Après les antibiotiques, les polluants comme les PCB, ABE a découvert un agent conservateur douteux utilisé dans la nourriture des animaux. Les échantillons de saumon testés étaient contaminés et les risques pour la santé ne sont pas évalués. Et quel est l’avenir des e-book ? Pourquoi le marché du livre numérique a-t-il tant de peine à démarrer dans nos pays francophones? ABE a tenté d'y voir plus clair.
Une discrète révolution historique est à l’œuvre dans le monde du silence. Cette année, selon les estimations, l’aquaculture devrait supplanter la pêche traditionnelle dans nos assiettes et cette tendance risque encore de se renforcer ces prochaines années. Le poisson deviendra de plus en plus un animal d’élevage, comme le cochon, le bœuf et le poulet.
Et l’aquaculture n’est pas très différente des élevages traditionnels terrestres. Elle utilise souvent des produits de synthèse: comme des colorants, des additifs ou des médicaments vétérinaires, elle peut être polluante et elle risque elle-même une contamination par des polluants présents dans la nourriture des animaux.  Tout cela A Bon Entendeur l’a déjà montré par le passé.
Mais il y a des jours dans la vie d’un enquêteur où les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu. C’est la délicieuse incertitude de la consommation moderne, on retrouve toujours de nouvelles substances dans nos assiettes.
Patrick Edder, chimiste cantonal à Genève ne cache pas sa surprise : « On ne s’attendait pas à retrouver de telle substance, puisque notre recherche initiale concernait des pesticides pour des traitements contre le poux de mer. Et c’est par hasard que l’on est tombé sur cette substance. Donc on a du rechercher la pertinence de retrouver cette substance dans le saumon. Et après quelques recherches on a vu que c’était un additif antioxydant pour l’alimentation des poissons. »
Cette substance s’appelle l’Ethoxyquine. Le Service du Chimiste cantonal genevois l’a retrouvée dans les 18 échantillons de saumon d’élevage frais et fumés achetés en Suisse Romande, que nous lui avions confié. Vous avez bien entendu, il y en avait dans tous les saumons.
Comme d’habitude, les échantillons ont d’abord été broyés et homogénéisés pour garantir la fiabilité des résultats, on y ajouté ensuite un solvant pour isoler les molécules recherchées, puis une poudre pour sécher et purifier l’échantillon. Le tout est mélangé et centrifugé puis injecté dans une petite fiole.
Ensuite, départ pour le chromatographe, couplé à un spectromètre de masse, un appareillage capable de repérer virtuellement une aiguille dans une botte de foin, dans notre cas, un produit chimique dans un filet de poisson.
Et là, surprise …
Didier Ortelli : « Il y a une molécule que l’on a retrouvé spécifiquement qui était l’Ethoxyquine. A partir des tous ces pics, nous avons pu isoler la molécule d’Ethoxyquine. C’est la première fois qu’on le retrouve car ce n’était pas quelque chose que l’on cherchait spécifiquement avant. On faisait plus de recherche sur les médicaments vétérinaires qui sont utilisés en aquaculture. Et cette problématique des pesticides est relativement nouvelle pour nous dans les denrées animales.»
Résumons-nous, l’Ethoxyquine est à la fois un pesticide et un antioxydant. Elle a été synthétisée dans les années 50 par la firme américaine Monsanto. Employée pour le traitement des fruits, notamment contre le brunissement des poires, on la trouve parfois aussi comme conservateur dans certaines épices. Elle est surtout très utilisée comme anti-oxydant dans la nourriture pour animaux.
C’est donc une substance bien connue, mais dont la toxicité n’a curieusement pas été complètement évaluée, comme nous le confie Patrick Edder. « On n’a pas de certitude sur la toxicologie de ce produit et d’ailleurs le dernier rapport de l’autorité européenne de sécurité alimentaire montre bien que l’on ne peut pas conclure si le produit est dangereux ou s’il ne l’est pas car il nous manque les trois quarts des études toxicologiques. Alors après c’est une question de principe de précaution : Est-ce que l’on prend des mesures immédiates pour interdire cette substance; ou est-ce que l’on attend tranquillement qu’on ait une évaluation pour prendre une série de mesures. Apparemment, l’EFSA a plutôt choisi cette dernière solution. »
En jetant un coup d’œil sur les législations suisses et européennes, on trouve tout de même une valeur-limite pour les résidus dans les viandes, mais seulement pour les animaux terrestres. En gros, en Suisse et en Europe, on a une norme pour les kangourous et les serpents, mais pas pour les saumons.
