Wouff, wouff! Bon chien...

Aliments pour chiens et chats : un marketing à grande écuelle !

Le marché des aliments pour animaux domestiques est loin d’être une niche - c’est le cas de le dire. En Suisse, un foyer sur deux possède au moins un animal de compagnie. Et ces carnassiers, il faut bien les nourrir. Mais comment choisir? Que contiennent les boîtes? Les payons-nous trop cher? Enquête.


Les Suisses dépensent chaque année environ 765 millions de francs pour nourrir les chiens et les chats qu’ils hébergent. A titre de comparaison, le budget couches-culottes de ces mêmes Suisses ne dépasse pas 110 millions. C’est 7 fois moins, et ça se voit sur les trottoirs! La comparaison n’a rien d’innocent: dans les deux cas, la publicité tire les mêmes ficelles, le but étant de donner envie d’acheter un produit alimentaire qu’aucun consommateur ne mangera, même sous la torture. Ainsi, depuis 10 ans, l’émission Culture Pub, diffusée sur la chaîne française M6, observe les efforts des publicitaires pour transformer en objet du désir n’importe quel produit, même la pâtée pour chat. "A mon sens, c’est une publicité qui est en permanence dans un système paradoxal. C’est-à-dire que plus elle se sophistique, plus il y a de produits sur le marché; et plus il y a de segmentation, plus il y a de volonté, pour les marques, de se différencier les unes des autres. Plus on va vers des comportements irrationnels et plus les marques vont chercher à valoriser le propriétaire ou le maître de l’animal, plutôt que de s’attarder sur la problématique de l’animal lui-même", relève le rédacteur en chef de l'émission Vladimir Donn. Autrement dit, si le produit plaît au propriétaire, il plaira à l'animal.


"Rapport hyper-privilégié"



Au départ, les chats et les chiens mangeaient des restes. Il fallait donc convaincre les maîtres que la porte du progrès nutritionnel se franchissait avec un ouvre-boîte. La pâtée était à l’animal un peu ce que le shampoing est au cheveux: une promesse de santé, de vigueur, de longévité et de beauté. "Un chat en forme est un beau chat. Un des signes les plus visibles de sa bonne condition physique est la beauté de son poil", suggère ce spot pour Kitekat au début des années 80. Côté canins, les publicitaires vont nous faire découvrir tous les spécialistes de la diététique animale, à savoir les éleveurs: "depuis 10 ans, j’élève avec succès le montagne des Pyrénées. Même Roxane, notre superstar, adore Pal", affirme avec conviction "J.P. Devaud – Le Sentier (VD)" dans cet autre spot de 1985.




Le problème, c’est qu’une pâtée ressemblera toujours à une pâtée. Alors, la pub a finalement compris que pour vendre le plaisir du toutou ou du minou, il fallait d’abord faire plaisir au maître: "on estime que pour valoriser un maître qui est sportif, on va lui montrer une image de chien sportif – parce qu’on estimera que son chien sera probablement sportif lui aussi. On va donc lui donner des aliments dont l’argumentaire sera plutôt structuré autour de la santé, la vigueur, le bien-être. On peut, à l’opposé, mettre en scène un comportement très urbain, très cocooning. C’est ce qu’on retrouvera évidemment plus facilement avec les chats, ou avec les chiens d’appartement. On aura, par exemple, une femme de trente ans, dans un univers bourgeois, qui entretiendra un rapport hyper-privilégié avec un animal. Qu'est-ce que cela signifie? Qu’il n'y aura pas d’homme, ni d’enfant. C'est vraiment un rapport duel, quasi amoureux, de cette femme avec son chat ou avec son chien d’appartement. On va donc pousser au paroxysme ce rapport privilégié. Pourquoi? Pour que les gens, en voyant cela, s’imaginent que s'ils achètent Sheba, Cesar, etc. – généralement des marques haut de gamme – ils s’identifieront à ce rapport hyper-privilégié avec l’animal", commente Vladimir Donn.




Et pour le rédacteur en chef de Culture Pub, il y a des détails qui ne trompent pas: "le summum, dans tous cela, c’est toujours le brin de persil posé sur la pâtée. C’est complètement aberrant! Je n'ai jamais vu un chat ou un chien manger un brin de persil. On est vraiment dans l’aberration la plus totale. Mais c’est parfait, ça valorise: on a l’impression qu’en mettant un brin de persil, on traite son animal comme son propre enfant. En montrant ce rapport-là, en le poussant à bout, on amène les gens à être totalement valorisés dans leur rapport à l’animal et, donc, à se reporter sur les produits haut de gamme".




