Les baies de Goji, le nouveau remède-miracle à la mode ! A en croire les publicités abondamment diffusées sur Internet, ces petites baies rouges constituent une véritable cure de jouvence, elles seraient source d'énergie grâce leur forte teneur en vitamine C et soigneraient tout les maux... ABE a vérifié.
Les goji de M. Feng, les voici. Il les a vendues 4 francs le kilo à la plus grosse usine de production de la région. C'est ici que les baies sont séchées, puis triées soigneusement. Car, depuis que la goji s'exporte, il faut que sa qualité soit irréprochable, comme nous le rappelle Zhu Yanhua, directeur de l'usine de Goji : « Il faut bien éliminer toutes les poussières et les impuretés, il faut que l'aspect extérieur soit joli. Et puis la qualité chimique, le taux de pesticides résiduels doit répondre aux normes des pays dans lesquels nous exportons, c'est indispensable pour vendre à l'étranger. »
Les Etats-Unis avaient ainsi interdit l'importation de goji chinoises à cause des pesticides. Depuis, les producteurs assurent que tout est sous contrôle. Les exportations de cette usine ont doublé en quelques années : sur les 2000 tonnes de goji vendues, près de 600 le sont à l'étranger. Prix au kilo : 8 francs, revendu en Suisse entre 60 et 140 francs.
Et la goji se vend sous bien des formes. Ying Wentong, vendeur, écoule des bonbons : « ça, ce sont des bonbons de goji, ça a pas mal de succès, nous en vendons beaucoup, les enfants les adorent. »
A Zhongning, la goji représente un chiffre d'affaires de plus de 230 millions de francs chaque année. Une manne financière que la région entend bien protéger. En Chine, la goji de Zhongning est désormais une appellation d'origine contrôlée.
Donc, les Chinois estiment que les baies de Goji permettent de garder la forme en vieillissant. Mais qu'en pensent les scientifiques occidentaux ? Olivier Potterat est l'un des rares chercheurs suisses à étudier ces fruits. Selon ce Privat-docent, en Biologie pharmaceutique à l'Université de Bâle: « Il y a un certain nombre d'études préliminaires qui ont été faites in-vitro, ou bien chez l'animal, qui montrent des effets, en particulier des effets anti-oxydants, qui montrent aussi quelques effets sur le système immunitaire. Ces activités sont intéressantes, aussi dans la perspective de la prévention de maladie associée à l'âge. Mais il faut se garder d'extrapoler, à partir de ces données préliminaires, des indications thérapeutiques comme le fait la publicité, en fait. »
Est-ce que d'autres fruits contiennent autant d'anti-oxydants ? Selon Olivier Potterat,
« Il y a beaucoup de fruits qui contiennent des anti-oxydants et il n'y a pas de raison, à l'état des connaissances actuelles, de penser que la goji est meilleure que d'autres fruits plus familiers, que la myrtille ou la pomme. »
Sur internet, certaines publicités affirment que la goji est le fruit le plus riche en vitamine C. Olivier Potterat réfute catégoriquement cette affirmation: « C'est définitivement faux. La goji contient une quantité de vitamine C qui correspond à une orange ou un citron. Il existe des fruits plus riches en vitamine C, comme par exemple l'argousier. »
Ces petites baies sont-elles un traitement révolutionnaire, et méconnu, contre le cancer ? Selon Olivier Potterat aucune preuve scientifique ne permet d'affirmer que la goji peut lutter contre le cancer : « Il n'y a pas d'études qui montrent un effet ni dans la thérapie ni dans la prévention du cancer. Ce qu'on peut dire une fois de plus, c'est qu'il est connu qu'une alimentation riche en fruits a un effet bénéfique sur la prévention des maladies cancéreuses. » Mais les données ne permettent pas de dire que la goji serait supérieure à d'autres fruits, plus familiers.
Pierre Sterckx, médecin, professeur et expert en médecine chinoise est en parfait accord avec Olivier Potterat: « Je n'ai jamais lu, ni vu, dans aucun hôpital de médecine chinoise, utiliser la goji dans une formule pour traiter des tumeurs cancéreuses. C'est une légende. »
Certaines publicités vantent les vertus aphrodisiaques des baies de goji. Vrai ou faux ? Une fois encore, Olivier Potterat ne reconnaît pas cette vertu attribuée à la goji : « C'est clairement du marketing. Ça ne repose sur aucune donnée même préliminaire. Il n'y a aucune évidence qui montre le moindre effet à ce niveau. Ça c'est du pur marketing. »
Pierre Sterckx ne défend pas non plus les possibles effets aphrodisiaques de la goji : « Dans la tradition chinoise, la fertilité a toujours été considérée comme un aspect très important. Vous savez, les empereurs devaient avoir des enfants, donc il leur fallait des successeurs. Donc, il était important qu'ils aient une bonne fertilité. Comme ces empereurs, dès leur plus jeune âge, jouaient avec leurs petites servantes, etc, arrivés à l'âge de procréation, souvent, ils étaient impuissants. Donc, on s'est beaucoup occupé de promouvoir l'impuissance de M. l'empereur. Dans la tradition chinoise, on trouve un nombre de produits énormes qui sont bons pour favoriser la puissance masculine. Mais hélas, on utilisera rarement la goji pour ça. Il y plein d'autres produits bien plus efficaces. »
Et le droit d'entrée n'est pas donné. Christelle Calame et son associée ont dû débourser « 12'000 francs ». A ce prix salé, s'ajoute le coût de la franchise pour payer une marque inconnue en Suisse romande, Viva Figurstudio, soit 2'000 francs par mois.