Nous avons demandé par écrit à l’Office fédéral de la Santé publique ce qu’il pensait de nos résultats, et, voici sa réponse :
«   Les valeurs trouvées ne représentent pas de risque pour la santé. Même les personnes avec une consommation excessive de saumon ne risquent pas de dépasser la limite acceptable journalière. »
Patrick Edder : « A mon sens et sans vouloir répondre à la place de l’OFSP, avec les données qu’ils avaient à leur disposition, il n’y avait pas de danger prouvé et avéré. Donc sur cette base là, ils vous ont répondu qu’il n’y avait pas de danger. A mon avis c'est un peu court. Car la vérité c’est que l’EFSA dit ne rien pouvoir dire… Et les normes existantes se basent sur des normes  de toxicologie anciennes.»
En plus, il y a un détail plus inquiétant dans notre analyse, ce petit pic à droite de l’écran. Le laboratoire a pu déterminer que ce pic était également la signature d’un stockage d’Ethoxyquine dans le corps du poisson, mais sous une forme transformée, on dit métabolisée. Dans ce cas, deux molécules se sont liées entre elles pour n’en former plus qu’une, un métabolite que l’on appelle un dimère.
Dider Ortelli, chimiste cantonal délégué à Genève : «Dans la plupart des cas on avait que des petites quantités d’Ethoxyquine, par contre le dimère était lui en beaucoup plus grande proportion. »
Luc Mariot, journaliste à ABE: « Donc  ça reste dans le poisson ? »
Didier Ortelli : « ça reste dans le poisson ! »
Et évidemment, ce métabolite, ce di-mère, n’est pas cité dans la législation actuelle, ce que regrette Patrick Edder : «Il y a  beaucoup de voix qui s’élèvent à l’heure actuelle pour dire que l’on doit tenir compte des métabolites. Et là, en l’occurrence, le métabolite c’est juste le double de la molécule, l’une sur l’autre.  On doit en tenir compte. Et très certainement, la prochaine norme si norme il y a, prendra en compte la somme de la molécule mère et du métabolite. »
Ainsi, l’Ethoxyquine est un conservateur chimique que l’on ajoute à la farine destinée à l’alimentation des poissons d’élevage. Le problème, c’est qu’il en reste des résidus dans la chair du saumon d’élevage, et dans des quantités non négligeables.
Test Saumon : la chair est triste 
Pour ces résultats, sur les conseils du chimiste cantonal genevois, nous avons additionné les quantités retrouvées d’Ethoxyquine avec les résidus de son métabolite, le fameux dimère.
On commence par le saumon d’origine Norvégienne, la provenance en moyenne la moins contaminée en Ethoxyquine de nos échantillons.
Celui qui en contient le moins, c’est le saumon fumé salé de chez Lidl, 79 microgrammes par kilo d’Ethoxyquine et de son métabolite.
Ensuite,  la darne de saumon frais norvégienne de la Migros, avec 95 microgrammes par kilo.
Un peu plus d’Ethoxyquine, pour le saumon fumé de chez Denner, 108 microgrammes par kilo.
Le saumon fumé de la Coop, 110 microgrammes par kilo.
Le saumon frais norvégien de chez Aligro, 112 microgrammes par kilo.
Les filets surgelés de chez Lidl, 132 microgrammes par kilo.
Les filets surgelés de chez Aldi, 158 microgrammes par kilo.
Le suprême de saumon surgelé acheté à la Migros, 161 microgrammes par kilo.
Les filets de saumon frais de la Coop, toujours en provenance de Norvège, avec 193 microgrammes par kilo.
Et, les plus chargés en Ethoxyquine de nos échantillons norvégiens, ce sont les filets de saumons vendus chez Casino, ils contiennent 194 microgrammes par kilo.
On continue avec un saumon bio d’Irlande vendu à la Coop, il renferme tout de même 242 microgrammes par kilo d’Ethoxyquine et de son dimère, nous en reparlerons plus loin dans l’émission.
Partons maintenant en Ecosse,  à la rencontre d’un  autre saumon fumé bio mais vendu à la Migros, il contient, lui,  142 microgrammes par kilo.
Ensuite, un saumon fumé écossais de la Coop, 147 microgrammes par kilo.
Un cœur de saumon fumé de chez Manor, 194 microgrammes par kilo.
Un saumon fumé vendu chez Aligro, qui  contient 257 microgrammes par kilo.
Encore plus chargé, un filet de saumon « Label Rouge » de chez Globus, 436 microgrammes par kilo
le plus contaminé de nos 18 échantillons,  c’est un filet frais trouvé chez Manor, qui renferme 499 microgrammes par kilo.