Ces produits, comme on ne les goûte, en principe, pas soi-même et que les animaux ne peuvent pas nous faire part de leurs remarques culinaires, on ne peut les choisir que sur un seul critère: ce que la publicité veut bien nous en dire. Et apparemment, moins on nous en dit, mieux ça se vend, puisque, dans les publicités les plus récentes, on ne montre même plus le produit: tout est dans la suggestion. Bref, on est passé du nutritionnel au relationnel. Mais que contient réellement la barquette ?


Appâter l'animal... et le maître



La réputation du Liechtenstein tient plus à ses boîtes aux lettres qu’à ses barquettes de pâtée pour animaux. Pourtant, la principauté est la patrie d’Ospelt, l’un des principaux fabricants européens. L’entreprise exporte ses produits dans le monde entier, sous différentes marques. En Suisse, elle est le principal fournisseur de Migros. Chaque jour, l’usine produit en moyenne 100 tonnes de nourriture destinée aux chats et aux chiens, principalement sous forme de barquettes. "Le plus important est d’employer des matières premières de qualité. En outre, nous avons des procédures très strictes et des recettes minutieuses. La composition de l'aliment est essentielle pour l’appétence de l’animal, pour que l’animal le mange volontiers et, par dessus tout, chaque jour durant des années", souligne Alexander Ospelt, directeur générale du groupe Ospelt. Trouver des recettes dont le consommateur ne se lasse pas, c’est finalement le credo de n’importe quel fabricant d’alimentation industrielle, quel que soit le destinataire des produits. La principale différence entre l’animal et nous serait d’ordre gastronomique. Nous n’avons pas tout à fait les mêmes goûts que nos carnassiers domestiques.




La matière première est principalement constituée des bas morceaux que le circuit de l’alimentation humaine délaisse. En Suisse, la loi est très stricte: ces morceaux ne peuvent provenir que d’animaux sains et propres à la consommation. Toute la difficulté de la recette consiste à trouver le dosage exact entre le foie, les poumons, l’estomac ou encore la tétine de vache. Dans la préparation, le fabricant ajoutera ensuite des vitamines, des sels minéraux et un gélifiant, pour que le produit final se démoule facilement.




Chiens et chats sont particulièrement sensibles aux odeurs. La moindre modification dans la recette peut provoquer un rejet chez l’animal. Toute la science des fabricants consiste donc à trouver le parfum qui les attirera, sans provoquer un accès de nausée chez le maître à chaque fois qu’il ouvrira la barquette. Par contre, pour séduire les maîtres, les fabricants doivent proposer constamment des nouveaux produits. "Nous changeons les recettes environ tous les 1-2 ans", explique Alexander Ospelt. "Mais ce n'est pas un changement complet de recette: ces changements sont essentiellement cosmétiques. Pour l’acheteur de la nourriture pour animaux, il est important que ce ne soit pas toujours la même odeur quand il ouvre les produits".




Plus que l’odeur, ce qui compte avant tout, ce sont les modifications de l’emballage. Même si le contenu des barquettes évolue peu, la présentation doit suivre de près les tendances de l’alimentation humaine. Car nous achetons des produits qui ressemblent à ce que nous mangeons. Pour le reste, il nous est difficile de juger de la recette, à moins bien sûr d’y goûter. "Je peux vous garantir à 100% qu’il n’y a aucun problème pour manger ce produit.




Il faut savoir que toutes les matières que nous utilisons étaient vendues autrefois par le boucher, et que ce sont simplement les habitudes alimentaires qui ont changé. On utilise maintenant ces matières de haute qualité pour les animaux. Naturellement, ça manque un peu de sel et d’épices. C’est de la charcuterie pour les animaux et, ici, on doit les déguster en cours de fabrication. Ce sont des produits de première qualité", assure M. Ospelt. Qui, pour nous en convaincre, n'hésite d'ailleurs pas à goûter lui-même ses produits...


Varier les menus ?



