S'il pleut toujours autant, les parapluies bon marché et jetables ont largement supplanté les traditionnels et solides pépins d'antan ! Sur près de 3 millions de parapluies vendus chaque année en Suisse, les 3/4 sont des modèles pliables, pour la plupart produits en Chine et peu coûteux.
Sans oublier la vieille tante
élégante et fantasque venue d'Italie. « Son mât remonte
probablement aux années 1960... ça donne un parapluie très long et
très agréable à porter sur l'épaule.»
Voici encore le sale gosse de la famille; le fameux pliable de
dépannage: « Vous avez quelque chose de très souple, qui résiste
parfaitement au vent.»
Mais, sans conteste, la star de la famille, c'est lui: « Voilà un
parapluie de chez Francesco Maglia à Milan.» Fourchettes doublées
de tissu, rosette au coulissant, mât en noyer... La grande classe.
« Nous sommes très fiers de travailler avec ce genre d'entreprises,
qui sont pratiquement les derniers en Europe à soigner tous les
détails, vérifier l'origine des pièces...»
Alors, pour voir comment se fait un parapluie dans les règles de
l'art, direction Milan, où nous sommes accueillis par Francesco
Maglia, 5e du nom. Dans la famille, on fabrique des parapluies
depuis 1854 !
Et des pépins, on en voit de toutes les formes : «Ici, c'est un
échantillon qu'on a fait pour une vitrine... Un parapluie très
imperméabilisé... trois couches ! »
« Ici, par exemple, c'est un
parapluie bleu et rouge. Alors, j'ai fait la poignée bleue et
rouge.... Ca, c'est Francesco, c'est une idée à nous... Il n'y a
que nous qui faisons des choses comme ça! »
Si les pliables sont le prêt à porter des parapluies, les
créations de Francesco Maglia en sont la haute couture...à l'instar
de cette petite merveille «Un parapluie de 50 cm, avec la poignée
en cerisier...très difficile à trouver. C'est un parapluie de
petite taille, comme celui des grands-mères. Je les vends beaucoup
au Japon, parce qu'ils sont très petits. »
L'art du détail, la qualité de chaque pièce ; c'est la marque de
fabrique de la maison Maglia. Ici, point de stock, chaque parapluie
est fait à la main et selon les désirs du client. Tissus précieux,
regimental, tartan ou jaquard coupés sur mesure ; détails
personnalisés ; poignées en mocassin ou bois précieux ; tout est
possible chez Maglia.
Francesco Maglia nous fait encore découvrir ces mâts faits d'une
seule pièce : « ça c'est une spécialité à nous ; érable,
châtaigner, bambou. Ici, c'est en érable brillant avec de la
corne»
Tous les matériaux sont italiens et européens. Seules les baleines
sont faites sur mesure en Chine, et montées ici à la main. Et ne
parlez surtout pas à Francesco de plastique. « Metallo, metallo.
Chez nous, il n'y a pas de la plastique. Thanks god ! »
Cent modèles sortent
quotidiennement de cet atelier et partent pour le Japon, la Suisse
ou les Etats-Unis, où ils seront vendus de 200 à 300 francs . L'art
du détail ne s'arrête pas à la confection. Chaque parapluie est
repassé, vérifié et emballé avec soin. Et les 6 employés qui
travaillent ici font presque partie de la famille. «J'ai une femme
qui a travaillé 64 années chez nous. Gold médaille ! » se souvient
Francesco Maglia.
Il y avait 120 fabricants de parapluies en Italie. Il ne reste
aujourd'hui que 5 ou 6 familles. Francesco et son frère se battent
pour perpétuer leur savoir-faire : « ce n'est pas facile à cause
des fournisseurs et des prix aussi. Parce que les gens ne vont plus
acheter un parapluie à 100 ou 200 €, lorsque vous avez des
parapluies sur la route à 10-12-15 € ou sur le marché 4 €,
peut-être moins. C'est ça, le problème. »
Giorgio Maglia est plus optimiste : « Si on réussit encore à
trouver des fournisseurs pour faire ce genre de petites pièces,
alors on pourra continuer. Parce que c'est un objet unique. Mon
frère parlait des parapluies chinois. Il y en aura toujours. Mais
celui qui veut une Ferrari s'achète une Ferrari et ça, c'est la
Ferrari des parapluies !! »
Et pour rester compétitif, chez les
Maglia, on trouve sans cesse de nouvelles idées. Francesco Maglia
nous dévoile son parapluie de voyage : « Ca, c'est un parapluie
avec deux vis démontables. On va le mettre dans une valise, en deux
pièces et on peut le ramener dans l'avion ! »
Francesco est un vrai passionné. « C'est toujours l'amour...moi,
mon frère....quand on regarde un parapluie, c'est comme regarder
une jeune fille ! » Et sa passion ne s'arrête pas à la porte de son
atelier. Il a transformé son appartement milanais en véritable
musée : « Je crois que c'est une collection unique. »
Et lorsqu'on demande à Francesco quel est son vœu le plus cher : «
c'est le futur avec un parapluie contre la pluie, contre tous les
problèmes.. Et continuer la tradition du parapluie.»