Et pour finir, presque aussi chargé, mais le plus cher du test et provenant de l’autre côté du monde, un saumon fumé Néo-Zélandais vendu chez Migros, qui contient dans sa chair 456 microgrammes par kilo d’Ethoxyquine et de son dimère.
499 microgrammes par kilo d’Ethoxyquine, pour le saumon le plus chargé. Que risque-t-on ? En l’état actuel des recherches, force est de constater que l’on ne sait pas grand chose de la toxicité à long terme de l’Ethoxyquine. Donc on ne peut pas affirmer que les saumons d’élevage présentent un risque immédiat pour notre santé. Reste qu’on utilise cette substance de synthèse pour une raison tout à fait incroyable, alors qu’on pourrait faire autrement.
Nous sommes non loin de Bergen, en Norvège.  Bergen, ses fjords, ses fermes aquacoles et ses saumons domestiques. Assez logiquement, on trouve aussi ici le NIFES, l’Institut national de la nutrition et de la recherche sur les produits de la mer, l’endroit idéal pour en apprendre plus sur l’Ethoxyquine. Cela fait quelques années que l’on s’en préoccupe ici, on a même mis au point une méthode de détection de la substance et de ses métabolites. Nous rencontrons ici Anne-Katrine Lundebye Haldorsen, directrice des recherches sur la sécurité alimentaire qui nous explique la présence d’Ethoxyquine dans l’alimentation des poissons d’élevage : «L’Ethoxyquine est un anti-oxydant de synthèse, il est  ajouté à la farine de poisson pour prévenir de possibles explosions ».
Voilà le fin mot de l’histoire. La farine de poisson et l’huile de poisson qui entrent dans la composition de la nourriture des saumons d’élevage, proviennent en bonne partie de la pêche minotière d’Amérique du Sud, et elles sont livrées par cargo aux fabricants de croquettes du Nord. Mais ce long voyage comporte un risque: l’auto-combustion par oxydation. On asperge donc la matière première d’antioxydants.
Et Anne-Katrine Lundebye Haldorsen de rappeler que : « L’Organisation Maritime Internationale a approuvé seulement deux antioxydants synthétiques: l’Ethoxyquine., qui est le plus efficace, mais aussi le BHT.»
Anne-Katrine Lundebye Haldorsen est aussi experte auprès de l’EFSA, l’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire, nous lui avons montré nos résultats: «  Ces résultats que vous m’avez montré correspondent en moyenne à ce que nous trouvons, nous trouvons même plus que cela, mais c’est dans la moyenne. Nous en avons trouvé aussi dans d’autres poissons d’élevage, comme la truite arc-en-ciel ou le cabillaud et le flétan de l’Atlantique ».
L’après-midi de notre rencontre, Anne-Katrine partait justement à l’EFSA en Italie pour discuter de la réévaluation du risque de certains additifs alimentaires comme l’Ethoxyquine : «  A l’époque, il y avait eu homologation sans les documents requis pour établir par exemple une limite maximale autorisée des résidus dans les poissons. Il y a maintenant un vrai processus d’autorisation de tous les additifs alimentaires dans l’Union Européenne et la commission a demandé à l’EFSA  d’évaluer le risque de ces additifs. Il nous faut considérer ce à quoi nous sommes exposés à la lumière de la dose journalière maximum acceptable, qui représente ce que l’on peut consommer sans risques tous les jours de notre vie. »
Les spécialistes de l’Institut norvégien n’ont pas retrouvé que de l’Ethoxyquine et ses métabolites dans leurs échantillons de poissons, mais aussi des quantités assez importantes de BHT, l’autre antioxydant ajouté, lui, à l’huile de poisson.
A 21 kilomètres de là, sur une charmante petite île comme la Norvège sait nous en montrer, nous rencontrons Victoria Bohne, une ancienne chercheuse de l’Institut qui avait mis au point une méthode de détection de l’Ethoxyquine et de ses métabolites en 2007. Elle nous explique pourquoi personne ne s’était préoccupé de cette substance avant : « Une étude réalisée en 1977 n’avait pas trouvé les métabolites et montrait que l’Ethoxyquine s’éliminait naturellement du muscle du poisson et restait en faible concentration dans le foie et donc il en a été conclu que ce produit était excrété de la chair du poisson. En fait, on ne doit pas chercher l’Ethoxyquine dans le saumon, mais d’abord ses métabolites, de la même manière que l’on ne retrouve pas la banane elle-même dans nos excréments lorsque l’on a mangé une banane. »
Aujourd’hui, Victoria Bohne recherche une alternative à l’Ethoxyquine. Elle ne nous en dira pas plus, mais d’après elle ce n’est pas gagné du côté de l’industrie : « Les alternatives possibles viendront de sources naturelles, je pense, mais quand vous rencontrez des industriels pour récolter des fonds, leurs premières questions, c’est y’en aura-t-il assez et quel en sera le prix ? Et de ce seul point de vue, l’Ethoxyquine sortira peut-être encore gagnante. »
Mais Victoria Bohne n’est pas la seule à imaginer de remplacer les produits chimiques utilisés dans l’élevage du saumon par des produits naturels.