Une chose est sûre: les aliments pour chiens et chats doivent être comestibles pour l’homme aussi. D’ailleurs, la pâtée pour animaux tombe même sous le coup de l’Ordonnance fédérale sur les denrées alimentaires – au même titre que le cervelas ou la pizza surgelée, par exemple. De plus, le marché des aliments pour animaux est impitoyable: les fabricants savent bien que les maîtres sont parfois plus soucieux de ce qu’ils donnent à leur compagnon, que de ce qu’ils mangent eux-mêmes. Au moindre signe d’indisposition de leur protégé, ils changent de marque. En principe, donc, ces aliments sont irréprochables sur le plan sanitaire. Mais correspondent-ils pour autant aux besoins de l’animal? Et y a-t-il des différences entre les produits secs vendus sous forme de croquettes et les produits humides – comme les boîtes ou les barquettes? Enfin, y a-t-il des marques moins bonnes que d’autres? "Tous les aliments présents sur le marché sont satisfaisants par rapport aux exigences des chiens et des chats. On ne conçoit pas aujourd’hui que l'on puisse commercialiser un aliment qui ne serait pas satisfaisant, qui ne correspondrait pas aux standards" répond le Pr. Bernard Paragon, responsable de l’Unité de nutrition à l’Ecole vétérinaire d’Alfort, non loin de Paris.




"On peut nourrir toute sa vie un chien ou un chat avec des croquettes ou avec des aliments humides. Il restera en parfaite santé", poursuit-il. "Les fabrications des industriels s’adressent au plus grand nombre des animaux. Mais vous trouverez forcément des animaux qui se trouvent aux extrêmes de la courbe de Gauss et qui, ayant des exigences ou des sensibilités particulières, présenteront un certain nombre d’inconvénients à la consommation de ce type d’aliments. Mais il s’agit d’un marché tout à fait particulier, qui concerne des animaux plus fragiles, plus vulnérables. Car l’essentiel de la population des animaux de compagnie se satisfait très bien des aliments qui se trouvent sur le circuit commercial".




La nourriture industrielle couvre donc parfaitement les besoins nutritionnels de nos fauves domestiques. Mais qu’en est-il de leur goût? En d’autres termes, on-t-il besoin de varier leur menu quotidien? "La diversité des goûts n’est pas quelque chose d’essentiel pour le chien ou le chat, mais c’est vrai que la cohabitation avec les propriétaires et l’incitation à prendre des repas ayant des goûts différents a fait se développer une recherche de goûts différenciés chez le chat et chez le chien. Et on constate effectivement que certains chats, quelquefois, se mettent à bouder une boîte pour aller vers une autre, ou bouder une croquette pour une autre. Pourtant, il a été démontré, et dans les stations expérimentales, et dans les laboratoires, qu’un animal peut consommer pendant toute sa vie la même croquette parfaitement équilibrée, sans avoir le moindre problème particulier, ni existentiel, ni nutritionnel. En fait, cette variété des goûts s’adresse plus au propriétaire: elle le soulage sensiblement de la culpabilité qu’il a d’acheter des aliments tout prêts au lieu de préparer lui-même les régimes de ses animaux", relève le Pr. Paragon.


Anthropomorphisme



On n'a pas l’habitude de tresser des couronnes à l’industrie agroalimentaire, mais pour une fois, il faut admettre que les produits pour animaux sont bien conçus. Les industriels ont même poussé le soucis du détail jusqu’à concevoir de la nourriture qui contrôle la consistance des déjections! La composition est étudiée exprès pour que le chien fasse des crottes suffisamment solides pour être aisément ramassées par le maîtres bien élevé, mais sans constiper la bête. De la haute technologie alimentaire! On attend avec impatience le régime sans crottes.




Le corollaire de tout cela, c’est que toutes les marques se valent du point de vue des besoins nutritionnels de l’animal, et que ce constat vaut autant pour les produits secs et que les produits humides. Vu sous cet angle, il devient en revanche intéressant de comparer les prix. Et l'exercice montre que les aliments secs (croquettes) sont bien plus avantageux que les aliments humides. Alors comment expliquer que les maîtres ne se soient pas tout simplement complètement détournés des produits humides? "Dans un produit humide, vous avez déjà tout un coût de logistique: il y a une boîte, il y a un produit qui est lourd à transporter, qui est encombrant. Et c’est sûr que cela augmente le prix. On transporte de l’eau, en fin de compte", explique Stefan Frei, directeur de Qualipet pour la Suisse romande. Cela étant, du point de vue nutritionnel, l’animal, lui, ne mange pas la logistique. Alors, vaut-il la peine de payer ces produits plus chers? "A mon avis, pas forcément", répond M. Frei. "Comme un produit sec est tout aussi équilibré, même plus équilibré qu’un produit humide, il est beaucoup plus pratique de donner à son animal du sec et d’ouvrir le robinet à la maison, plutôt que de transporter l’eau depuis le magasin. Ca, c’est sûr. Et si nous vendons quand même ces produits, c'est parce que la plupart des consommateurs ont l’habitude de donner des produits humides. Mais quand ils viennent nous demander conseil, on peut alors leur expliquer la différence qu’il y a entre les deux et, la plupart du temps, ils repartent avec des produits secs".