«Il y a beaucoup de choses qui sont
faites à la machine et d'autres choses qui sont faites encore à la
main. Comme vous voyez, ici on attache la couverture à la monture
toujours à la main.»
Aujourd'hui, le parapluie « swiss made », ce sont des poignées
italiennes, des tissus européens et des montures chinoises.
«On n'a plus le choix, c'est seulement en Chine qu'il y a encore
des productions de monture en métal comme ça. Toute la production
européenne a disparu.»
Près de 10'000 parapluies sont fabriqués ici à Uznach chaque
année. Une production en chute libre. Il y a 15 ans, elle était dix
fois plus importante, allant jusqu'à 100'000 pièces !
« On est les derniers fous à produire des parapluies en Suisse. »
s'exclame Edgar Strotz. « Pourquoi fous ? Parce que ce n'est pas un
business rentable.»
Si peu rentable que les deux frères
ont dû s'adapter, se diversifier et se lancer dans le
pliable.
«Vu que le marché a tellement changé, on importe et on produit des
parapluies en Chine, aussi sous le nom de Strotz. Nous avons une
petite usine en Chine qui est contrôlée par nous. On y achète des
parapluies déjà terminés, comme pièces d'importation.»
Un pliable de qualité fabriqué en Chine coûte à l'entreprise
environs 8 francs, transport compris. En Suisse, ce serait 4 fois
plus cher. Le calcul est vite fait.
«Ca, c'est le parapluie le plus vendu en Suisse, un petit pliable,
qui est plat, léger et qui est produit en Chine. Vous voyez, il y a
beaucoup de pièces détachées là dedans, entre deux et trois cent
pièces. Et c'est très délicat à produire ».
Des parapluies chinois de ce genre, Strotz en importe 600'000 par
année ! C'est devenu la principale activité de l'entreprise. Un
tiers de ces importations sont des parapluies publicitaires, un
créneau porteur pour cette industrie en crise.
« Là, on fait des parapluies longs, des parapluies pliables. Avec
le logo du client selon ses demandes.»
Pour perpétuer la tradition régionale et ce savoir-faire familial,
Edgar Strotz affirme ne pas avoir le choix :
«Les 600'000 parapluies qu'on importe, ça me permet de continuer
de produire des parapluies ici, en Suisse. Sans cela, ça serait
impossible.»
Ironie du sort, le pliable chinois a presque achevé le parapluie
suisse... Mais c'est peut-être aussi lui qui le sauvera !
Erich Baumann répare tout, du
luxueux modèle Hermès au pliable bon marché : «Environ 60% des
parapluies que je répare sont des pliables, des parapluies de
poche. Ici, par exemple, on a un parapluie Athènes 2004 des JO.
C'est sûrement un souvenir de vacances.»
En moyenne une réparation coûte 17 fr. Ici, il y a deux baleines
cassées, ça fera environs 23 fr. pour avoir un parapluie tip top
!»
Certains clients font réparer de vieux parapluies sans aucune
valeur. Peut-être parce que c'est un objet pas tout à fait comme
les autres.
« La plus jolie histoire que j'ai entendue, c'est cette dame qui
m'a amené son vieux parapluie. Elle m'a expliqué qu'elle le
chérissait tout particulièrement parce que c'était sous ce
parapluie qu'elle et son mari, aujourd'hui décédé, s'étaient
embrassés pour la première fois ! »
Réparer les parapluies, c'est un
hobby pour Erich Baumann qui travaille à plein temps dans le
social. Lorsque la météo est capricieuse, jusqu'à 150 parapluies
passent par ses mains expertes en un mois. Cela nécessite des
milliers de pièces de rechange, car aucun modèle n'est identique.
Alors Erich a trouvé la bonne combine :
« Je récupère les parapluies du service des objets trouvés des CFF
à Berne. Ceux que les gens ne sont pas venus récupérer. Je trie ce
qui pourrait nous intéresser. Cette pièce par exemple, c'est une
petit structure qui n'est pas abîmée. Je peux la réutiliser telle
quelle ou piquer certaines pièces en fonction des réparations. Ca
marche comme ça, c'est une forme de recyclage.»
Et parfois, notre passionné tombe sur des parapluies haut de
gamme. « Oh ça, c'est un Burberry original, ça vaut très cher !»
Erich Baumann à l'œil qui frise. Chaque réparation est un nouveau
challenge; un casse-tête amusant...
Le Bernois n'a finalement qu'un seul souhait: « En principe, tout
ce matériel est encore bon à utiliser. Moi, j'aimerais que les
mentalités changent, que les gens arrêtent de jeter leur parapluie
à la poubelle dès qu'il se casse, et qu'ils le fassent plutôt
réparer. Ce serait aussi faire un geste pour l'environnement.»
Nous avons sélectionné 11 parapluies pliables, dont deux automatiques. Leur prix varie de 5 fr. pour les moins chers, à 59 fr. 90 pour les plus onéreux. En cette période de giboulées de mars, de bise et bourrasques, nous avons d'abord voulu voir comment se comportaient ces pliables dans des conditions extrêmes... Et ABE ne recule devant rien. Direction l'aérodrome du Beaujolais, avec Fabrice Rimbault expert en textile.