Sur la côte ouest de l’Irlande, Stefan Kraan, un biologiste marin, tente de tirer parti des propriétés étonnantes des algues: nutrititives, antiparasitaires, protectrices et bien d’autres. « L’Irlande est très riche en algues, nous avons plus de 600 espèces et nous ne connaissons que la pointe de l’iceberg au niveau de leur utilisation possible. Nous avons beaucoup d’espèces d’algues brunes, comme le kelp par exemple, qui contiennent des sucres, des polysaccharides. Ce sont aussi de puissants antioxydants qui peuvent nous aider à remplacer les produits chimiques ajoutés à la nourriture des poissons et qui finissent dans votre assiette. »
Une chose qui irrite profondément Stefan Kraan, c’est que même dans la nourriture des saumons d’élevage bio, par exemple, on retrouve des produits de synthèse : « Ils finissent dans le saumon et dans votre assiette et vous les mangez. Les gens ne s’en rendent pas vraiment compte. Ils pensent « du saumon bio, ça doit être ok », mais ce n’est pas forcément le cas. »
L’année dernière, non loin de là, nous avions filmé pour A Bon Entendeur une ferme à saumons bio irlandaise, en insistant sur le fait que la production de saumon bio était plus respectueuse de l’environnement et des animaux que la production conventionnelle, mais qu’elle n’était évidemment pas parfaite.
Et effectivement, nous avons retrouvé cette année dans nos résultats 242 microgrammes par kg d’Ethoxyquine et de dimère d’Ethoxyquine dans un saumon bio provenant du même groupe de producteurs que celle-ci.
Nous sommes allés demander à ces fermiers de la mer ce qu’ils pensaient de nos analyses. Eugene Casey, éleveur Mannin Bay Co. Admet que ses poissons peuvent contenir de l’Ethoxyquine : « Nous sommes obligés d’utiliser une petite quantité de farine de poisson sud-américaine au début de la vie de nos poissons pour des raisons de santé et à cause de cela, je pense qu’il reste des petites quantités d’Ethoxyquine dans le saumon à la fin de leur cycle de croissance. »
Et les certificateurs  bio  acceptent l’utilisation de l’Ethoxyquine ?
« Nous en avons discuté avec eux, ils préféreraient que nous n’en utilisions pas, mais ils ont reconnu qu’il était essentiel que nous donnions un peu de farine de poisson sud-américaine à nos saumons.  Ils ont donc accepté un peu d’Ethoxyquine. »
Quid de l’utilisation de produits à base d’algues comme compléments à la nourriture des poissons ?
Selon Eugene Casey, un changement dans cette direction est possible : « Je suis sûr que c’est possible, mais cela doit d’abord passer par les entreprises qui fabriquent la nourriture pour poissons. C’est à eux d’incorporer les mélanges à base d’algue pour que nous puissions les donner aux poissons. »
Nous sommes dans l’entrepôt de l’entreprise fondée par Stefan Kraan, notre spécialiste des algues. Ici, on mélange jusqu’à 8 algues différentes pour réaliser des compléments alimentaires ou des additifs naturels pour l’aquaculture. Cette technologie est déjà en production dans quelques fermes à saumon canadiennes, mais elle peine pour l’instant à se faire accepter par les grands fabricants de nourriture pour animaux.
Colin Mair, directeur technique Ocean Harvest Technology explique que tout ajout de substance dans les produits alimentaire occasionne de nombreuses difficultés : « Bien sûr, il vous faut passer par tout un processus de négociations commerciales. Et c’est tout à fait normal. Et vous devez aussi prouver qu’il n’y a pas de danger avant d’introduire quelque chose de nouveau sur le marché.
Et d’après eux, même l’Ethoxyquine pourrait être remplacée en transportant la farine de poisson sous atmosphère contrôlée, avec un ajout d’antioxydants provenant des algues, mais encore faut-il le vouloir.
