L'alimentation d'un enfant est importante, elle doit être adaptée à sa croissance. Or, l'épidémie de surpoids est galopante : 20% des écoliers suisses sont trop gros, voire obèses. Entre des aliments trop riches et un matraquage publicitaire à destination des enfants, les goûters industriels ne résoudront pas le problème, bien au contraire.
Visite à l'école : ce que mangent les enfants
Lors d'une visite à l'Ecole du Livron, dans la banlieue
genevoise, ABE a mis le nez dans le cartable des enfants pour
savoir de quoi était fait leur goûter. Au menu : du sucré, du sucré
et encore du sucré. Pourquoi un tel attrait du sucre ? Nous avons
posé la question à Anne-Claude Luisier, qui mène dans le cadre de
la Haute Ecole valaisanne un projet d'éveil des enfants à la
diversité alimentaire par les cinq sens. « Nous sommes
programmés pour répondre à nos besoins physiologiques. Or, nous
avons évolué un peu moins vite que l'offre alimentaire, donc nous
sommes programmés pour les aliments à haute teneur en énergie, qui
contiennent beaucoup de sucre. Les enfants ont particulièrement
besoin de ces aliments pour grandir et comme on a une offre très
abondante, on a tendance à choisir les aliments qui sont riches en
énergie. »
Les goûts des
enfants
Aujourd'hui, on sait avec certitude que les préférences
alimentaires se forment très tôt dans l'enfance. « Nous avons
pu observer que les enfants qui avaient été soumis à une nourriture
au curry dans le ventre des mamans reconnaissaient cette odeur
quelques heures après la naissance. Nous voyons donc que toutes les
expériences qui sont précoces en matière d'alimentation vont
rester. Nous avons aussi pu mettre en évidence que ces préférences
et ces goûts des enfants restaient encore des tendances, disons des
points forts à l'âge adulte. » Les enfants, qui apprécient les
sucreries en tous genres, sont pourtant conscients qu'elles ne
constituent pas la panacée. Au goûter, Zacharie se régale « de
petits trucs sucrés ». Il affirme néanmoins que « tout ce
qui est sucré, ça fait mal à l'organisme ». D'autres se
délectent de crêpes, de gaufres, de glaces, ce qui ne les empêche
pas d'évoquer les problèmes dentaires qui pourraient en découler :
« Si tu manges beaucoup de sucre, ça fait mal aux dents, tu
peux avoir des caries, et ça fait mal au ventre », explique
Borja. Saud: « Quand on mange les chocolats, ça donne plein de
caries et ça coûte tellement cher. » Le message des
infirmières dentaires, à l'évidence, a bien passé. En revanche, le
rapport entre sucre, gras et surpoids n'est venu à l'esprit que de
deux élèves sur quarante interrogés.
La peur du
légume
Autre trait commun des enfants, qui complique la vie des parents
comme celle des cuisiniers des cantines scolaires : leur peu
d'entrain à manger des légumes. Mais pourquoi un tel rejet ?
Anne-Claude Luisier : « Nous ne savons pas vraiment pourquoi,
mais il y a plusieurs hypothèses. La première, c'est que l'enfant
est programmé pour des aliments riches en énergie pour grandir, et
les légumes n'ont pas beaucoup d'énergie. Ensuite, le monde des
légumes est un monde avec des saveurs, des odeurs, des textures,
des couleurs très particulières. Or, l'enfant a très peur, surtout
quand il est en période de néophobie, de ces choses un peu
bizarres. [...] Et puis on pense aussi qu'à l'origine, on était un
petit peu programmé pour rejeter les légumes, qui étaient souvent
signe de toxicité. Nous avons donc certainement gardé quelque part
cette peur du végétal. »
Les feux alimentaires
Vert, orange, rouge. Une
signalétique universelle pour qualifier le niveau de sucre, de sel,
de gras, de graisses trans et de calories présents dans les
produits alimentaires, tel est le nouvel étiquetage imaginé par la
Food Standard Agency, l'organe de contrôle alimentaire britannique.
Feu vert pour un niveau sans danger, feu orange pour un niveau
moyen et feu rouge pour un niveau trop élevé.