Reste encore à payer un curieux leasing qui comprend une chaîne stéréo, 10 appareils de fitness, un PC et des meubles luxueux. « Ici, on a ce meuble, plus tous les vestiaires qui sont en fait des meubles IKEA... Au final, tout ce matériel nous est facturé 82'205 francs.»
Mais les deux franchisées ne sont pas au bout de leur surprise. En réalité, elles payeront beaucoup plus, à cause de la TVA et des intérêts qui n'apparaissent pas clairement sur le leasing.
Et à ce prix d'or, la qualité laisse à désirer.
Rapidement, Christelle Calame doit déchanter : « On s'est rendues compte avec le temps que l'on avait beaucoup de frais pour les maintenir. Parce que les coussins oranges se tachent très vite et en plus ils se déchirent... A peine six mois après, on avait déjà des coussins déchirés. Nous avons signalé ces cas par lettre recommandée dès les premiers coussins usés à Viva Figurstudio. Ils nous ont répondu par courrier, nous menaçant de venir rechercher les machines. Puis ils ont dit que c'était comme ça et que l'on devait changer les tissus à nos frais. »
Reste encore des frais inattendus : la publicité. Viva Figurstudio leur facturait la somme rondelette de 1'000 francs par mois. Mais, comme l'a constaté Christelle Calame, ça n'a pas suffit : « En fait, les campagnes pub étaient posées et datées par Viva. Et quasiment ,à chaque campagne publicitaire, on devait remettre de l'argent. On nous demandait de mettre des articles dans certains journaux. On était imposées sur ce que l'on mettait... Nous sommes arrivées la première année à 48'000 francs pour le budget pub, inclus les 12'000 francs à Viva. »
Dans ces conditions, une franchisée qui débute ne doit pas payer 1'000 francs à Viva pour la publicité, mais 4'000 francs par mois.
Si on additionne toutes les factures, une franchisée doit verser à Viva plus de 8'000 francs par mois. Difficile de s'en sortir, car elle doit encore payer le loyer, les assurances et, si possible, se verser un salaire.
Cerise sur le gâteau, le concept Viva prévoyait une exclusivité, basée sur du coaching alimentaire : « C'était des démonstrations de cuisine que l'on faisait une fois par mois, avec des recettes exclusives Viva, que l'on recevait directement de la centrale. Jusqu'à ce qu'une cliente nous montre que ces recettes étaient tirées des livres Betty bossi. Nous avons eu l'impression d'avoir trompé nos clientes. Et d'avoir été trompées, car on ne proposait pas de produits « Viva ».
Christelle et Nancy s'enfoncent dans les dettes, toutes leurs économies y passent. Afin d'éviter la faillite, elles décident de quitter la ruineuse franchise et de travailler à leur propre compte. Près d'une trentaine d'autres franchisées, dont 14 en Suisse romande, leur emboîtent le pas. C'est le début d'un long bras de fer avec Viva.
Mélanie Biellman décide, elle aussi, de tenter sa chance à Bulle. Et là, le ticket d'entrée avait presque doublé : 21'000 francs. Elle nous fait découvrir les lieux, aujourd'hui fermés : « Voici la réception et là la salle de fitness. Les appareils qui se trouvent encore ici, je dois les emporter à Liestal, chez Figurstudio. Je ne sais pas comment. Mais je dois trouver une solution.»
En moins d'un an, elle a fait faillite. Pourtant, elle a respecté les conseils de Viva, à savoir décrocher 15 nouveaux abonnements annuels par mois, soit 15'000 francs de recette. Mais ça n'a pas marché. « En comptant en abonnement, on se dit que c'est facile. Mais finalement on se rend compte que c'est dur. J'ai atteint le but, le quota fixé par Viva. Mais en réalité, 15 nouveaux abonnements par mois, ce n'était pas suffisant. Je n'arrivais pas à payer les factures. »
En quelques mois, Mélanie voit ses dettes s'accumuler. Tout son argent y passe, y compris l'héritage de sa mère. La mort dans l'âme, elle décide de cesser ses activités. La réaction de Viva Figustudio ne s'est pas fait attendre : la société bâloise l'a mise aux poursuites.