Et la loi du marché semble la plus forte selon Colin Mair : « Le marché des saumons d’élevage est dirigé par le volume et les coûts. Tous les gens dans ce jeu, des fabricants de farine aux fermiers sont vraiment concentrés sur chaque centime d’économie possible et un changement n’est introduit que lorsqu’il est nécessaire. Nous remarquons que le public commence à se rendre compte des problèmes liés à l’élevage du saumon et c’est une forme de  pression pour que cela change. »
L’Ethoxyquine n’est qu’un petit exemple parmi tous les produits de synthèse que nous ingérons chaque jour dans notre nourriture, mais elle nous rappelle que, puisque nous sommes ce que nous mangeons, il nous faut aussi nous préoccuper de ce qu’a mangé notre nourriture avant de finir sur notre table.
Pour Patrick Edder,  : « Les grands derniers scandales alimentaires ont presque tous commencé avec la nourriture pour animaux. Encore aujourd’hui, on voit que des substances présentent dans l’alimentation des animaux se retrouvent dans le produit fini, qu’on a pas évaluées, dont on ne connaît pas la toxicologie et pour lesquelles ont prend peu de mesures. »
On va voir maintenant que ça bouge, mais lentement, sur le front du livre numérique ! Et rien n’est simple: le Groupe Hachette Livre a tout récemment fait cavalier seul en signant un accord avec Google pour la numérisation de ses livres épuisés, alors que ce même Google était considéré comme l’un des principaux ennemis des éditeurs français ! Le consommateur, de son côté, doit se débrouiller avec des verrous, se contenter du  faible choix de livres disponibles en français, c’est pas si facile de se procurer un livre numérique, on vous le démontrait, il y a un mois, vous vous souvenez peut-être. Alors question : pourquoi est-ce que le marché du livre numérique a  tant de peine à décoller dans nos pays francophones ? Suite et fin de notre enquête,  de la fabrication jusqu’à la distribution du livre.
Nous sommes à Corminboeuf, non loin de Fribourg. Bienvenue à l’OLF, l’Office du Livre, l’un des gros diffuseurs de notre pays. Dans cette halle, 1’500’000 livres qui attendent de partir chez des libraires, puis chez des clients. Selon le directeur, Patrice Fehlmann : « On peut expédier, traiter environ 50'000 livres au quotidien. »
Le marché du livre aujourd’hui, c’est en partie  cela: une infrastructure très technologique capable de trier et de transporter des tonnes de papier sur des milliers de kilomètres dans des centaines de points de vente, sans erreur et rapidement.
Selon Patrice Fehlmann, toute cette logistique serait inutile avec le livre numérique : « Tout ça, on en a plus besoin avec les livres numériques. Mais si on part du principe qu’aujourd’hui il y a 60'000 nouveautés qui sortent chaque année plus ce qui existe déjà, d’ici à ce que le papier soit remplacé par le numérique on a un bout de temps devant nous. »
A l’autre bout de la chaîne du livre, voici un auteur suisse à succès, l’écrivaine Anne Cuneo. Pour elle, le livre numérique n’est pas une menace pour le papier, mais une nouvelle manière complémentaire d’utiliser et d’apprécier les textes : « J’ai toujours aimé l’idée du livre électronique. A un moment je me suis même dit que l’on allait plus lire de livre papier si on lit des livres électroniques. Et plusieurs exemples m’ont montré que de toute façon quand on avait envie de lire dans un fauteuil on avait besoin d’un livre. Et que par ailleurs le livre électronique présentait un certain nombre d’avantages. C’est formidable d’avoir le même texte sur deux supports différents. Quand je cherche quelque chose je vais sur le livre électronique et je retrouve le passage.  Mais l’un n’exclu pas l’autre.»
Anne Cuneo a écrit en 2002, le maître de Garamond, une fresque magistrale sur les débuts de l’imprimerie au 16 siècle. Un livre sur le livre, en quelque sorte.