Un label visible et
compréhensible
L'association de consommateurs britannique "Which ?" soutient ce
nouveau système, comme nous l'explique Colin Walker, son lobbyiste
: « Nous savons que les consommateurs, dans les supermarchés en
Angleterre, ne passent que quatre secondes à regarder chaque
produit qu'ils achètent [...]. Le nouveau label apparaît sur le
devant du produit, il est facilement visible et compréhensible et
permet aux consommateurs de voir rapidement si c'est un produit
qu'ils peuvent consommer sans restriction ou s'ils doivent en
limiter leur consommation. » Les produits industriels sont les
premiers concernés par cette nouvelle signalétique : les pizzas,
les plats tout prêts ou encore les biscuits. En fait, tous les
produits préparés, contenant des ingrédients multiples, et dont il
est difficile de connaître les quantités de sucre, de gras ou de
sel. Quelques grands distributeurs et fabricants sont en train
d'introduire cet étiquetage sur leurs produits.
Résistances des
fabricants
Des poids lourds du marché, notamment Nestlé et Kellog's, mettent,
en revanche, les pieds au mur. Ils veulent s'en tenir au label mis
en place par l'industrie alimentaire, le Guideline Daily Amount,
autrement dit le guide pour la ration quotidienne que l'on commence
d'ailleurs aussi à trouver sur des produits en Suisse.
L'association de consommateurs britannique "Which ?" critique
vivement le GDA : « D'une part, il se base non pas sur un
calcul au 100 grammes, mais à la portion. Mais qui décide ce qu'est
une portion ? Un fabricant peut décider que c'est 30 grammes, alors
que beaucoup de gens en mangeront peut-être le double. [...]
D'autre part, une étude a montré que les consommateurs ont de la
peine à comprendre ce que signifient les pourcentages. Donc, le GDA
ne donne pas d'indications rapidement compréhensibles sur le niveau
des composants. » Selon une enquête réalisée par "Which ?",
50% des consommateurs sont capables d'identifier correctement le
niveau des quatre composants avec le système des feux de
signalisation, alors qu'ils ne sont que 5% à y parvenir avec le
système d'étiquetage GDA de l'industrie. L'association de
consommateurs souhaite donc que le nouveau label se généralise.
Voire même qu'il soit imposé au niveau continental grâce à une
législation votée par le Parlement européen. En attendant, la Food
Standard Agency n'ayant pas le pouvoir d'imposer son label à
l'industrie, "Which ?" s'active pour persuader de plus en plus
d'industries de l'utiliser.
Surpoids : les enfants victimes de la pub
En France, 89% des publicités à destination des enfants
continuent de leur faire avaler des produits en complète
contradiction avec les recommandations des nutritionnistes. Selon
une étude de Que Choisir, la revue française des consommateurs, les
jeunes télévores sont de grands consommateurs de produits
déséquilibrés. Une étude de l'Université de Liverpool démontre, de
son côté, que les enfants en surpoids vont manger encore plus que
les autres après avoir vu des pubs pour de la nourriture.
Publicités
interdites
Valérie Mausner-Léger, présidente Association Parents d'élèves
Nyon-Prangins : « Les enfants subissent comme tous la pression
de la publicité [...]. Maintenant, on rencontre de plus en plus de
problèmes de surpoids et aussi d'absence de mobilité. A
l'association, on a été alertés que des enfants de huit ans
n'arrivaient plus à courir cent mètres ou même à jouer à
saute-moutons parce qu'ils n'étaient plus habitués à faire du
sport.» En Angleterre, face à l'épidémie de surpoids et
d'obésité qui touche un enfant sur trois, l'OFCOM, l'office de
surveillance de la Télévision, vient de prendre une mesure radicale
: interdire la publicité pour des aliments trop gras ou trop sucrés
pendant les programmes TV pour enfants. Un premier pas, mais de
loin pas suffisant pour l'association de consommateurs britannique
"Which ?". Colin Walker, lobbyiste de "Which ?" : « Beaucoup
d'enfants regardent des programmes qui ne leur sont pas
spécifiquement adressés. Seules sept des cinquante émissions les
plus populaires auprès des enfants sont touchées par les nouvelles
restrictions. Donc, les enfants sont encore bombardés par toutes
sortes d'opérations marketing pour des aliments pas sain . Nous
aimerions que l'interdiction s'applique sur tous les programmes
jusqu'à 21heures.»