A ma gauche, un quadriplace de 160 chevaux, à ma droite « Baby », 12'000 heures de vol. Pour simuler les rafales de vent, notre pilote va activer ses hélices. Plus on se rapproche de l'avion, plus le vent est fort. Un anémomètre nous permet de mesurer cette vitesse et de placer des repères au sol. Objectif: observer à quel moment les parapluies se retournent...
Quatre parapluies ont résisté aux bourrasques. Mais l'écrasante majorité a cédé assez vite. Certains se sont tordus, voire pire. Les bourrasques simulées étaient très violentes, difficile d'établir un classement à partir de ce seul essai.
Fabrice Rimbault a donc ramené nos 11 parapluies au CTTN, un institut de recherche textile lyonnais, pour leur faire subir toute une batterie de tests dans des conditions optimales.
Imperméabilité
Première étape: prélever un bout de tissu, au centre et sur les coutures du parapluie.
Une machine à pluie permet de reproduire les conditions d'une grosse averse, en faisant s'écouler un demi-litre d'eau sur le tissu.
«On regarde le temps nécessaire pour qu'il y ait 10 ml d'eau qui traverse le tissu.»
«Les résultats sont bons pour l'ensemble. Seuls deux parapluies ont eu une différence de comportement et sont un peu plus perméables à l'eau », précise Fabrice Rimbault.
Il s'agit des modèles COOP et TSR. Ils n'ont résisté respectivement que 8 et 5 minutes à notre averse.
« On a eu, au bout d'un certain temps, une quantité d'eau qui a traversé le tissu que ce soit au niveau du tissu ou de la couture.»
En revanche, deux parapluies n'ont pas laissé filtrer une seule goutte ! Il s'agit des modèles Strotz et Globus accessoires.
Absorption
Un parapluie détrempé qui sèche mal, c'est plutôt désagréable. Nos spécialistes ont voulu vérifier le degré d'absorption des tissus après cette averse. Pour ce faire, ils ont éliminé les gouttes superficielles, puis pesé le tissu mouillé de chaque parapluie.
Résultat: trois parapluies ont absorbé plus d'eau que les autres et mettront plus de temps à sécher. Il s'agit des modèles COOP, TSR et Maddison de Manor.
Résistance mécanique
Lorsqu'on jette un parapluie c'est souvent parce qu'il est cassé. La mécanique est un point sensible. Nos experts ont donc testé l'ouverture et la fermeture des 11 parapluies. « Pour notre test, on l'a fait 500 fois, pour voir s'il n'y avait pas des ruptures quelconques au niveau du parapluie.» 500 fois, soit l'équivalent de 2 à 3 ans d'utilisation.
Nous avons également simulé une rafale en retournant et repositionnant chaque parapluie. Ces tests techniques se sont avérés déterminants pour notre classement final.
Très bons:
On commence par les deux meilleurs élèves. En tête, le Migros automatique à 19.90
a été jugé très bon.
«Lui, il a résisté à tous les essais, très bon résultat au niveau de l'imperméabilité, au niveau de la mécanique, vraiment très bon comportement.»
Même constat pour le Knirps vendu 59.90 chez Globus, jugé très bon sur tous les plans.
Bons:
Le Migros manuel à 19.90. Son mât télescopique accroche, mais a passé le cap des 500 ouvertures, avec une bonne imperméabilité. Il a été jugé bon par nos experts.
Le Strotz à 59.90. Seul bémol, malgré son prix élevé, le tube télescopique s'est légèrement plié lors du test de retournement.
Acceptables:
Globus accessories à 19.80
H&M à 9.90
Ce dernier a connu des petits problèmes d'imperméabilité aux coutures, mais les baleines ont tenu jusqu'à la 497e ouverture.
Insuffisants:
Coop à 8.45, essentiellement pour ses problèmes d'imperméabilité.
Happy Rain C&A à 29.90
«Il y a une pièce qui a plié dès le départ après quelques ouvertures et au bout d'un moment, la pièce a fini par casser.»
Très insuffisants
Le Maddison de Manor à 29.90.
Malgré son prix relativement élevé, c'est lui qui a absorbé le plus d'eau. Un rivet s'est cassé et il a perdu sa forme lors du test de retournement.
L'Interdiscount à 5 fr. : imperméabilité moyenne, problèmes au retournement et casse après 28 ouvertures seulement:
«Avec ce produit là, il y a eu une rupture de la partie charnière sur la baleine du parapluie. Donc, le parapluie est inutilisable.»
Enfin, bon dernier de notre classement, le parapluie TSR qui était vendu 5 fr. !
Une passoire qui n'a résisté qu'à huit ouvertures sur 500 et qu'on ne parvient rapidement plus ni à déployer, ni à refermer !
Précision importante : le parapluie TSR qui était soit offert comme cadeau d'entreprise soit vendu à 5.- n'est plus disponible !