières, John mélange le sable avec du mercure, ça forme un amalgame qui peut être ainsi récupéré.
Les mains, nues, sont en contact permanent pendant des heures avec le composé hautement toxique.
John Ayomah: « J'ai le sentiment que le mercure me blesse. Il pénètre dans mon corps attaque ma peau et me rend malade. Et ça ne fait qu'empirer. »
Il compresse ensuite la masse de l’amalgame. Et c’est cette couleur argent qui marque la présence de l’or brut. Mais une fois de plus, c’est peu. Trop peu pour vivre décemment.
Pour séparer l’or du mercure, les mineurs enveloppent l’amalgame dans du papier-journal et le mettent sur le feu. Le mercure s’évapore alors dans des vapeurs hautement toxiques.
À Cologne, à l’organisation Südwind, on prend ce problème sanitaire très au sérieux. Dans le monde, 18 millions de mineurs utilisent du mercure.
Friedel Hütz-Adams, Südwind :
« À long terme, les gens meurent d’intoxication au mercure. Petit à petit, le mercure s’accumule dans le corps, dans les organes comme le foie, peut conduire à des dommages neurologiques et des troubles du mouvement. Ça affecte aussi la peau. Les effets sont insidieux et de plus en plus dangereux. »
Dans la partie ouest du Ghana, il y a d'innombrables mines à ciel ouvert. Ici, comme ailleurs, les travailleurs cassent la roche, jour après jour, morceau par morceau, toujours dans l'espoir de trouver le bon filon.
Selon les estimations des organisations non gouvernementales au Ghana, ils sont un demi-million à travailler dans les mines du pays.
Maryama a 26 ans et attend son troisième enfant. Ça ne l’empêche pas de porter des sacs de 25 kg remplis de débris de roche et de remonter la falaise abrupte. Elle gagne 7 fr. par jour, quel que soit le cours de l’or.
Mais les mines s’épuisent, et quand elles ne donnent plus assez d’or, elles sont abandonnées.
Roland Duss, Directeur de la Recherche, Banque Gonet&Cie, Genève
«La production d’or a atteint son zénith, le filon moyen s’épuise. Au tournant du siècle, on avait en moyenne 2 g d'or par tonne. Aujourd'hui c'est 1.2, et les nouvelles découvertes en sont à 0.5 g.»
Ces mines désaffectées laissent derrière elles des marais, de la terre érodée empoisonnée au mercure. Un paysage de misère, où l’espoir de faire fortune motive encore les plus démunis.
Abu, 14 ans, et son frère Yusuf, 17 ans, lavent le sable à la recherche d’improbables restes de poussière d'or fin :
« Nous sommes malheureux. Notre famille vit à une journée d'ici dans le nord. Nous avons besoin d'argent parce que nos parents n'ont pas assez d’argent pour nourrir les cinq enfants. Mais quand nous aurons trouvé assez d'or, nous rentrerons à la maison. »
Mais le sol n’est pas généreux. Pendant un an, ils n'ont pas vu leur famille. Ils disent qu'ils vivent avec un ami de leur père. Une histoire racontée par de nombreux enfants qui travaillent loin des leurs. Le travail des enfants est officiellement interdit au Ghana.
Un ami de leur père témoigne. Isaac Mensah :
« Ils sont les fils de mon frère. Ce travail est extrêmement difficile. Si les garçons ne travaillaient pas pour moi, je ne pourrais pas survivre. Ils soutiennent ma famille. »
Friedel Hütz-Adams, Südwind: « Il est évident que partout dans le monde, le travail manuel, stupide et mal payé est souvent effectué par les enfants, malheureusement.
Le Ghana n’est pas un cas isolé. L'industrie de l'or est confrontée ici à un gros problème. C’est le lien qu’il y a entre le travail des enfants et la production de produits de luxe. L’industrie doit faire face à ce problème. »
La plus grande mine au Ghana est l'anglo-sud-africaine du géant minier Anglo Gold Ashanti, dans la ville d’Obuasi. Des milliers de mineurs y travaillent. Ils creusent, percent, chargent... Jour et nuit.