Une mesure de lutte contre
l'obésité
Quoi qu'il en soit, l'industrie alimentaire a plusieurs coups
d'avance sur la législation: elle utilise déjà de plus en plus
d'autres canaux, notamment Internet, pour atteindre les enfants.
« Nous aimerions que de strictes restrictions soient
introduites, non seulement pour Internet, mais aussi concernant
l'emballage, la publicité au cinéma et dans la presse écrite. Une
étude australienne a récemment conclu que restreindre le marketing
pour les produits mauvais pour la santé est le moyen le plus
efficace de combattre l'obésité chez les enfants. Nous voulons donc
que cette mesure soit incluse dans celles adoptées pour lutter
contre l'obésité des enfants. » En France, pour l'instant, pas
d'interdiction comme en Grande-Bretagne, mais un message sanitaire
diffusé obligatoirement pendant les publicités pour des produits
très gras ou très sucrés. Une enquête de l'association des
consommateurs Que Choisir a révélé que près d'un consommateur sur
deux ne remarque pas le message sanitaire : 91% des personnes sont
dans l'incapacité d'identifier que le produit alimentaire présenté
en même temps dans la publicité est déséquilibré.
Les phrases à ne pas dire et les suggestions
Anne-Claude Luisier, ingénieur
agroalimentaire, Haute Ecole valaisanne, donne quelques conseils
pour éviter de prononcer des phrases pleines de bon sens mais
parfaitement contre-productives lorsqu'il s'agit de l'alimentation
des enfants :
- Ne mange pas de chips, c'est mauvais pour ta santé ! : «
Quand on dit à un enfant qu'un aliment est mauvais ou quand on
interdit un aliment, on accroît l'attrait de l'enfant pour cet
aliment.»
- Mange tes légumes, c'est bon pour ta santé !: « Les études
nous disent que dire à un enfant que c'est bon pour sa santé
l'amène à rejeter encore plus fortement l'aliment que l'on
présente. »
- Si tu es sage, tu auras une glace ! :
« Les aliments vus comme des récompenses ou des punitions,
c'est un petit peu dommage. Surtout qu'on associe souvent des
aliments en haute valeur énergétique à la récompense. Je n'ai
jamais entendu de parents qui disaient : je t'offre une belle
salade pour te faire plaisir. »
- Finis ton assiette si tu veux un dessert !
« L'enfant a certainement tendance à avoir les yeux plus gros
que le ventre. Quand il n'a plus faim, il est important de
respecter le signal de son corps qui lui dit : 'Maintenant, je n'ai
plus faim. »
Propositions d'en-cas équilibrés
1) Du pain aux noix découpé avec un
petit emporte-pièce, un bol avec du lait chocolaté et puis un fruit
de saison (raisin, prune, abricot, etc.)
2) Des petits morceaux de pomme, avec des bâtonnets de carotte,
des bâtonnets de pain grillé et un bol de fromage blanc ou du blanc
battu auquel on peut rajouter soit du sucre soit des herbes
aromatiques
3) Un bol de corn-flakes complets avec du lait et un mini-gratin
de pommes très facile à faire : une pomme coupée en petits morceaux
et quelques raisins secs, le tout passé sous le grill pendant 5
minutes
4) Une tranche de cake maison (sans gras - voir recette), un fruit
de saison (kiwi, prune, etc...) et un verre de lait
5) Deux tranches de pain grillé, un yaourt nature et un jus de
pomme
6) Une comporte de pomme, un yaourt et deux tranches de pain
d'épice
7) Un paquet de crakers aux céréales, quelques fruits secs et un
verre de lait
8) Un petit pain au lait, un morceau de fromage (par exemple
emmental ou gruyère) découpé à l'emporte-pièce et une pomme
9) Un ballon, quelques carrés de chocolat, une poire et un verre
de lait
10) Deux galettes de riz complet, un petit fromage fondu et un jus
de pomme.
Tous ces en-cas peuvent être transportables : on remplace le verre
de lait par un mini-brique de lait, etc.
Recette du cake sans gras proposée par Catherine
Schmitt, diététicienne à Espace Prévention de Lausanne:
voir ci-contre.