Et Anne Cuneo  fait le parallèle entre arrivée de l’imprimerie et celle du livre numérique : « Quand le livre imprimé est arrivé, les scribes disaient la même chose que l’on dit maintenant pour le numérique : la culture se perd, ça ne va plus être la même chose, tous ces beaux livres écrits à la main et maintenant ça va être une machine… ils disaient exactement la même chose. »
L’homme qui a numérisé «Le Maître de Garamond», c’est Frédéric Kaplan, de bookapp.com : « Ce qu’on a voulu proposer à Anne Cuneo c’est une adaptation qui reprend tout le travail fait sur la version papier et qui va être restitué sur une tablette numérique comme l’iPad. On voit que l’on retrouve vraiment la même mise en page que le livre. On retrouve les lettrines, la même typographie. Je retrouve la même composition que celle voulue par l’éditeur. »
Frédéric Kaplan a voulu tirer parti des avantages du numérique dans ce livre qui est à la fois un roman classique, mais aussi, dans sa deuxième partie, un essai où l’auteur nous dévoile les recherches historiques nécessaires à sa rédaction. « Par exemple, dans la 2 partie, chaque mot est cliquable. Là, je vois le terme Garamond, par exemple. Je vais pouvoir aller sur Wikipédia : et je vais voir que c’était un typographe français du 16 et des polices d’écriture dites Garamond. Donc vous avez le meilleur des deux mondes. Vous avez la forme fermée que propose Anne Cuneo au moment où elle écrit. Elle parle de Garamond d’une certaine manière. Et on le lie à la forme ouverte de Wikipédia qui, elle, va pouvoir s’enrichir au fil du temps, s’enrichir de nouvelles connaissances, enfin tout ce que le web peut nous apporter aujourd’hui. »
Ce livre numérique est vendu directement sur le magasin en ligne d’Apple. Chez nombre de petits libraires, ce n’est pas vraiment perçu comme un progrès.
Damien Malfait, de la librairie du Boulevard, à Genève ne voit pas vraiment le livre numérique d’un bon œil : « On est amoureux du livre depuis longtemps. On est lecteur depuis tout petit. Pour nous, le rapport à la lecture, c’est l’objet livre, c’est le papier, c’est les odeurs, c’est les couleurs… Donc dans un premier temps, la première réaction c’est une méfiance. Qu’est-ce que c’est que cet objet qui vient voler la place de notre objet fétiche ? A titre professionnel, bien sûr, c’est de savoir quelle part de marché le livre électronique va représenter. Dans quelle mesure il peut déstabiliser le marché du livre traditionnel ? Donc, pour nous aussi, comment nous positionner sur ce marché. C’est pour ça que l’on a décidé de travailler avec une plate-forme suisse qui vend du livre électronique même si c’est pas forcément de gaieté de cœur. »
La plate-forme de vente dont parle Damien, c’est e-readers.ch, lancée justement par l’Office du livre à Fribourg. Un ballon d’essai numérique qui tente de lier l’ancien monde et le nouveau monde du livre.  Patrice Fehlmann nous en explique la démarche : « Tout consommateur qui prendra un livre électronique sur le site e-readers attribuera la vente au libraire de son choix. Si on est honnête, défendre les libraires c’est aussi défendre le métier de diffuseur distributeur. Mais c’est pas le diffuseur qui a l’avenir le plus garanti, je le dis même si je suis à la tête d’une maison de diffusion. »
Chez Payot, la grande chaîne du livre, on a moins d’inquiétudes, on affirme considérer simplement le livre numérique comme un nouveau format qu’il va falloir apprendre à vendre en librairie ou en ligne. Et pour l’instant, ici, on ne sent pas une véritable urgence de se lancer sur ce marché. Il faut dire que du côté de leurs clients, semble-t-il, l’envie n’est pas irrépressible non plus.
Pascal Vandenberghe, directeur général Payot Libraire remarque que la demande d’ouvrages numériques n’est pas élevée en Suisse : « Nos clients ont l’air relativement prudents. Une étude clients que l’on a fait cet été montrait que 80% des gens ne sont pas intéressés  par le livre numérique. Il y a plutôt un attentisme, une prudence, plutôt qu’une attente forte que cela se développe. Pour l’instant on a préparé sur notre site internet les tuyaux entre guillemets, qui permettront le jour où on le décidera, ce qui n’est pas encore fait, de brancher du livre numérique. Ca, c’est la première chose. On attend aussi que l’offre soit plus large qu’elle ne l’est aujourd’hui en français. Car il n’y a pas grand chose actuellement de disponible.  »
C’est vrai que même sur la plate-forme e-readers.ch, il n’y a pour l’instant que 1500 titres disponibles en français environ et tous les éditeurs n’y figurent pas encore.
Selon Patrice Fehlmann, Directeur OLF, le livre numérique est encore en phase d’étude : « On est plus en face d’une réflexion des éditeurs qui veulent garder la main sur la production, sur les droits d’auteur. Et chacun a sa raison pour expliquer pourquoi il y viendra demain. Est-ce que c’est parce qu’il n’y a pas de demande qu’il n’y a pas d’éditeur ou l’inverse ? Je ne sais pas vous le dire.»