Mélanie Bielmann garde une certaine rancœur à l'égard de Viva : « Oui, je leur en veux. Ils ont promis beaucoup de choses, ils ont beaucoup parlé. Mais rien n'est venu. On se donne. De l'autre côté, il n'y a pas le résultat attendu... toutes ces promesses... On pense qu'ils sont là, mais dans cette aventure, on prend tous les risques et eux, n'en prennent aucun. On prend les risques à 100%. »
Nous avons sélectionné une quinzaine de produits à base de goji, jus de fruits, gélules ou baies séchées, vendus en magasin ou sur internet. A notre demande, le service de la consommation et des affaires vétérinaires de Genève a recherché 400 pesticides différents que pourraient contenir ces fruits chinois. Une méthode traditionnelle, mais avec une technologie de pointe résumée par Patrick Edder, chimiste cantonal GE: « On passe sur un appareil beaucoup plus sophistiqué, un chromatographe en phase liquide avec une double spectrométrie de masse, ça nous permet d'identifier les composés de manière sûre et puis de quantifier justement la teneur qu'il y a dans chaque baie de goji. »
En Suisse, les baies de goji ne doivent pas contenir plus de 0,01 milligramme d'acétamipride pour être en règle avec la législation.
Tout d'abord, les bonnes nouvelles : les trois jus de fruits que nous avons testés ne contiennent pas de pesticides. Deux breuvages sont bio, ceux des marques Raab et BioNaturis, c'est donc normal qu'ils n'en contiennent pas. Reste le jus de fruits Rabenhorst qui est aussi sans pesticides.
Sans pesticides
Raab: Jus de Goji Bio
Sans pesticides
BioNaturis: Jus de Goji Bio
Sans pesticides
Rabenhorst: jus de Goji
Sans pesticides
Gélules vendues à la Pharmacie des Eaux-Vives
Sans pesticides
Gélules distribuées en Suisse Romande par BioNaturis
Sans pesticides
Mais consommer des fruits en gélules, est-ce que c'est vraiment utile ?
Pierre Sterckx, médecin, professeur et expert en médecine chinoise
« Ca sert absolument à rien. La seule utilisation qu'on peut avoir en pilules et pas gélules, c'est en médecine chinoise ou on va combiner de la poudre de goji avec 6 ou 10 autres produits médicinaux pour en faire un médicament naturel. Ça a du sens. Mais en dehors de ça, c'est un aliment. Quel intérêt de manger un aliment sous forme de gélules ? »
Mais c'est sous forme de baies séchées que l'on trouve le plus souvent le goji sur le marché suisse.
Nous avons testé 11 échantillons de goji séchées. Et là, les résultats sont catastrophiques. Un seul produit ne contient pas de pesticides. Il s'agit des baies de goji de la gamme Manor Food, produit par Sun-Snack.
Tous les autres dépassent la norme suisse avec le même pesticide, l'acétamipride.
Patrick Edder, chimiste cantonal GE
« C'est un insecticide qui est beaucoup utilisé pour les pucerons. On a un autre produit qu'on retrouve dans ces baies de goji, qui est aussi pour le même type de lutte, donc ils doivent avoir des problèmes dans leurs cultures par rapport aux pucerons et ils utilisent ce type de produit. »
Voici les résultats, par ordre croissant de présence d'acétamipride. Certains échantillons contiennent en plus des traces d'autres pesticides, fongicides ou insecticides, qui additionnés peuvent poser problème du point de vue toxicologique.
Baies de Goji de la gamme Manor Food
Sans pesticides
Avec pesticides
Les Baies de Goji sauvages de la gamme Delicatessa de Globus
Dépassent de 4 fois la norme d'acetamiprid
Les Baies Gojimalaya, vendues sur internet et dans nombreux magasins
Contiennent 9 fois trop d'acetamiprid
Les Baies Tibet Authentic commercialisées sur le web par Mégel Sélection
Contiennent 9 fois trop d'acetamiprid
Les baies de Goji Morga trouvées chez Coop
10 fois trop d'acetamiprid
Les baies de Goji d'Himalaya vendues en vrac chez Lyzamir à Genève
Présence de 14 pesticides différents
Contiennent 11 fois la limite autorisée d'acetamiprid
Les baies de Goji Sun-Snack, affichées bio au Relais de la Nature à Carouge
Présence de 3 pesticides
Contiennent 11 fois la limite d'acetamiprid
Pour du bio, c'est choquant.
Patrick Edder, chimiste cantonal GE
« Ca n'est absolument pas un produit bio, puisqu'on retrouve 3 pesticides différents. Il ressemble étrangement aux autres. Ça c'est clairement une tromperie du consommateur.
- Est-ce que vous pouvez les interdire ?
Tout à fait. Dans ce cas-là, nous, on fait des contestations, on demande à ce que le label bio soit enlevé si le produit n'est pas bio.
-Pouvez-vous mettre des amendes ?
Il peut y avoir des amendes, le cas échéant, oui. »
Les baies de Goji vendues en vrac au marché de la Fusterie à Genève et sur internet
Présences de 4 insecticides et fongicides
Contiennent 11 fois la limite d'acetamiprid
Les baies de Goji sauvages « Hima la vie » achetées à MagBio
Contiennent 13 fois la norme d'acetamiprid
Les baies de Goji Positivegoji trouvées sur internet
Contiennent 13 fois la norme d'acetamiprid
Les baies de Goji vendues par Bircher Blütenprodrodukte sur internet
Dépassent de 17 fois la norme d'acetamiprid