Choisir une nourriture pour chien parce qu’elle ressemble à ce qu’on mange, c’est ce qu’on appelle de l’anthropomorphisme. Et comme les croquettes, ça fait un peu régime pain sec et eau, la nourriture humide continue à avoir du succès. Et ce ne sont pas les industriels qui vont se priver de vendre très cher l’illusion de plaire à l’animal! Mais, on le répète, les croquettes, c’est tout aussi bien pour l’animal, à condition de ne pas oublier de lui donner de l’eau – d’autant plus que la diversité alimentaire et la gastronomie ne font absolument pas partie des choses qu’il peut apprécier. Ainsi, dans la nature, un chat mange, par exemple, une dizaine de souris par jour. Ce sont toujours les mêmes souris, elles ont probablement toujours le même goût et il ne s’en lasse pourtant jamais. Contrairement à certains d’entre nous, les chiens et les chats ne connaissent pas les plaisirs de la table. Ce qui fait leur bien-être se trouve ailleurs.


Une vie de chien



"Quitte à être provocateur, je serais tenté de dire que nos chiens et nos chats sont, en moyenne, beaucoup mieux alimentés que ne le sont nos concitoyens", observe le Pr. Paragon. "En effet, la dérive alimentaire chez un chien ou un chat, alimenté avec des boîtes ou des croquettes, est impossible: les aliments sont parfaitement équilibrés, tous les éléments nutritionnels dont il a besoin se retrouvent dans la croquette ou dans la boîte". Ce qui ne signifie pas que les animaux soient toujours à l’abri de problèmes alimentaires. Mais ces problèmes sont souvent le révélateur d’un mal plus profond. Car la cohabitation entre un maître et son animal peut parfois être difficile. Cela a même donné naissance à un métier: comportementaliste pour chien. Karine Spreng l'exerce dans toute la Suisse romande sous l'enseigne d'Educanis. On l’appelle quand un chien devient agressif, sale, sujet à des crises de panique ou encore anorexique. "Souvent, mes clients ne voient que la pointe de l’iceberg, c’est-à-dire le problème le plus évident", explique-t-elle. "Par exemple, un chien qui ne revient pas au rappel. Mais ils ne voient pas tout ce qui y est lié, les fondements, en fait, de ce problème. Les maîtres ne savent pas forcément qu’il faut une hiérarchie claire entre leur animal et eux. Les gens ont tendance à penser que leurs chiens ne sont que des compagnons et, à ce titre-là, ils ne perçoivent pas qu’il y a un problème de dominants-dominés. Or, il faut qu’il y en ait un des deux qui ait les commandes, et si possible le maître, pour que tout se passe bien".




Ce que Karine Spreng doit souvent expliquer à ses clients, c'est qu'il ne faut pas confondre nos exigences de liberté avec les besoins de l’animal. "Ce qui fait le bonheur d’un chien", ajoute-t-elle, "c’est d’être avec son maître: de ne pas être seul pendant de longues heures – pendant 8 heures par jour, par exemple – d’être suffisamment baladé en forêt, en campagne, dans des lieux extérieurs, pleins d’odeurs variées, pleins de stimulations olfactives, pendant environ une à deux heures par jour et sans laisse". Alors, maintenant que vous savez que ce qui fait le bonheur d’un animal n’est pas forcément compatible avec ce qui fait le bonheur d’un industriel, il ne vous reste qu’à sortir le chien, ou sortir les croquettes pour le chat...ou les deux !


Palmarès des prix



Pour établir ce palmarès, nous avons calculé le coût mensuel d'un chien de 10 kg et d'un chat de 4 kg sur la base des doses recommandées par les fabricants. On a donc dû écarter les marques qui ne donnaient pas d'indications sur les emballages. Les produits sont classés du meilleur marché au plus cher.


Aliments pour chiens et chats : un marketing à grande écuelle !


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Au vu de ces résultats, pas besoin d'avoir fait un doctorat en mathématique pour comprendre que les produits secs – sous forme de croquettes - sont bien plus économiques que leur équivalent humide.