Damien Malfait, librairie du Boulevard, considère que la situation est encore floue : « Sur le  marché francophone, on sait pas où on va. C’est clair que le modèle américain est plutôt inquiétant. On propose un certain nombre de tuyaux que les grandes entreprises multinationales maîtrisent et contrôlent, et verrouillent. Donc ce modèle là, on en veut pas, ça c’est clair. Et puis, je pense que les éditeurs français se méfient de tout laisser clé en main à Google, McIntosch ou Amazone. Et je pense qu’ils ont bien raison de réfléchir. On ironise facilement sur les tergiversations des Français, mais peut-être que c’est le temps qu’il leur faudra pour réfléchir à une alternative plus diversifiée.»
A Paris,  le 5, de la rue Sébastien-Bottin, c’est chez Gallimard.
Cette vénérable maison d’édition vient de fêter ses cent ans, mais elle est plutôt à la page en matière de numérisation: elle commercialise déjà une grande partie de ses nouveautés en ligne et s’est attelée à la tâche titanesque de la numérisation de son patrimoine.
Eric Marbeau, partenariats et Diffusion numérique, Gallimard :
« On doit approcher les 25000 titres numérisés chez Gallimard. Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont tous commercialisés. Puisque aujourd’hui, on s’adresse aux ayant droits pour leur demander leur accord, pour exploiter ces ouvrages au format numérisé. C’est un travail de longue haleine et c’est pourquoi ces ouvrages ne seront pas disponibles dès demain. Pour autant, on travail avec les successions, comme St-Exupéry, la succession André Gide, la succession Joseph Kessel avec lesquelles nous avons déjà un accord pour l’exploitation au format numérique. »
Tout cela, même si en France, l’année dernière, le livre numérique représentait à peu près 1% du Marché du livre.
Eric Vigne, directeur des collections Sciences Humaines, Gallimard :
« On a le sentiment que nous sommes tous dans les startings blocs, mais que le départ de la course n’a pas été donnée. Tout le monde fantasme sur des mondes possibles, sur des ouvrages possibles, des technologies, des basculements anthropologiques. On lira d’une manière ou d’une autre ou que sais-je ? Le problème,  c’est que l’économie de tout cela est une économie classique. C’est à dire qu’il faut une demande. Et la demande ne semble pas du tout au rendez-vous du moins sur les échelles espérées. »
Un son de cloche pas très différent chez Albin Michel. Comme Gallimard, la célèbre maison d’édition est très présente avec ses nouveautés sur les sites de vente en ligne. Elle numérise progressivement son fond et négocie les droits pour préparer l’avenir, mais elle reste très prudente….
Agnès Fruman, secrétaire générale Albin Michel :
« Aujourd’hui, ce qui nous fait peur, c’est le manque de maîtrise sur le prix du livre, par exemple. Ca, on tient absolument à le conserver. Aux Etats-Unis, on a vu avec Amazone, que les éditeurs américains avaient du céder là-dessus. Et avec ces livres vendus à 9$99, avaient perdu une part de leur chiffre d’affaire et de leurs bénéfices. Et les auteurs aussi ont perdu beaucoup. Donc si le marché était transposable de même manière du livre papier au livre numérique, je pense que l’on serait assez serein. Mais ce n’est pas le cas. »
Le prix, ça sera sans doute le vrai problème. Pour tenter de se prémunir, les éditeurs français signent des contrats avec les plate-forme de vente pour se garantir un prix minimum, mais il n’est pas dit que le marché, et surtout les clients, acceptent dans le futur de se plier à leur volonté.
Pascal Vandenberghe, directeur général Payot Libraire :
« aujourd’hui on est sur un modèle qui est  de moins 20% par rapport au prix papier vendu en France en Euro. Ce qui ne correspond pas aux attentes des clients potentiels. Selon eux ce devrait être au moins 40% moins cher. Ca c’est un élément d’insatisfaction potentiel et de frein peut-être au numérique. »
Alors ce livre numérique, un pétard mouillé, une vraie révolution, une menace? Frédéric Kaplan, lui, n’a pas peur du tout.  Il pense que si le livre numérique n’est pas réduit à un simple texte tout nu, il n’y a pas de raison d’être inquiet.