La mine produit 19 kg d’or par jour. Mais pour obtenir 19 kg d’or, il faut extraire 6’000 tonnes de roche, qui seront extraites, broyées et finalement mélangées dans de grands réservoirs remplis de cyanure. Par ce procédé, l'or est précipité et récupéré par filtration. Même les plus petites particules sont recueillies.
Mais le prix écologique de ces poussières d’or est un vrai désastre. Le cyanure est hautement toxique. L’environnement est totalement anéanti.
Dans le village de Dumasi, au sud du Ghana, les gens vivent à proximité d'une mine à ciel ouvert. Pour eux, l’exploitation de cette mine est une catastrophe:
Dei Nkumah, habitant de Dumasi
« Cette rivière fait partie de la communauté Dumasi. Comme nos ancêtres l’ont fait, nous avions l’habitude de boire cette eau. Aujourd'hui, elle est empoisonnée. Depuis 2004, le cyanure en provenance de la mine Golden Star Bogoso a tout contaminé. Tout ceux qui ont bu cette eau sont morts. »
La société minière livre alors, à intervalles irréguliers, des réservoirs avec de l'eau potable. Mais cela ne suffit pas.
Dans la capitale du Ghana siège l'association des grandes mines d'or. Joyce Aryee, sa présidente, est un ancien ministre du gouvernement:
« Les grandes mines ne mettent pas de cyanure dans le cycle de l'eau. Cependant, pour aider les communautés qui pourraient éventuellement être touchées par les activités d'une mine, nous essayons d'éviter que les gens consomment du cyanure en leur fournissant l'eau potable. »
La Suisse est une plaque tournante dans le commerce de l'or: environ 40% de l'or extrait dans le monde y est raffiné. Et la question concernant les conditions d’extractions embarrasse :
Roland Duss:« C’est vrai que dans certains pays, on peut tolérer le travail par les enfants, mais on ne peut pas vraiment garantir, cependant, dans la plupart des pays producteurs, il n’y a aucun doute que l’or est propre. »
Parmi les plus grands détaillants de bijoux en Suisse, Thomas Gübelin à Lucerne est plus prudent. Il répond à nos journalistes qui lui demandent si l'or qu’il achète aux raffineries n’est pas le fruit du travail des enfants, s’il est extrait sans cyanure et s’il ne provoque pas de la pollution:
« Je ne peux offrir aucune garantie dans ce sens. »
Malgré la crise économique et les prix élevés de l'or, la demande n'a pas diminué. Roland Duss explique pourquoi l’or est si précieux :  « A ce jour, il y a 166'000 tonnes d’or qui ont été extraites de la Terre, ce qui représente l’équivalent d’une piscine olympique seulement. Et les mines n’ont plus que 8 ans de réserve. »
L'an dernier, la Suisse a importé une quantité record de 2’170 tonnes d'or. En provenance de quel pays ? Et quel pourcentage représente l’or recyclé ? Aucune information officielle n’est accessible.
Il faut donc garder à l’esprit qu’un bijou en or, que vous trouverez peut-être sous le sapin, a de grande chance de contenir de l’or extrait dans des conditions inhumaines, c’est aussi le cas au Pérou, comme l’avaient montré nos collègues de Temps Présent.
Toute l’équipe d’ABE se réjouit de vous retrouver le mardi 12 janvier. Nous nous intéresserons aux émissions de téléachat.
Fascinants, ces objets qu’on essaie de vous vendre à longueur d’année !  Le défroisse-facile ou le caddie avec siège incorporé, par exemple ? Qu’est ce qui marche, qu’est-ce qui ne marche pas ? A Bon Entendeur en  testés plusieurs pour vous. D’ici là Bonnes Fêtes !