Frédéric Kaplan, bookapp.com
« Je crois que la chaîne du livre va se recréer autour d’un nouveau format qui sera un nouveau type dôbjet livre que les éditeurs seront capables de maîtriser. C’est à dire qu’ils pourront créer des livres comme ils le souhaitent, avec la mise en page qu’ils souhaitent avec la typographie ou encore l’interactivité qu’ils souhaitent. Si on leur donne les outils pour faire ça, il y aura des diffuseurs pour amener ces livres chez des libraires. Et il y aura des logiciels que l’on pourra donner aux libraires pour qu’ils puissent  créer autour de ces livres, des communautés, mettre certains livres en avant. Finalement faire leur rôle de libraire qui n’est pas le rôle de l’éditeur, de l’auteur ou du diffuseur. »
Et le message commence à passer du côté des éditeurs romands : une dizaine d’entre eux ont décidé de se lancer dans le livre numérique,  le catalogue bookapp.com grossit chaque semaine; et puis, sur la plate-forme e-readers, le choix s’élargit aussi: 30'000 titres des éditions l’Harmattan seront disponibles dès la mi-décembre;  l’Office du Livre a passé encore deux autres accords,  l’un avec Flammarion et l’autre qui a demandé des mois de négociations, avec Hachette Livre. Résultat : dès janvier, vous trouverez  80% de l’édition française numérisée sur e-readers. Je vous le disais, ça bouge…
A l’approche de Noël, un dessert italien envahit les magasins:  le panettone, qui serait né à Milan au  XVème siècle. Nous vous donnons rendez-vous dans la capitale lombarde,  afin de vérifier si ceux que l’on nous vend en Suisse sont bien des vrais panettone décryptage des ingrédients, comparaison avec la recette originale et  dégustation exceptionnelle avec les meilleurs  spécialistes  italiens du panettone.
Après les antibiotiques, les polluants comme les PCB, ABE a découvert un agent conservateur douteux utilisé dans la nourriture des animaux. Les échantillons de saumon testés étaient contaminés et les risques pour la santé ne sont pas évalués.
Pour ces résultats, sur les conseils du chimiste cantonal genevois, nous avons additionné les quantités retrouvées d’Ethoxyquine avec les résidus de son métabolite, le fameux dimère.
On commence par le saumon d’origine Norvégienne, la provenance en moyenne la moins contaminée en Ethoxyquine de nos échantillons.
Celui qui en contient le moins, c’est le saumon fumé salé de chez Lidl, 79 microgrammes par kilo d’Ethoxyquine et de son métabolite.
Ensuite,  la darne de saumon frais norvégienne de la Migros, avec 95 microgrammes par kilo.
Un peu plus d’Ethoxyquine, pour le saumon fumé de chez Denner, 108 microgrammes par kilo.
Le saumon fumé de la Coop, 110 microgrammes par kilo.
Le saumon frais norvégien de chez Aligro, 112 microgrammes par kilo.
Les filets surgelés de chez Lidl, 132 microgrammes par kilo.
Les filets surgelés de chez Aldi, 158 microgrammes par kilo.
Le suprême de saumon surgelé acheté à la Migros, 161 microgrammes par kilo.
Les filets de saumon frais de la Coop, toujours en provenance de Norvège, avec 193 microgrammes par kilo.
Et, les plus chargés en Ethoxyquine de nos échantillons norvégiens, ce sont les filets de saumons vendus chez Casino, ils contiennent 194 microgrammes par kilo.
On continue avec un saumon bio d’Irlande vendu à la Coop, il renferme tout de même 242 microgrammes par kilo d’Ethoxyquine et de son dimère, nous en reparlerons plus loin dans l’émission.
Partons maintenant en Ecosse,  à la rencontre d’un  autre saumon fumé bio mais vendu à la Migros, il contient, lui,  142 microgrammes par kilo.
Ensuite, un saumon fumé écossais de la Coop, 147 microgrammes par kilo.
Un cœur de saumon fumé de chez Manor, 194 microgrammes par kilo.
Un saumon fumé vendu chez Aligro, qui  contient 257 microgrammes par kilo.
Encore plus chargé, un filet de saumon « Label Rouge » de chez Globus, 436 microgrammes par kilo
le plus contaminé de nos 18 échantillons,  c’est un filet frais trouvé chez Manor, qui renferme 499 microgrammes par kilo.
Et pour finir, presque aussi chargé, mais le plus cher du test et provenant de l’autre côté du monde, un saumon fumé Néo-Zélandais vendu chez Migros, qui contient dans sa chair 456 microgrammes par kilo d’Ethoxyquine et de son dimère.
499 microgrammes par kilo d’Ethoxyquine, pour le saumon le plus chargé. Que risque-t-on ? En l’état actuel des recherches, force est de constater que l’on ne sait pas grand chose de la toxicité à long terme de l’Ethoxyquine. Donc on ne peut pas affirmer que les saumons d’élevage présentent un risque immédiat pour notre santé. Reste qu’on utilise cette substance de synthèse pour une raison tout à fait incroyable, alors qu’on pourrait faire autrement.